Racine, Phèdre, Acte IV, scène 6. Extrait commenté
Publié le 10/01/2020
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Racine, Phèdre, Acte IV, scène 6.
PHÈDRE, ŒNONE
PHÈDRE
Chère Œnone, sais-tu ce que je viens d'apprendre ?
ŒNONE
Non; mais je viens tremblante, à ne vous point mentir. J'ai pâli du dessein qui vous a fait sortir;
J'ai craint une fureur a vous-même fatale.
PHÈDRE
Œnone, qui l'eût cru ? j'avais une rivale!
ŒNONE
Comment!
PHÈDRE
Hippolyte aime; et je n'en puis douter.
Ce farouche ennemi qu'on ne pouvait dompter, Qu'offensait le respect, qu'importunait la plainte, Ce tigre, que jamais je n'abordai sans crainte, Soumis, apprivoisé, reconnaît un vainqueur: Aricie a trouvé le chemin de son cœur.
ŒNONE
Aricie!
PHÈDRE
Ah! douleur non encore éprouvée!
A quel nouveau tourment je me suis réservée !
Tout ce que j'ai souffert, mes craintes, mes transports, La fureur de mes feux, l'horreur de mes remords, Et d'un cruel refus l'insupportable injure,
N'était qu'un faible essai du tourment que j'endure.
Ils s'aiment ! Par quel charme ont-ils trompé mes yeux
Comment se sont-ils vus ? depuis quand ? dans quels lieux ?
Tu le savais: pourquoi me laissais-tu séduire ?
De leur furtive ardeur ne pouvais-tu m'instruire ?
Les a-t-on vus souvent se parler, se chercher ?
Dans le fond des forêts allaient-ils se cacher ?
Hélas ! ils se voyaient avec pleine licence:
Le ciel de leurs soupirs approuvait l'innocence;
Ils suivaient sans remords leur penchant amoureux;
Tous les jours se levaient clairs et sereins pour eux !
Et moi, triste rebut de la nature entière,
Je me cachais au jour, je fuyais la lumière;
La mort est le seul dieu que j'osais implorer.
J'attendais le moment où j'allais expirer;
Me nourrissant de fiel, de larmes abreuvée,
Encor, dans mon malheur de trop près observée,
Je n'osais dans mes pleurs me noyer à loisir.
Je goûtais en tremblant ce funeste plaisir; ,
Et sous un front serein déguisant mes alarmes,
Il fallait bien souvent me priver de mes larmes.
« Comment se sont-ils vus ? depuis quand ? dans quels lieux ? Tu le savais: pourquoi me laissais-tu séduire ? De leur furtive ardeur ne pouvais-tu m'instruire ? Les a-t-on vus souvent se parler, se chercher ? Dans le fond des forêts allaient-ils se cacher ? Hélas ! ils se voyaient avec pleine licence: Le ciel de leurs soupirs approuvait l'innocence; Ils suivaient sans remords leur penchant amoureux; Tous les jours se levaient clairs et sereins pour eux ! Et moi, triste rebut de la nature entière, Je me cachais au jour, je fuyais la lumière; La mort est le seul dieu que j'osais implorer. J'attendais le moment où j'allais expirer; Me nourrissant de fiel, de larmes abreuvée, Encor, dans mon malheur de trop près observée, Je n'osais dans mes pleurs me noyer à loisir. Je goûtais en tremblant ce funeste plaisir; , Et sous un front serein déguisant mes alarmes, Il fallait bien souvent me priver de mes larmes. *** Phèdre : tragédie en cinq actes et en vers (1 654 alexandrins) de Jean Racine représentée le 1er janvier 1677 à l’Hôtel de Bourgogne. C’est l’une des tragédies du XVIIe siècle les plus souvent représentées sur la scène. Racine reprend un thème déjà traité par les poètes tragiques grecs et romains : celui de Phèdre dont le mari, le roi Thésée, étant absent, finit par avouer son amour à Hippolyte, fils de Thésée d’un précédent mariage. Phèdre a appris qu’elle avait une rivale => confie sa jalousie et son désarroi à Oenone. I- La jalousie de Phèdre A- Un sentiment nouveau • Sentiment nouveau pour Phèdre : « Ah! douleur non encore éprouvée! » ; « A quel nouveau tourment je me suis réservée ! » => explication : « j'avais une rivale! ».. »
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