René-Guy CADOU, Hélène ou le règne végétal : LA MAISON D'HÉLÈNE
Publié le 07/09/2006
Extrait du document
II a suffi du liseron du lierre Pour que soit la maison d'Hélène sur la terre Les blés montent plus haut dans la glaise du toit Un arbre vient brouter les vitres et l'on voit Des agneaux étendus calmement sur les marches Comme s'ils attendaient l'ouverture de l'arche Une lampe éparpille au loin son mimosa Très tard les grands chemins passent sous la fenêtre II y a tant d'amis qu'on ne sait plus où mettre Le pain frais le soleil et les bouquets de fleurs Le sang comme un pic-vert frappe longtemps les coeurs Ramiers faites parler la maison buissonnière Enneigez ses rameaux froments de la lumière Que l'amour soit donné aux bêtes qui ont froid À ceux qui n'ont connu que la douceur des pierres Sous la porte d'entrée s'engouffre le bon vent On entend gazouiller les fleurs du paravent Le coeur de la forêt qui roule sous la table Et l'horloge qui bat comme une main d'enfant Je vivrai là parmi les roses du village Avec les chiens bergers pareils à mon visage Avec tous les sarments rejetés sur mon front Et la belle écolière au pied du paysage.
Le regard du locuteur, en effet, évoque celui d'un enfant étonné par le caractère merveilleux du lieu, une maison dont les vitres sont « broutées « par un arbre, où les agneaux viennent s'allonger sur les marches, évoquant l'Arche de Noé, ne peut que faire naître une atmosphère magique. Ainsi les images permettent-elles au poète d'animer les éléments inanimés, les fleurs du paravent peuvent s'exprimer, elles gazouillent, l'horloge peut battre « comme une main d'enfant «. Dans cet univers marqué par le merveilleux de l'enfance, tous les éléments lient la nature à l'être humain. La maison d'Hélène devient le lieu où cette nature se développe ; ancrée sur le sol par le « liseron du lierre « (v. 1), elle propose du bonheur à tous. Les blés poussent sur elle, l'arbre semble s'en nourrir, les agneaux s'y réfugient.
«
Ce poème nous présente une conception du bonheur essentiellement fondée sur l'évocation d'un monde proche del'enfance.
1.
Le regard du locuteur, en effet, évoque celui d'un enfant étonné par le caractère merveilleux du lieu, une maisondont les vitres sont « broutées » par un arbre, où les agneaux viennent s'allonger sur les marches, évoquant l'Archede Noé, ne peut que faire naître une atmosphère magique.
Ainsi les images permettent-elles au poète d'animer leséléments inanimés, les fleurs du paravent peuvent s'exprimer, elles gazouillent, l'horloge peut battre « comme unemain d'enfant ».
Dans cet univers marqué par le merveilleux de l'enfance, tous les éléments lient la nature à l'êtrehumain.
La maison d'Hélène devient le lieu où cette nature se développe ; ancrée sur le sol par le « liseron du lierre» (v.
1), elle propose du bonheur à tous.
Les blés poussent sur elle, l'arbre semble s'en nourrir, les agneaux s'yréfugient.
Là, l'univers trouve le bonheur ; la prière adressée aux « ramiers » (v.
12) montre bien que tout y estpossible : des pigeons peuvent procurer à tous amour et joie grâce à cette maison « buissonnière », un visage peutêtre assimilé à des « chiens bergers » (v.
21), les sarments être « rejetés sur (un) front» (v.
22).
Le regard del'enfant apparaît aussi dans le vers final, Hélène y est qualifiée de «belle écolière ».
Bref, le bonheur existe d'abordparce que le monde qui entoure la maison d'Hélène est marqué par le regard et les souhaits de l'enfance, et par unedescription poétique assurée par un poète émerveillé.2.
Le bonheur provient également de l'abondance.
La vie est débordante et généreuse.
La profusion est partoutprésente : l'énumération descriptive, les pluriels nombreux, les amis, présentés de manière hyperbolique (« Il y atant d'amis [...] » v.
