QUINAULT Philippe : sa vie et son oeuvre
Publié le 28/11/2018
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QUINAULT Philippe (1635-1688). Voltaire admirait Quinault et s’employa à le venger des malveillants sarcasmes de Boileau. Ses tragédies ni ses comédies ne sont plus représentées, mais ses vers survivent à travers les opéras de Lully dont il composa le livret. Il connut, en son temps, une gloire comparable à celle de Corneille, de Molière ou de Racine.
Une carrière exemplaire
Plus encore que celle de Racine, la carrière de Qui-nault offre un saisissant document sur la réussite mondaine que pouvaient atteindre, sous Louis XIV, des écrivains habiles et talentueux. Fils d’un boulanger de la rue de Grenelle, privé, dans son enfance, de toute éducation sérieuse, il eut la chance de devenir le valet de Tristan l'Hermite et, au contact de celui-ci, d’apprendre à rimer. En 1653 — il n’avait que dix-huit ans —, il fit jouer sa première œuvre, les Rivales, une comédie. Suivirent sept tragi-comédies, la Généreuse Ingratitude (1654), les Coups de l'Amour et de la Fortune (1655), le Fantôme amoureux (1656), le Feint Alcibiade (1658), le Mariage de Cambyse (1658), Stratonice (1660), Agrippa ou le Faux Tiberinus (1662), cinq tragédies, Amalasonte (1657), la Mort de Cyrus (1659), Astrate, roi de Tyr (1664), Pausanias (1668), Bellérophon (1670), deux comédies, l'Amant indiscret (1654) et la Mère coquette (1665), et l’inclassable Comédie sans comédie (1655), où, après le prologue, se trouvent enchaînées une pastorale, une comédie, une tragédie et une tragi-comédie.
La première carrière de Quinault s’interrompit alors. Il avait épousé, en 1660, une riche veuve. Reçu à l’Académie française en 1670, il fut, l’année suivante, nommé auditeur à la Chambre des comptes. C’est par la littérature qu’il s’était élevé. Il pouvait désormais renoncer à cette activité, qui l’avait arraché à la bassesse de son origine. Bien des raisons peuvent expliquer son ascension. Quinault avait un physique agréable, une humeur complaisante, un grand charme dans le monde. Il avait aussi un flair remarquable pour se choisir des protecteurs utiles et opulents : la deuxième pièce qu'il composa fut dédiée au prince de Conti, la quatrième au maréchal de La Meilleraye; mais Quinault fut surtout l’un des clients de Fouquet : la Mort de Cyrus fut offerte à Mme Fouquet, le Feint Alcibiade au surintendant lui-même, Stratonice à Jeanin de Castille, le beau-père de Fouquet. Philippe de France, Henri de Guise, Mazarin, le roi lui-même, la reine figurent également parmi ses dédicataires; quand les Montausier furent bien en cour, le poète fit hommage de la Mère coquette à la duchesse, de Pausanias à son époux...
Quinault montrait une habileté, une souplesse comparables dans le choix de ses sujets et de ses formes dramatiques. Il fit des tragi-comédies romanesques quand c’était la mode, une comédie psychologique (la Mère coquette) après Molière, des tragédies sérieuses, quand le goût en fut revenu. Cet opportunisme fut parfois récompensé d’éclatants succès — tels celui d’Agrippa et celui Sa rencontre avec Lully marque pour Quinault le point de départ d’une seconde carrière encore plus brillante. Après la Grotte de Versailles, une églogue en musique représentée en 1668, après Psyché, qui vit, en 1671, collaborer Corneille, Molière et Quinault, après les Fêtes de F Amour et de Bacchus, créées en 1672, le poète composa onze opéras, que Lully mit en musique : Cadmus et Hermione (1673), Alceste (1674), Thésée (1675), Atys (1676), /sis (1677), Proserpine (1680), Persée (1682), Phaëton (1683), Amadis (1684), Roland (1685), Armide (1686). Il écrivit également le livret de deux ballets, le Triomphe de l'Amour (1681) et le Temple de la Paix (1686). Lully n’était pas un homme facile à satisfaire. Il accablait le poète de critiques et de remontrances; il l’obligeait à récrire plusieurs fois la même scène. Mais cette tyrannie, que le doux Quinault semble avoir sereinement acceptée, porta ses fruits : presque tous ses livrets eurent un succès triomphal; les courtisans à Versailles, les ouvriers dans leurs ateliers en fredonnaient des couplets; le roi, Mmc de Maintenon elle-même marquèrent leur préférence pour tel ou tel morceau. Une seule ombre : dans Isis, Quinault s’était permis de faire allusion à la furieuse jalousie que Mme de Montespan témoignait alors envers Mlle de Fontanges, et la maîtresse du roi obligea Lully, de 1677 à 1681, à chercher d’autres collaborateurs : Thomas Corneille et Fontenelle prirent la succession de Quinault. Après Armide, Philippe Quinault, illustre et riche mais malade et dégoûté, cessa d’écrire. Son second silence fut définitif; le poète mourut à cinquante-trois ans, quelques mois après Lully qu’il avait si bien servi.
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son
temps, une gloire comparable à celle de Corneille,
de Molière ou de Racine.
Une carrière exemplaire
Plus encore que celle de Racine, la carrière de Qui
nault offre un saisissant document sur la réussite mon
daine que pouvaient atteindre, sous Louis XIV, des écri
vains habiles et talentueux.
Fils d'un boulanger de la rue
de Grenelle, privé, dans son enfance, de toute éducation
sérieuse, il eut la chance de devenir le valet de Tristan
l'Hermite et, au contact de celui-ci, d'apprendre à rimer.
