Quels motifs Créon trouve-t-il à la conduite d'Antigone ? Comment justifie-t-il sa propre position ? Vous paraît-il vraiment clairvoyant sur ces deux points ?
Publié le 09/09/2014
Extrait du document
TEXTE
[Antigone a désobéi aux ordres du roi Créon, son oncle. Elle a enseveli le corps de Polynice, son frère. Elle encourt, par sa désobéissance, la peine de mort. Dans cette scène, Antigone comparaît devant Créon qui cherche à s'expliquer sa conduite et à lui sauver la vie.]
CRÉON la regarde et murmure soudain. — L'orgueil d'CEdipe. Tu es l'orgueil d'CEdipe. Oui, maintenant que je l'ai retrouvé au fond de tes yeux, je te crois. Tu as dû penser que je te ferais mourir. Et cela te paraissait un dénouement tout naturel pour toi, orgueilleuse ! Pour ton père non plus — je ne dis pas le bonheur, il n'en était pas question — le malheur huma- in, c'était trop peu. L'humain vous gêne aux entournures dans la famille. Il vous faut un tête-à-tête avec le destin et la mort. Et tuer votre père et coucher avec votre mère et apprendre tout cela après, avidement, mot par mot. Quel breuvage, hein, les mots qui vous condamnent ? Et comme on les boit goulûment quand on s'appelle OEdipe, ou Antigone. Et le plus simple après, c'est encore de se crever les yeux et d'aller mendier avec ses enfants sur les routes... Eh bien ! non. Ces temps sont révolus pour Thèbes. Thèbes a droit maintenant à un prince sans histoire. Moi, je m'appelle seulement Créon, Dieu merci. J'ai mes deux pieds par terre, mes deux mains enfoncées dans mes poches et, puisque je suis roi, j'ai résolu, avec moins d'ambition que ton père, de m'employer tout simplement à rendre l'ordre de ce monde un peu moins absurde, si c'est possible. Ce n'est même pas une aventure, c'est un métier pour tous les jours et pas toujours drôle, comme tous les métiers. Mais puisque je suis là pour le faire, je vais le faire... Et si demain un messager crasseux dévale du fonds des montagnes pour m'annoncer qu'il n'est pas très sûr non plus de ma naissance, je le prierai tout simplement de s'en retourner d'où il vient et je ne m'en irai pas pour si peu regarder ta tante sous le nez et me mettre à confronter les dates. Les rois
ANOUILH
ont autre chose à faire que du pathétique personnel, ma petite
fille.
Jean ANOUILH, Antigone, La Table Ronde.
«
ANOUILH 49
ont autre chose à faire que du pathétique personnel, ma petite fille.
Jean ANOUILH, Antigone, La Table Ronde.
Quels motifs Créon trouve-t-il à la conduite d'Antigone ?
Comment justifie-t-il sa propre position ? Vous paraît-il
vraiment clairvoyant sur ces deux points ?
INTRODUCTION
Antigone ayant enfreint les ordres du roi Créon, tous deux
s'affrontent dans une scène où il essaie de la sauver malgré elle.
Créon cherche une explication à son geste, mais Antigone lui
affirme qu'elle ne croyait pas jouir de l'impunité, au contraire.
Dans cette longue réplique, Créon découvre la personnalité de sa nièce en même temps que l'opposition fondamentale de leurs
attitudes face à la vie.
C'est à partir de cette opposition que se
développe son argumentation, qui se veut à la fois une analyse et un plaidoyer.
1.
LA CONDUITE D'ANTIGONE EXPLIQUÉE PAR CRÉON
Aux yeux de Créon s'impose brusquement une évidence : c'est l'orgueil, hérité d'Œdipe, qui inspire la conduite d'Antigone.
Aux explications fausses qu'il exprimait succède la seule valable :
à travers la désobéissance Antigone cherchait la mort.
A partir de ce moment Créon trouve dans l'histoire d 'Œdipe la définition
de l'attitude de sa fille.
Mais la formule qu'il utilise révèle déjà
sa propre position, elle est déjà un jugement.
Comment peut on justifier cet orgueil ? Créon le fait dans cette phrase désinvolte: «L'humain vous gêne aux entournures dans la famille.» C'est donc dans le refus d'assumer sa condition humaine que se situe
l'orgueil, c'est cette attitude qu'il condamne d'emblée.
De cette
quête de son propre destin, Créon n'envisage que l'aspect négatif.
Le refus des limites humaines peut s'exalter dans une recherche d'un bonheur parfait, mais l'impossibilité de le réaliser rejette
l'individu dans la négativité absolue : la recherche du plus grand malheur possible, c'est-à-dire la mort.
Pour Créon il s'agit là d'une attitude profondément égoïste qui contient en soi le mépris du reste de l'humanité.
Pourtant cette analyse ne nous paraît pas satisfaisante parce.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Friedrich NIETZSCHE / Humain, trop humain. (1878-1879) / OEuvres I / Robert Laffont -Bouquins 1990 « Calomnie. -Si l'on trouve la trace d'une suspicion vraiment infamante, il ne faut jamais en chercher la source chez ses ennemis loyaux et simples ; car, si ceux-ci inventaient sur notre compte une pareille chose, étant nos ennemis, ils ne trouveraient pas créance. Mais ceux à qui nous avons été le plus utiles pendant un certain temps et qui, pour une raison quelconque, peuvent être secr
- SOPHOCLE (495-406) Antigone défiant Créon Créon [.
- Sergueï Serguéïevitch Prokofiev par Daniel Garric Le seul événement que Sergueï Serguéïevitch Prokofiev ait vraiment raté pour l'homme de scène qu'il a été toute sa vie, c'est sa propre mort le 5 mars 1953, le même jour que Staline.
- La société sait-elle vraiment où on trouve le bonheur ?
- Baudelaire affirmait en 1859 : « Je crois que l'art est et ne peut être que la reproduction exacte de la nature ». Au contraire, un critique de la Revue des Deux Mondes déclarait, quelques années plus tard : « L'art est dans le choix, dans l'interprétation des éléments qui lui sont offerts, nullement dans la copie littérale de tel ou tel détail indifférent ou repoussant ». Quel est de ces points de vue celui qui vous paraît le plus juste ?