9), les répétitions apportent une note heureuse au texte.Les fleurs, notamment, symboles habituels de joie, d'amour, de bonheur et de plaisir, sont très présentes.
On trouveen effet dans le poème : le liseron (v.
1), le mimosa (v.
7), les bouquets de fleurs (v.
10), les fleurs du paravent (y.17, artificielles, « humaines » mais images de fleurs réelles), les roses (v.
20).
Dans la « maison d'Hélène », tout esten grand nombre, agréable, doux, sans danger, même les bêtes y trouvent réconfort et chaleur.
Le bonheur y estdonc simple, naturel et proliférant.
3.
Cette impression est également renforcée par l'absence de ponctuation ; tout y est accumulé, entassé dans desalexandrins dont l'amplitude, grâce à des coupes régulières et peu sensibles et à des enjambements (vers 4-5-6 et9-10 notamment), est remarquable.
Une impression de liberté, source de bonheur elle aussi, se dégage du poème.La nature, les êtres humains semblent y vivre comme ils l'entendent, dans, sur la maison (les «blés montent ...
dansla glaise du toit » v.
3, par exemple).
Les contraintes des rimes sont assouplies : si le schéma le plus employé estcelui de rimes plates (ou suivies), on note également une grande liberté dans leurs associations : les vers 7, 18 et22 sont isolés, la progression, régulière jusqu'au quatorzième vers est ensuite modifiée ; on voit, en effet,réapparaître la rime en [wa] des vers 3 et 4.
La rime dominante devient alors le son « age » dans une progressionlibératrice ; on passe d'un jeu sur la paronymie (« village »/ «visage », vers 20-21) à une rime riche (mais en nombreimpair) avec le vers final, porteur du thème essentiel de la nature : «paysage ».
Le bonheur se trouve donc aussidans la libération poétique des contraintes traditionnelles.
Le poète nous conduit, en fait, de la « maison » du titre,au « paysage » du dernier vers, toute sa conception du bonheur se trouve résumée là.
4.
Enfin, la communion de l'homme avec la nature lui procure également de la joie.
Le texte met en place desanalogies très fortes entre l'être humain et le paysage, les comparaisons (vers 19 et 21), les métaphores (vers 18et 22), les personnifications montrent que c'est dans cette harmonie, cette étroite relation que l'on peut êtreheureux.
C'est pour cette raison que le poète prend finalement la parole au vers 20 et annonce son choix : «Jevivrai là ».
Le secret de son bonheur se trouve donc dans un village rural, proche de la nature, entouré d'êtrespacifiques, où hommes et bêtes vivent en parfaite intelligence, dans l'amour, la chaleur, matérielle et affective.
Lamaison d'Hélène symbolise cet univers magique, ce lieu d'accueil, cet espace de concorde et de paix où même «ceux qui n'ont connu que la douceur des pierres» (v.
15) pourront s'arrêter, s'installer.
C'est le partage, l'échange(sans doute symbolisés ici par le «pain frais » et les « bouquets de fleurs », v.
10), la chaleur (représentée par le «soleil ») qui permettent à la vie d'exister, aux coeurs de battre, aux objets d'avoir un rôle, et, peut-être, à lachance d'intervenir, «le bon vent» (v.
16) serait celui qui guide vers elle, qui apporte les bonnes choses.Hélène, dont le nom est traditionnellement associé à une double célébration poétique : celle de l'amour avec laPléiade et Ronsard, notamment, et celle de la guerre depuis Homère, devient ici un personnage emblématique dubonheur.
Grâce à sa maison « buissonnière » elle peut accueillir, comme Noé, tous les êtres qui désirent vivreheureux.
Mais, à la différence du personnage biblique, elle protège, réconforte sans exclure.
Personne, plante,animal ou homme, n'est rejeté ; le bonheur provient de la communion avec la nature, de joies simples, de la libertéqui sont associées à cette maison si proche du «règne végétal »..
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