Quelle conception le roman propose-t-il de l'amour courtois?
Publié le 06/08/2014
Extrait du document


«
semblable et l'accueille en ami.
Mais la réalité ne correspond pas à ces apparences : son
amour pour !'Orgueilleuse de Nogres comme sa haine contre Gauvain prennent des formes
meurtrières qui trahissent sa démesure.
Toute forme de violence est donc proscrite contre
la femme.
Comme le rappelle Gauvain, le modèle de la courtoisie :
« Dans le royaume
d'Arthur, les demoiselles sont protégées.
Le roi, qui leur a proclamé la paix, leur donne
escorte
et garantie.
» (p.
172)
Il.
Une illustration de I'« amour courtois»
Le mérite masculin
L'homme est dans la nécessité de prendre l'initiative, mais il ne peut le faire que dans
la mesure où il fait preuve de mérite.
La relation qui se noue entre
Perceval et Blanchefleur
en offre un parfait exemple.
Dans l'épisode de Beaurepaire,
Perceval, qui vient de passer
une nuit chaste auprès de Blanchefleur, espère obtenir son amour
s'il la délivre de son
ennemi :
« Si je le bats, si je l'occis, en retour je vous requiers votre amour.
Je ne veux
d'autre récompense 3
• » (p.
72) Blanchefleur trouve cette récompense toute naturelle :
«Monsieur,
c'est une bien petite chose que vous m'avez demandée là.» Dans l'épisode des
gouttes de sang, Perceval tombe en état d'extase amoureuse à la vue d'un spectacle qui lui
rappelle le visage de Blanchefleur.
Dans cette rêverie, il jouit en quelque sorte de son seul
amour.
Tout montre donc que
Perceval, en véritable amant courtois, est maître de son désir.
La droiture féminine
La femme a la liberté de donner son consentement, mais elle ne peut en jouir que dans
la mesure où elle fait preuve de droiture.
La femme ne peut prendre la liberté de refuser son
amour à un homme qui
le mérite, ou de donner son amour à un homme qui ne le mérite pas.
Sur le premier point, la relation de
Perceval et Blanchefleur donne un exemple à imiter.
Blanchefleur en effet explique elle-même qu'un refus de sa part ne pourrait être interprété
que comme une manifestation déplacée :
« Si je vous la refusais, vous y verriez de I'or
gueil4.
»(p.
72) À travers cette déclaration de Blanchefleur, qui fait du mauvais usage qu'elle
pourrait faire de sa liberté
un péché capital, l'auteur indique clairement quelle limite donner
à la liberté féminine.
Sur le second point, la relation de Guiromelan et Clarissan offre un
exemple à éviter.
Clarissan en effet, alors que Gauvain vient lui remettre
l'anneau de
Guiromelan, lui avoue en toute naïveté qu'elle aime Guiromelan sans le connaître :
« Si je
l'aime en aucune façon, c'est de loin que je suis son amie : nous ne sommes jamais vus,
sinon de part et d'autre
de cette rivière.» (p.
213) Or Guiromelan, ennemi mortel de Gauvain,
se déclare convaincu que Clarissan préférerait voir son frère mourir d'une mort atroce plu
tôt que son ami souffrir de la moindre blessure.
À travers cette déclaration de Guiromelan,
que Clarissan elle-même qualifie de
« sottise », Chrétien de Troyes invite à se méfier de
l'
« amour de loin» dont la mode marque son époque.
3.
C'est nous qui traduisons ce passage et le suivant ( T 2103-6 & 2108-9).
4.
C'est nous qui traduisons ce passage et le suivant (T2110-1 & 9016-9)..
»
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