RESTIF (OU RÉTIF) DE LA BRETONNE (Nicolas Edme Restif, dit)
Publié le 21/03/2019
Extrait du document
RESTIF (OU RÉTIF) DE LA BRETONNE (Nicolas Edme Restif, dit), écrivain français (Sacy 1734 - Paris 1806). La place longtemps attribuée à Restif par l'histoire littéraire est sans commune mesure avec l'ampleur de son œuvre et surtout le retentissement qu elle connut tant en France qu'à l'étranger. On révise depuis quelques décennies les jugements sur Restif qu'on ne limite plus à la peinture réaliste des campagnes ou des bas-fonds de Paris. Né dans une famille de paysans propriétaires de l'Auxerrois, il n'est pas totalement l'autodidacte qu'il prétend être. Il reçut une éducation primaire au village puis fut envoyé dans une école religieuse à Bicétre, près de Paris, où enseignaient ses demi-frères. Il devint apprenti chez un imprimeur d'Auxerre avant d'être typographe dans la capitale. Ce déracinement fut essentiel dans sa vie et son œuvre. Parisien, il revendiqua ses origines paysannes, de même que Jean-Jacques Rousseau, parisien, se proclama « citoyen de Genève ». L'émigration fut ressentie par Restif à la fois comme une promotion et comme une chute. Promotion, car elle lui permit de côtoyer les grands noms de la littérature et de devenir lui-même auteur. Chute, car le riche paysan était devenu un pauvre citadin, appartenant à un prolétariat littéraire qui s’était gonflé à la veille de la Révolution. Chargé de composer typographiquement un roman de Mme Ricco-boni, il se risqua à écrire lui-même un récit sensible de la même veine, la Famille vertueuse, qui parut en 1767. Son second roman afficha également une référence à la vertu, Lucile ou les Progrès de la vertu (1768), bien que l'intrigue s’y déroulât dans une maison close. Il ne se passa dès lors plus d'année sans que Restif ne publiât un ou plusieurs titres. Polygraphe, il rédigeait très vite des œuvres qui sont souvent proches les unes des autres. Il affectionna comme ses contemporains le genre épistolaire et
le recueil de nouvelles, deux formes qui concilient discontinuité et unité et qui, chez lui, restent ouvertes, toujours susceptibles d'addition. Comme Sade, son ennemi juré, Restif compose en effet par adjonction, jamais par suppression. Son style risque de s'en ressentir, son œuvre prend en tout cas des proportions qui découragent la réédition et la lecture exhaustive. Elle est aujourd'hui dispersée dans les vieux fonds de bibliothèque et rares sont les titres disponibles. Ainsi que chez de nombreux autres représentants du prolétariat littéraire du temps, l'écriture apparaît pour Restif comme une jouissance et une nécessité économique. Besoin intime et conditions extérieures le poussent à écrire vite et beaucoup, sur le modèle du journalisme. Certaines séries comme les Contemporaines (1781-1783), les Françaises (1786) ou les Parisiennes (1787), suites d'anecdotes, de tableaux et de portraits féminins, comportent des dizaines de volumes à elles seules.
Cette production est animée par une double tension qui interdit de parler sans nuances du réalisme de Restif. La première touche au dilemme traditionnel du roman classique entre réalisme et moralisme. La volonté répétée d'être moral, le souci d'une action pédagogique similaire à celle que postulaient les Lumières traversent une description complaisante des milieux louches de la prostitution et de la courtisanerie. Le goût de Restif pour le Palais-Royal et les lieux malfamés de la capitale se concilie chez lui avec des convictions vertueuses, par le biais du natalisme. Toute étreinte est louable dès lors qu'elle est productrice et procréatrice. L'obsession sexuelle aiguise le regard que Restif porte sur la société et se transforme en projet réformiste. Sa propre expérience complaisamment ressassée lui aurait permis de connaître assez de femmes pour en composer un calendrier personnel ou chaque jour est consacré au souvenir d’une ou plusieurs rencontres féminines. Il s'imaginait également à la tête d'une innombrable progéniture et pouvait voir dans chaque jeune fille croisée, chaque jeune femme possédée, une de ses filles.
«
On
trouve là un penchant à l'inceste,
réellement consommé avec ses filles.
n
s 'a gi t peut-être moins pour lui d'une
perversion que d'un sens exacerbé de la
famille, structure essentielle de sa pen
sée sociale.
Sa plongée dans le demi
monde et le plus souvent dans les
bas-fonds s'accomplit au nom du devoir
du reponer, du moraliste ou du réforma
teur L'Anti-Justine ( 1798), livre où il
verse carrément du ootll de la porno
graphie, dans une rivalité haineuse avec Sade, aristocra te dont il dénonce le
libcninage immoral, pretend encore à un
but moral.
