Quelle est la part d'invention dans une oeuvre autobiographique ?
Publié le 26/03/2010
Extrait du document
«
la vision d'un soleil de soir d'hiver, entrant dans notre logis clandestin d'Eyoub
? Ou bien une phrase dite par elle,
qui me revient, avec les intonations de la langue turque et le son de sa jeune voix grave ? Ou tout simplementencore
l'ombre de tel grand mur désolé, jetant sur un coin de rue solitaire l'oppression d'une mosquée voisine ? Ces sipetites
choses, à peine saisissables, à peine existantes, à quoi donc sont-elles
liées dans les tréfonds inconnus de l'âme humaine,
à quoi d'antérieur vont-elles
se rattacher, à quelles aventures mortes, à quelle poussière encore souffrante, pour faire
ainsi frémir ? Et surtout pourquoi éprouve-t-on
ces étranges chocs de rappel, uniquement lorsqu'il s'agit de pays, de
lieux ou de temps, que l'amour a touchés avec sa baguette de délicieuse et mortelle magie?
Beaucoup de feuillets que je tourne vite, sans même les parcourir : ceux où j'avais arrangé, changé les faits avecplus
ou moins de maladresse, pour les besoins du livre ou pour mieux dérouter des recherches indiscrètes.
Puis voici nos
derniers jours d'Eyoub, avec le déchirement du départ, tandis que le printemps revenait une fois de plus sur le vieux
Stamboul, semant par les rues tristes les fleurs blanches des amandiers.
Et maintenant, la fin, tout ce passage imaginaire d'Azraël
que j'avais ajouté, non pas seulement parce qu'il me semblait,
avec mes idées d'alors sur les histoires écrites, qu'un dénouement était nécessaire, mais bien plutôt parce quej'avais
ardemment rêvé, pour nous deux, de finir ainsi.
Oh ! je me rappelle, je l'avais composé de mes larmes et de monsang,
ce dénouementlà,
et, bien qu'il soit inventé, il a été si près d'être véritable, que je le relis ce soir, après tant d'années,
avec un trouble que je n'attendais plus, un peu comme on relirait, outretombe,
la page suprême du journal de la vie.
Eh bien ! la vraie fin reste mystérieuse encore, et je tremble en songeant que je la connaîtrai bientôt, que je parsdemain 1. Salonique : nom de lieu.
2 Eyoub : nom de lieu.
3. Azraël : ange de la mort dans la tradition musulmane. C'est le titre donné par Loti à la dernière partie de son roman Aziyadé , celle
où il fait mourir son personnage d'Aziyadé.
pour aller remuer là-bas
toute cette cendre.
Quant à la vraie suite, tout simplement la voici : Non, je ne sais plus rien d'elle.
Je ne base sur rien cette convictionà la
fois douce et infiniment désolée, que j'ai de sa mort.
Peu à peu, notre histoire d'amour s'est arrêtée, mais sanssolution
précise ; notre histoire à deux s'est perdue, mais sans finir.
Les rares petites lettres qui, les premiers temps, malgré les farouches surveillances, à travers mille difficultés,m'arrivaient.
»
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