RACINE ET LE TRAGIQUE

« RACINE (1639-1699) Miracle unique du classicisme, Racine oppose une œuvre de diamant à 1 'érosion de 1 'Histoire.

Bien que l'esthétique classique n'inspire plus aujourd'hui que de rares créateurs, les tragédies raciniennes s'imposent comme la preuve expé­ rimentale qu'une telle esthétique demeure l'un des pôles, l'une des grandes possibilités de l'art.

Racine tendait naturellement à la simplicité, au resserrement d'une action saisie à son point de crise et se dénouant en champ clos : il commença sa carrière au moment où triomphaient les unités de temps et de lieu .

Le poète, habité de hantises inavouables, devait -vers 1670 - les dissimuler sous d'élégantes apparences : il hérita d'une langue épurée et d'une tradition de pudeur et de discrétion.

De telles obsessions suscitaient d'emblée la pitié et la terreur : après les tragédies sans tragique de Corneille apparut en France le tragique à l'état pur.

Tant d'heureu­ ses rencontres furent couronnées par une maîtrise poétique inouïe, par une « sorcellerie évoca­ toire » qui rapproche la tragédie de la cérémonie liturgique ou de 1 'oratorio.

Faire carrière Né à la Ferté-Milon, pauvre, orphelin à quatre ans, le jeune Jean Racine fut recueilli et formé par les religieuses et les Solitaires de Port-Royal.

Auprès de ces éducateurs remar­ quables il acquit une profonde connaissance de la tradition chrétienne, des œuvres grecques et latines, de la rhétorique française.

Ses premiers vers évoquent Le paysage de Port-Royal (1656).

En 1658, il s'installe à Paris chez son oncle, fréquente une société assez libre, se lie avec La Fontaine.

Déjà anxieux de réussir, il célèbre le mariage du roi par une ode remarquée, La nymphe de la Seine (1660), et commence à écrire pour le théâtre.

Soudain, attiré par l'appât d'un bénéfice ecclésiastique, Racine envisage de se faire prêtre et part pour Uzès (1661-1662).

Vain espoir, le bénéfice escompté tarde à venir.

Racine regagne Paris, où la convalescence du roi lui inspire une nouvelle ode, La re nomm ée aux muses, qui lui vaut une gratification (1663).

C'est en 1664 qu'est jouée sa première pièce, La Thébaïde : elle met en scène le conflit célèbre des fils d'Œdipe , Étéocle et Polynice.

Sous les maladresses, qui expliquent 1 'échec, se laisse deviner une nouvelle forme du tragique : la catastrophe est imminente dès les premières paroles des personnages .

L'année suivante, un subtil amalgame de sentiments héroïques et de galanterie, bien dans la sensibilité de ce début de règne, Alexandre, connaît un vif succès de mode.

Alors se produisent plusieurs incidents qui expliquent la réputation d'arrivisme et de malveillance que ses contemporains firent à Racine : sans même avertir Molière, qui jouait Alexandre, le poète confie sa pièce aux comédiens Racine (portrait attribué à De Troy.

Musée de Langres).

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