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QUERELLE DES ANCIENS ET DES MODERNES

Publié le 28/11/2018

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QUERELLE DES ANCIENS ET DES MODERNES (xviie-xviiie siècle). On interprétait naguère la querelle des Anciens et des Modernes en termes très généraux : de 1650 à 1715 se seraient affrontées deux armées en bon ordre; le triomphe des Modernes aurait marqué, en continuité avec le cartésianisme, voire avec la Renaissance, une étape dans l’histoire des progrès de l’esprit humain; le Moderne rompt avec l’esthétique timorée de l’imitation; il s’affranchit de modèles antiques périmés; individualiste, optimiste, rationaliste, précurseur du « philosophe », il précipite la marche de l’histoire vers les Lumières du xviiie siècle. Nous savons, depuis que nous connaissons mieux les divers antagonistes, même mineurs, en présence alors, et depuis qu’a été écrite l’histoire des diverses interprétations données à la Querelle, qu’est abusive cette représentation des choses. Le champ où, très confusément, s’est livrée la Querelle est bien plus restreint; les questions de personnes et de cabales eurent souvent plus de poids que les principes. Pourtant la Querelle revêt encore pour nous un sens.

 

Ier acte : la querelle du merveilleux chrétien (1653-1674)

 

Peu après la Fronde, poètes tragiques et poètes épiques tentent de s’inspirer non plus des mythes païens, mais de la mythologie chrétienne; moins pour innover que par nationalisme ou dévotion, ils écrivent des tragédies sacrées et d’amples épopées chrétiennes et françaises. Le P. Le Moyne, Georges de Scudéry, Chapelain, mais surtout Desmarets de Saint-Sorlin (Clovis, 1657) et Louis Le Laboureur (Charlemagne, 1664), assortissent leurs poèmes de préfaces où ils se targuent d’avoir inventé un merveilleux moderne, supérieur à l’ancien autant que le christianisme l’est au paganisme. Une polémique les oppose aux « doctes », contre qui jouent d’autres forces : le cartésianisme, se diffusant, sème le doute sur l’autorité de l’Antiquité ou la récuse (Malebranche, De la recherche de la vérité, 1674); l’histoire (Claude Fleury) commence à soupçonner que la vraie Antiquité

 

est trop différente de l’âge moderne pour lui offrir un modèle; enfin les progrès de la mondanité, le rayonnement de l’Académie française et le mécénat de parvenus (Fouquet) se conjuguent pour discréditer le personnage de l’humaniste et aggraver le recul du latin comme langue littéraire et même comme langue savante. Les Anciens se défendent, mais mal : les guerres, la Fronde, les conflits religieux (jansénisme) ont disloqué la vieille république des lettres. Contre Desmarets, qui réédite son Clovis ou la France chrétienne (1673) avec un essai violemment hostile à Homère et à Virgile, Boileau (l’Art poétique, 1674) et le P. Rapin (Réflexions sur la Poétique d'Aristote, 1674) réaffirment l’excellence des lettres anciennes. Si le merveilleux chrétien échoue, le grand public, lui, s’est persuadé que, pour dire l’âge moderne, le latin et le grec sont assez inutiles.

 

IIe acte : l'affaire des inscriptions (1676-1677)

 

Le débat sur la supériorité du français se fait soudain plus âpre : faut-il continuer à orner d’inscriptions latines les monuments? A l’Académie, l’helléniste François Charpentier s’illustrera en faveur du français; une dizaine de volumes paraissent de chaque côté, puis Charpentier, en 1683, résume la question et la tranche dans sa très raisonnable Excellence de la langue française; la presse avait fait écho à la querelle, et, désormais, le « pays latin » est vaincu. Une crise plus profonde était latente : l’opposition, depuis 1670, entre les écrivains que nous nommons « classiques » et tous leurs adversaires. D’un côté, outre les doctes, l’« académie » Lamoignon, Boileau, Bouhours et Rapin, Huet, Racine, La Fontaine, Bossuet et ses protégés, Fleury, La Bruyère, bientôt Fénelon : tous tenaient, à des titres divers, pour une grande littérature, porteuse d’un sens, capable de nourrir une culture et d’exalter l’esprit. A l’opposé, les amateurs de petits genres mondains, les poètes galants (Benserade), les dilettantes (Saint-Évremond), les esprits trop curieux pour se satisfaire des traditions (les Perrault,

« Fontenelle), et surtout le parti de l'ignorance, > (La Bruyère) : parvenus, femmes, nouvellistes, snobs qui, dénués de culture, s'accommodent d'une litté­ rature de divertissement.