En 1653 -il n'avait que dix-huit ans-, il fit jouer sa
première œuvre, les Rivales, une comédie.
Suivirent sept
tragi-comédies, la Généreuse Ingratitude (1654), les
Coups de l'Amour et de la Fortune (1655), le Fantôme
amoureux (1656), le Feint Alcibiade (1658), le Mariage
de Cambyse (1658), Stratonice (1660), Agrippa ou le
Faux Tiberinus (1662), cinq tragédies, Amalasonte
( 1657), la Mort de Cyrus (1659).
Astrate, roi de Tyr
( 1664 ), Pausanias ( 1668), Bellérophon ( 1670), deux
comédies, l'Amant indiscret ( 1654) et la Mère coquette
(1665), et l'inclassable Comédie sans comédie (1655),
où, après le prologue, se trouvent enchaînées une pasto
rale.
une comédie, une tragédie et une tragi-comédie.
La première carrière de Quinault s'interrompit alors.
Il avait épousé, en 1660, une riche veuve.
Reçu à 1' Aca
démie française en 1670, il fut, l'année suivante, nommé
auditeur à la Chambre des comptes.
C'est par la littéra
ture qu'il s'était élevé.
Il pouvait désormais renoncer à
cette activité, qui l'avait arraché à la bassesse de son
origine.
Bien des raisons peuvent expliquer son ascen
sion.
Quinault avait un physique agréable, une humeur
complaisante, un grand charme dans le monde.
Il avait
aussi un flair remarquable pour se choisir des protecteurs
utiles et opulents: la deuxième pièce qu'il composa fut
dédiée au prince de Conti, la quatrième au maréchal de
La Meilleraye; mais Quinault fut surtout l'un des clients
de Fouquet : la Mort de Cyrus fut offerte à Mme Fouquet,
le Feint Alcibiade au surintendant lui-même, Stratonice
à Jeanin de Castille, le beau-père de Fouquet.
Philippe
de France, Henri de Guise, Mazarin, le roi lui-même, la
reine figurent également parmi ses dédicataires; quand
les Montausier furent bien en cour, le poète fit hommage
de la Mère coquette à la duchesse, de Pausanias à son
épo ux ...
Quinault montrait une ha bi le té, une souplesse compa
rables dans le choix de ses sujets et de ses formes drama
tiques.
Il fit des tragi-comédies romanesques quand
c'était la mode, une comédie psychologique (/a Mère
coqueue) après Molière, des tragédies sérieuses, quand
le goût en fut revenu.
Cet opportunisme fut parfois
récompensé d'éclatants succès-tels celui d'Agrippa et
celui d' Astraze.
Les critiques ne se laissèrent pas tou
jours aussi facilement séduire.
Ils relevèrent les négli
gences de J'expression, des facilités dans J'intrigue; ils
soulignèrent aussi certaines ignorances du poète, et son
sens de l'imitation poussé jusqu'au plagiat : Rotrou,
Scarron, Donneau de Visé, entre autres, furent les victi
mes de ses larcins.
Sa rencontre avec Lully marque pour Quinault le point
de départ d'une seconde carrière encore plus brillante.
Après lt1 Grotte de Versailles, une églogue en musique
représentée en 1668, après Psyché, qui vit, en 1671,
collaborer Corneille, Molière et Quinault, après les Fêtes
de l'Amour et de Bacchus, créées en 1672, le poète com
posa onze opéras, que Lully mit en musique : Cadmus et
Hermione (1673), Alceste ( 1674 ), Thésée ( 167 5), Atys
(1676), Isis (1677), Proserpine (1680), Persée (1682),
Phaëlon (1683), Amadis (1684), Roland (1685), Armide
(1686).
Il écrivit également le livret de deux ballets, le ---------------
Triomphe
de l'Amour (1681) et le Temple de la Paix
( 1 686).
Lully n'était pas un homme facile à satisfaire.
Il acca
blait le poète de critiques et de remontrances; il l' obli
geait à récrire plusieurs fois la même scène.
Mais cette
tyrannie, que le doux Quinault semble avoir sereinement
acceptée, porta ses fruits : presque tous ses livrets eurent
un succès triomphal; les courtisans à Versailles, les
ouvriers dans leurs ateliers en fredonnaient des couplets;
le roi, Mme de Maintenon elle-même marquèrent leur
préférence pour tel ou tel morceau.
Une seule ombre :
dans Isis, Quinault s'était permis de faire allusion à la
furieuse jalousie que M""' de Montespan témoignait alors
envers M11• de Fontanges, et la maîtresse du roi obligea
Lully, de 1677 à 1681, à chercher d'autres collabora
teurs : Thomas Corneille et Fontenelle prirent la succes
sion de Quinault.
Après Armide, Philippe Quinault, illustre et riche mais
malade et dégoûté, cessa d'écrire.
Son second silence fut
définitif; le poète mourut à cinquante-trois ans, quelques
mois après Lully qu'il avait si bien servi.
Un théâtre de l'imaginaire
Il ne faut pas demander à ce théâtre plus qu'il ne peut
nous donner.
Quinault ignore la géographie et l'histoire,
il prétend souvent ne devoir ses sujets qu'à son imagina
tion.
Il n'est ni politique ni psychologue.
Dira-t-on au
moins que ses intrigues sont bien ourdies, et que ce
médiocre penseur est un grand dramaturge? Cela n'est
pas certain : bien des épisodes, dans ses pièces, sont
inutiles au dénouement, et, en particulier, celui du
fameux anneau royal qui tient tant de place dans Astrate.
Le charme de Quinault s'édifie sur tous ces manques.
Son œuvre n'est pas exactement théâtrale; elle serait
plutôt.
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