RAYNAL Guillaume Thomas, abbé
Publié le 29/11/2018
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RAYNAL Guillaume Thomas, abbé (1713-1796). Originaire de Saint-Geniez-d’Olt, dans l’Aveyron, il fait ses études chez les jésuites de Rodez, entre dans les ordres et enseigne au collège de Pézenas. En 1747, il se rend à Paris, où il est attaché à la paroisse de Saint-Sulpice, mais renonce bientôt à son ministère et abandonne l’état sacerdotal. Il n’en restera pas moins, pour ses contemporains et pour la postérité, « l’abbé Raynal ».
Cet « abbé » est avant tout un « philosophe ». Il fréquente Mme Geoffrin, Helvétius, d’Holbach, Rousseau, collabore à l'Encyclopédie (1748-1749), dirige (1750-1754) le Mercure de France, et, de 1747 à 1753, la Correspondance littéraire, philosophique et critique, qui donne à quelques princes de l’Europe du Nord des nouvelles de la vie intellectuelle en France (en 1753, c’est Grimm qui prend en main les destinées de cette publication). Il signe aussi un certain nombre de compilations assez médiocres : Histoire du stathoudérat (1747), Histoire du Parlement d'Angleterre (1748), Anecdotes historiques (1753).
Mais l’œuvre de sa vie, qui va faire sa célébrité et sa fortune, c’est l’Histoire philosophique et politique des établissements et du commerce des Européens dans les deux Indes, pour laquelle il s’assure la collaboration de plusieurs de ses amis, d’Holbach, Naigeon et surtout Diderot. L’œuvre paraît en six volumes en 1770, sans nom d’auteur. Très vite les rééditions se succèdent; une nouvelle édition, revue et augmentée, est publiée en 1774, une autre encore en 1780. Cette dernière contient des pages d’une audace extrême, dues à Diderot. C’est le scandale et le succès : l’ouvrage connaîtra, jusqu’en 1787, dix-sept rééditions, une quarantaine de contrefaçons, sans compter les recueils d’extraits. Mais c’est aussi pour le livre (déjà mis à l’index par Rome en 1774) la condamnation par le parlement de Paris en 1781.
«
Grimm
qui prend en main les destinées de cette publica
tion).
Il signe aussi un certain nombre de compilations
assez médiocres : Histoire du stathoudérat (1747), His
toire du Parlement d'Angleterre (1748), Anecdotes his
toriques (1753).
Mais l'œuvre de sa vie, qui va faire sa célébrité et sa
fortune, c'est l'Histoire philosophique et politique des
établissements et du commerce des Européens dans les
deux Indes, pour laquelle il s'assure la collaboration de
plusieurs de ses amis, d'Holbach, Naigeon et surtout
Diderot.
L'œuvre paraît en six volumes en 1770, sans
nom d'auteur.
Très vite les rééditions se succèdent; une
nouvelle édition, revue et augmentée, est publiée en
1774, une autre encore en 1780.
Cette dernière contient
des pages d'une audace extrême, dues à Diderot.
C'est
le scandale et le succès : l'ouvrage connaîtra, jusqu'en
1787, dix-sept rééditions, une quarantaine de contrefa
çons, sans compter les recueils d'extraits.
Mais c'est
aussi pour le livre (déjà mis à l'Index par Rome en 1774)
la condamnation par le parlement de Paris en 1781.
Ray
nal doit s'exiler.
On le retrouve à Spa, à Berlin (où
Frédéric II le reçoit).
En 1784, autorisé à revenir en
France, mais interdit de séjour à Paris, il s'installe à
Toulon, puis à Marseille, où le surprend la Révolution.
Élu député de Marseille aux états généraux, il décline ce
mandat.
Très vite, Raynal, qui est le dernier survivant de la
grande génération des Philosophes du xvm• siècle et qui
est salué par les hommes de 1789 comme un des princi
paux précurseurs des idées révolutionnaires, au même
titre que Montesquieu, Voltaire, Rousseau et Mably,
refuse d'endosser la responsabilité des événements qui
bouleversent la France.
En 1781, l'avocat général
Séguier avait dit de l'Histoire des deux Indes: «C'est
un livre tendant à soulever les peuples ».
Pour le comte
de Ségur, cet ouvrage avait été l'« objet d'un enthou
siasme général » en raison de ses déclamations violentes
contre les prêtres, contre le pouvoir monarchique, et
contre l'esclavage des nègres, et, pour Mallet du Pan, il
s'agissait d'un recueil de «maximes incendiaires».
Or,
le 31 mai 1791, Raynal remet au président de l' Assem
blée nationale une Adresse qui est lue devant les députés.
11 s'y déclare « profondément attristé des crimes qui cou
vrent de deuil cet empire».
Et il ajoute : «Jamais les
philosophes n'ont entendu détruire la religion, les lois,
l'autorité royale [ ...
] Vous faites toujours trop peu pour
l'utilité publique, et trop pour votre doctrine>>.
(Vio
lentes interruptions.
Vingt orateurs se disputent l'hon
neur de réfuter Raynal; c'est Robespierre qui l'obtient).
Insulté, attaqué, il est dépouillé de ses biens et doit se
cacher.
Après Thermidor, sa situation s'améliore, et en
décembre 1795, peu avant sa mort, il est élu à l'Institut
dans la classe d'histoire.
Il est difficile, de nos jours, de comprendre l'extraor
dinaire succès remporté par l'Histoire des deux Indes,
ouvrage désordonné et disparate, qui se donne comme
une histoire de la colonisation européenne en Amérique
et en Asie.
Puisant l'essentiel de sa documentation dans
l'Histoire générale des voyages de l'abbé Prévost, Ray
nal décrit les colonies portugaises, anglaises, françaises,
hollandaises, les étapes de leur formation, les mœurs des
peuples soumis, les différentes méthodes de colonisation
employées.
Le public de l'époque ne pouvait qu'être
charmé par la description de ces sauvages dont l'inno
cence contrastait avec la corruption des peuples civilisés.
11 n'y a là rien de bien révolutionnaire, non plus que dans
la ferme critique du système esclavagiste, qui reflète le
point de vue des milieux européens éclairés et constitue
avant tout un« plaidoyer pour l'humanité » (Caraccioli).
C'est le commerce, dont il se fait l'apôtre, qui, selon
Raynal, fera disparaître l'esclavage, et non la propaga
tion du christianisme, qu'il définit comme la « supersti- -
- -----------
tion dominante>> , et qui, comme toutes les religions,
« épaissit les ténèbres » au lieu de les dissiper.
Des
remarques de ce genre font clairement apercevoir la
tonalité critique, polémique, « philosophique >> en un
mot, de l'œuvre, où toutes les occasions sont saisies pour
mettre en question les institutions religieuses, politiques
et sociales de l'Europe, et celles de la France en particu
lier.
Les vont se multiplier
dans l'édition de 1780 (parue en réalité en 1781).
Elles
sont dues, pour la plupart, nous le savons maintenant, à
la plume de Diderot, dont la collaboration, qui s'était
limitée à quelques pages dans la première édition, prend
alors une importance considérable (il aurait rédigé un
cinquième de l'ouvrage sous sa nouvelle forme).
Sous le
masque de Raynal, Diderot, dont la pensée s'est de plus
en plus radicalisée, peut se déchaîner contre les rois et
contre les riches, et lancer des appels d'une violence
inouïe :.
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