Rimbaud et Verlaine: Paris, Londres et Bruxelles
Publié le 25/06/2011
Extrait du document
Durant son séjour à Fampoux, tel est du moins le récit très précis et formel de Delahaye, Verlaine avait reçu une lettre de Charleville. Elle était signée d'un nom inconnu, Arthur Rimbaud. Ce jeune homme y disait son idéal, ses rages, son ennui. Il demandait l'avis du poète sur les vers qu'il avait joints à son envoi. Il se recommandait d'un ami de Verlaine, Charles Bretagne : celui-ci avait même écrit dix lignes au bas de la lettre pour appuyer la demande du jeune Rimbaud. L'enveloppe portait l'adresse de la rue Nicolet, si bien que la missive mit quelque temps à parvenir à Fampoux. Trois jours plus tard, une seconde lettre arrivait, accompagnant un second envoi de poèmes. Verlaine répondit de Fampoux, et par conséquent au mois d'août, avant le retour à Paris. Il marquait le très grand intérêt qu'il avait trouvé aux poésies du jeune inconnu. Il laissait entrevoir qu'il serait possible de faire vivre le jeune homme à Paris, mais il lui fallait d'abord se concerter avec des amis. Dès son retour dans la capitale, il s'occupa en effet de l'affaire. Un jour, Rimbaud reçut à Charleville la lettre tant désirée, tout était arrangé, on l'attendait, il pouvait venir. Un mandat, joint à la lettre, lui fournissait le moyen de faire le voyage. . Il ne fallut pas longtemps pour que se nouât entre Verlaine et Rimbaud une liaison qui ne comportait aucune réserve. Ils passaient leurs journées ensemble, en d'interminables promenades autour de la Butte et plus tard dans les cafés du quartier Trudaine et du Quartier Latin. Ils se retrouvaient au café de Cluny, au Tabourey, dans un club organisé par Verlaine et ses amis au premier étage de l'Hôtel des Étrangers, au coin de la rue Racine et de la rue de l'École de Médecine.
«
trop simple étant écartée, il semble évident que malgré la différence des âges, Verlaine se mit à l'école de sondiabolique compagnon.
Il avait été jusqu'alors un homme faible, et ne s'était pas abandonné sans remords à sesvices.
Rimbaud fit de lui, au moins pour quelque temps, un « fils du soleil ».
Il le poussa très froidement à rejetertoutes les disciplines, à braver les lois morales, à haïr les servitudes.
Il lui apprit à rougir de ses remords, il lui fithonte de ce qu'il appelait ses faiblesses : et de toutes, la plus honteuse à ses yeux n'était-elle pas sa pitié et lapersistance de son amour pour Mathilde et son enfant ? Ce n'est pas Rimbaud qui a fait de Verlaine un ivrognefurieux et brutal.
Mais il trouvait plaisant de libérer, en son ami, ces forces démoniaques qu'il avait eu la joie dedécouvrir en l'auteur de la Bonne Chanson.Cruelle aberration, et dont Rimbaud, comme Verlaine, rougiront un jour.
Mais comprenons aussi qu'elle n'est passimplement l'ignoble aventure que veulent voir certains biographes.
A travers sa folie, Rimbaud poursuit ladécouverte du « nouvel amour ».
Il rêve d'une humanité enfin libre, héroïque et heureuse.
Il en ouvre lesperspectives devant Verlaine ébloui.
Celui-ci avait, depuis un an, le sentiment de s'enliser dans la médiocrité de sonbonheur bourgeois.
Il en avait discerné la mesquinerie, l'hypocrite comédie.
Il savait aussi toute la fausseintellectualité des milieux littéraires, cette parade de littérature et d'art qui masquait des intérêts de vanité etd'argent.
Il étouffait.
Il comprit que son jeune compagnon lui révélait enfin des valeurs authentiques.
Nous savonsbien que la signification la plus haute de ce message lui échappait, que l'enfant gâté d'Elisa Dehée n'était pascapable d'embrasser dans toute son étendue la révélation que lui apportait Rimbaud.
Mais sa joie, son exaltation, saconviction d'échapper à l'enlisement n'en sont pas moins certaines et donnent à ses relations avec le jeune hommeleur véritable signification.
D'autant plus qu'il y avait en Rimbaud non pas seulement un maître satanique, mais unenfant aux délicatesses merveilleuses, avec des parties de naïveté et de fraîcheur, avec d'émouvantes faiblesses defemme.
Si l'on s'entêtait à négliger ces dessous d'une aventure affreuse, on s'interdirait de comprendre certainespoésies de Verlaine, qui sont parmi les plus beaux cris qu'ait arrachés à l'homme le tragique sentiment de son destin.Vers le 15 mars, Mathilde revint.
Verlaine manifesta une grande joie et la jeune femme put croire que la paix étaitrevenue.
Il avait trouvé un emploi au Lloyd belge.
Le soir il sortait avec elle.
Un nouvel ami l'occupait, le jeuneForain, qu'il appelait « la petite chatte brune ».
Mathilde n'y voyait pas malice.
Forain ne buvait pas.