Les Anciens les plus en vue étant Boileau et Racine, les Modernes s'accroissent de tous leurs ennemis : les Corneille et leur neveu Fonte­ nelle, Donneau de Visé et son Mercure galant ...

Boileau, en 1674, tente d'élever le débat en traduisant Je Traité du sublime (attribué au Grec Longin), qui vantait le grand goût d'Homère ou de l'É criture sainte- mais, Je plus souvent, les adversaires échangent des épigrammes et des insultes, au lieu de raisonner.

Quand Boileau et Racine sont nommés historiographes du roi ( 1677), le parti moderne s'enrichit du public parisien, jaloux de Versailles; puis devient «moderne>> toute la génération nouvelle qui, née après la Fronde, aspire à bousculer les valeurs établies, et tout d'abord le« classicisme >>.

Ille acte : Boileau contre Perrault (1687-1694) Le 27 janvier 1687, Charles Perrault lit à l'Académie son poème le Siècle de Louis le Grand, qui exalte le présent contre le passé : le progrès, évident dans les sciences, intéresse aussi les lettres, et le règne de Louis XIV s'honore d'écrivains qui valent bien ceux de l' Anti­ quité.

Fureur de Boileau et des hellénistes Longepierre ou Dacier, guerre d'épigrammes.

La Fontaine (Epître à Huet, 1687) défend ses chers Anciens; Fontenelle (Digression sur les Anciens et les Modernes, 1688) invo­ que adroitement le cartésianisme contre la superstition de l'Antiquité; La Bruyère lui répond par des sarcasmes (les Caractères, 1688); Perrault entreprend ses Parallè­ les des Anciens et des Modernes ( 4 vol., 1688-1697), auxquels répond Boileau dans ses Réflexions sur Longin (1694).

Si la médiation d'Antoine Arnauld permet en 1694 une réconciliation de Boileau et de Perrault, chacun mesure que l'avantage reste aux Modernes, à leurs théo­ ries, et aux genres nouveaux qu'ils illustrent : opéra, conte, roman romanesque, poésie sentimentale ...

Boileau meurt, en 171 J, sans aucune illusion.

ŒUVRES «MODERNES » 1653 P.

Le Moyne : Saint Louis 1654 G.

de S·�udéry :Alaric 1656 Godeau : Saint Paul 1657 Chapel�.in : la Pucelle Desmarets : Clovis } poèmes épiques 1662 Mar oll es : Traité du poème épique.

1664 L.

Le Laboureur : Charlemagne.

1667 L.

Le Laboureur :Avantages de la langue françoise sur la langue latine.

1670 Des ma re ts : Comparaison de la langue et de la poésie ji"ançoises avec la grecque et la latine 1673 Desmarets : réédition de Clovis av ec un Discours pour prouver que les sujets chrétiens sont les seuls propres à la poésie héroïque.

1674 Desmarets : Défense du poème héroïque.

Malebranche : De la recherche de la vérité.

QUERELLE DES ANCIENS ET DES MODERNES IVe acte : la querelle homérique (1713-1714) On se battait depuis longtemps autour d'Homère, et les Anciens s'irritaient que l'on osât douter de son exis­ tence (d'Aubignac).

La grande helléniste Anne Dacier avait savamment traduit l'lliade et l'Odyssée; Houdar de La Motte, poète, et fort ignorant du grec, pille ces traductions pour en extraire une lliade abrégée, en vers, plate et prétentieuse adaptation (1713).

Mme Dacier fou­ droie l'audacieux dans d'érudits et violents ouvrages (Des causes de la corruption du goût, 1715; Homère défendu, 1716).

Fénelon (Lettre à l'Académie, 1714) s'interpose; finalement, les adversaires se raccommo­ dent; mais la critique avait penché du côté de La Motte, et le public ne voulait ni ne pouvait plus goOteir Homère.

Les effets de la Querelle Ils sont graves.

Avec les Modernes prévaut une esthé­ tique rationaliste à outrance, qui vise à éliminer le. »

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