La volonté philosophique
s'exprime dans une série de projets et
d'utopies.
Le premier titre marqu e bien
l'enracinement du réformisme restivien
dans l'imaginaire sexuel.
Il s'ag it du
Porncgraphe ou la Prostitution réformée
( 1769).
Le second y touche encore de
prés à une époque où théâtre et courtisa
nene se mêl aient : le Mimograph
e ou le
rhéatre réformé (1770).
Restif composa
enswte les Gynographes ou la Femme
rl!form� (1777), à quoi fait pendant
l'Andrographe ou l'Homme réformé
(1782), le
The
smogr aphe ou les Lois
r�formées, qui date de
l'effervescence
16gislative de 1789, et le Clossografe ou
la Langu
e réformée, proposition de
réforme de l'onhographe Dllse en prati
que par l'auteur sans plus tarder.
D'autres -graphes étalent prévus,
comme le Généographe, réfutation du
Système de la nature matérialiste de
D'Holbach et exposé d'une cosmogonie
personnelle.
Une telle liste prouve les
ambitions de :Restif et l'universalité de
ses préoccupations.
Au nom de l'idéal
encyclopédique des Lumières.
il touche
à tout.
Les limites de ses compétences
ne l'empêchent pas, bien au contraire,
de construire les hypothèses les plus
audacieuses et les romans théoriques les
plus fous.
On aborde là la seconde tension sensi
ble dans son œuvre, entre réalisme et
fantastique.
On trouve en effet dans ses
récits des pointures de l'Auxerrois natal,
des renseignements sur la vie paysanne
qui sont une mine pour l'historien, puis
une évocation du Paris populaire à la
v eill e de la Révolution.
M&s il ne faut pas
sc hâter de parler de document : la
fresque de la campagne est en partie
mythique, celle de Paris largement una
ginaire.
L'homm age qu'il rend à ses
origines dans la Vie de mon père ( 1 779)
passe par la reconstitution fantasmati·
que d'un roman familial.
Il puise dans
sa propre biographie les éléments du
Paysan perverti, histoire du jeune
Edmond, paysan monté à Paris.
non pas
pour y faire fonune et s'y imposer
comm e Jacob, le paysan parvenu de
Marivaux.
mais s'y encanaill er et s'y
perdre.
Sous l'influence funeste de Gau
det d'Arras, Edmond tente d'arriver par
les femmes et ne parvient qu'à en trainer
s a sœur Ursule dans sa chute.
Le succès
du roman révéla Restif au grand public
en 1775 et lui permit de vivre de sa
plume.
Restif l'exploita en donnant une
suite, ou plutOt un recueil parallèle et
complémentaire, la Paysann
e pervertie
( 17761 avant de réunir les deux œuvres
dans le Paysan et la Paysann
e pervertis
( 1784).
S1 ces romans sont d"inspiration
autobiographique, Restif a voulu ensuite
livrer ses confessions comme Rousseau.
Il a com
posé un long ouvrage publié sous
le titre
de M.
Nicolas ou le Cœur humain
dévoi/6 ( 1794 1797) qui tente do totali
ser l'expérience vécue par l'homme,
mrus auss1 son expérience rêvée, car il
n'hésita pas à intégrer au récit autobio
grapluque des personn ages comme Gau·
det d'Arras, condensation vr&.lsembla
blement de plusieurs figures réelles La
pan est difficile à faire entre le réel et
l'i maginaire.
Cette tendance à rêve r sa
vie conduisit Restif à écrire, après
M.
Nicolas, des Revies, épisodes de son
eXJstence récrits selon un scénario nou
veau, autobiographie hypothétique.
Le
témoin chez Restif est d'abord vision
naire.
Ses reponages pans1e ns swvent
la pente de ses obsessions.
n est s�
catif qu'ils privilégient la nuit dans les
Nuits de Paris ou le Sp
ectat eur nocturne
(1788-1794).
La nuit est le moment où
l'on peut surprendre les Parisiens dans
leur secret, c'est aussi celui où les
ombres et les rêves prennent le pas sur
la rllalitll, où les obsessions s'expriment
en graffi ti sur les murs ou les parapets
des ponts (Mes inscriptions, 1780-1 787)..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Nuits de Paris (les) de Nicolas Edme Rétif, dit Rétif (ou Restif) de La Bretonne (analyse détaillée)
- Monsieur Nicolas ou le Cœur humain dévoilé de Nicolas Edme Rétif, dit Rétif (ou Restif) de La Bretonne
- Restif (ou Rétif) de La Bretonne (Nicolas Edme Rétif.
- Le cycle des réformes chez Nicolas Edme Restif de La Bretonne
- Le cycle du moi chez Nicolas Edme Restif de La Bretonne