Il se montraittrès gentil, gai, aimable.
Grâce à sa bonne influence, Verlaine ne se saoulait plus.
Hélas, il n'était pas de bonne foi.
Il préparait sans le dire le retour de Rimbaud, « la chatte blonde ».
Celui-ci luiécrivait.
Les lettres étaient adressées chez Mme Verlaine mère lorsqu'elles se bornaient à gémir sur leur séparation.Elles allaient chez Forain lorsqu'elles parlaient du prochain retour.
Il s'agissait d'attendre un peu, de patienterquelques semaines jusqu'au moment où le ménage de Verlaine serait « retapé ».
On était d'ailleurs décidé à resterprudent, et Rimbaud promettait d'être « moins terrible d'aspect ».
Comme disait Verlaine en son style elliptique : «linge, cirage, peignage, petites mines ».
On préparait des vengeances, des « choses tigresques » qui puniraient lesauteurs de leur séparation.Au mois de mai Rimbaud revint à Paris.
On dit que ce fut le 18.
Mais déjà le 9 mai une nouvelle querelle avait éclatérue Nicolet : Mathilde, le matin, était sortie de sa chambre, la lèvre fendue et une bosse au front.
Au mois de juin,elle observa que son mari boitait.
Il portait plusieurs blessures à la cuisse.
Elle sut un jour que Rimbaud était revenu,et qu'avec Verlaine il jouait à se battre au couteau.
Le 15 juin, scène atroce.
Verlaine poursuivit Mathilde, une armeà la main.
Elle se réfugia près de son père.
Verlaine leva sa canne sur le vieil homme.
Celui-ci, vigoureux encore, putle terrasser et le désarma.LA FUGUE.
- Le 6 juillet se passa dans le calme.
Le lendemain, Mathilde était souffrante, avec des névralgies et unpeu de fièvre.
Verlaine parut attristé.
Il lui dit qu'en allant à son bureau, il passerait chez le Dr Cros.
Il partit, aprèsl'avoir embrassée affectueusement.
S'il fallait se fier au récit qu'il a fait plus tard, il rencontra par hasard.
Rimbaud ,celui-ci lui annonça qu'il regagnait Charleville, Verlaine le supplia de ne pas le laisser seul une fois de plus, et commele jeune homme s'entêtait : « Eh bien, je pars avec toi », aurait dit Verlaine.
Tel est le récit traditionnel.
Il estextrêmement suspect.
Il y a de bonnes raisons de penser que le départ avait été au contraire prévu et préparé.
Ona même dit que Mme Verlaine mère, très excitée contre les Mauté, avait été avertie et avait fourni l'argentnécessaire au voyage.
Quant à Mathilde, elle a noté que son mari avait l'air triste et s'était montré fort affectueuxau moment du départ.Lorsqu'il prit le train en compagnie de Rimbaud, Verlaine ne songeait pas à quitter la France.
Il s'en allait toutbonnement à Fampoux, dans sa famille, et l'on peut donc penser qu'il n'envisageait nullement une rupture définitiveavec Mathilde.
C'est ce que Delahaye a été seul à dire, et il a eu raison.
Il ajoute que Verlaine venait de s'effrayerbrusquement parce qu'un journal réactionnaire avait prononcé son nom parmi les écrivains compromis dans lesévénements de la Commune.
Voilà pourquoi Verlaine et Rimbaud prirent le train, non pas à la gare de l'Est, mais à lagare du Nord, non pas pour Charleville, mais pour Arras.Arrivés dans cette ville, ils allèrent prendre un repas dans un café.
Ils attirèrent l'attention par leurs proposincendiaires.
La police intervint et les refoula sur Paris.
Delahaye prétend que Verlaine alors prit peur et jugea qu'iln'y avait plus pour lui de sécurité en France.
Les deux voyageurs revenus à la gare du Nord passèrent directement àcelle de l'Est et gagnèrent, cette fois, Charleville.
De nuit ils traversèrent la frontière belge et par Walcourt etCharleroi ils arrivèrent à Bruxelles.Dans cette ville, Verlaine se décida à donner de ses nouvelles à sa femme et à sa mère.
A celle-ci il disait : « Écris-moi toujours en deux parties séparées, l'une montrable à Rimbaud, l'autre relative à mon pauvre ménage ».
AMathilde il donnait son adresse, l'Hôtel Liégeois.
Intrépide, elle accourut.
La mère de Verlaine l'accompagnait.
C'étaitle 21 juillet.Mathilde avait écrit à Verlaine et lui avait donné rendez-vous à l'Hôtel Liégeois, Elle descendit du train à 5 heures dumatin.
Verlaine n'était pas à l'hôtel.
Il arriva à 8 heures.
On a trop simplifié le récit de cette rencontre, en se fiantaux Birds in the Night.
Il est possible que Mathilde se soit montrée très tendre et qu'elle ait su ranimer la flammesensuelle chez son mari.
Mais plusieurs récits s'accordent à dire qu'il y eut autre chose.
Verlaine commença paraffirmer qu'il ne s'appartenait plus, qu'un rapprochement était impossible, qu'il était trop tard..
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