Que pensez-vous de cette opinion de Chateaubriand : Il est très bon, très utile, d'apprendre, d'étudier, de lire les langues vivantes, assez dangereux de les parler, et surtout très dangereux de les écrire.
Publié le 14/02/2012
Extrait du document
Chateaubriand apprit, étudia, lut l'anglais avec sa mère, puis au collège; il le parla ensuite, lors de son voyage en Amérique et s'entretint avec Washington dans cet idiome. Il le parla encore, et le traduisit, pour vivre, durant son séjour besogneux à Londres. S'exprima-t-il jamais en italien? nous ne saurions l'affirmer; du moins le comprenait-il suffisamment pour lire des chefs-d'oeuvre comme La Jérusulem délivrée et, volontiers, l'ancien secrétaire d'ambassade à Rome, l'auteur de la Lettre sur la Campagne romaine lui emprunte des citations.
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en une langue qui n'est pas sa langue maternelle.
II a peut-etre recu, de diplo-
mates strangers, des lettres redigees en francais et qui desservaient les inten-
tions des envoyeurs, ou qui ne nuancaient pas suffisamment leurs pensees, ou
qui etaient franchement incorrectes, et, parfois, grotesques.
L'on comprend maintenant pourquoi Chateaubriand a ose emettre une
opinion qui frise le paradoxe; elle pouvait etre justifiable, a ses yeux, a ces
divers points de vue.
Mais elargissons la question.
Elle deborde, en fait, la personnalite de cet
homme, si bien place qu'il fat pour en juger.
Reprenons mot a mot sa pensee, lui donnant la plus large extension.
Quand it affirme qu'il est fres bon, tres utile, d'apprendre, d'etudier, de
lire Ies langues etrangeres vivantes, nous souscrivons a deux mains : les
preuves abondent et surabondent, qui confirment de taus points cette pro-
position.
Chateaubriand distingue a bon escient entre le bon et Futile.
On a pre-
conise, en ces derniers temps, le retour a la a culture desinteressee > ; on a,
par contre, condamne utilitarisme n outrancier dans les etudes secon-
daires.
Peut-etre faut-il comprendre les deux attributs dans ce double sens.
II est bon a notre ame, a notre formation humaine, de sortir de notre
idiome national pour penetrer dans les langues etrangeres, alors meme
qu'elles ne nous seront plus tard d'aucune utilite pratique.
De cette incursion
resulte un assouplissement, un elargissement de nos facultes.
Nous y con- tractons de nouvelles manieres de voir, d'observer, de penser, de sentir, de
juger.
Chague fois que j'apprends une nouvelle langue, disait Charles
Quint, j'acquiers une ame nouvelle.
) Celui qui ignore totalement les langues
des grands peuples civilises contemporains s'isole, devient unilateral, ferme
a mine souffles propices, ou, au contraire, accueille, sans contrOle possible,
tout ce qui vient du dehors.
C'est un excellent moyen de mieux apprecier son
pays que de le comparer aux autres par une enquete personnelle continue.
L'etude des langues, de meme que les voyages, rabat aussi notre amour-propre
individuel et national, nous aide a guerir cette vieille maladie que denongait
La Fontaine : «la sotte vanite
Neanmoins le profit materiel que nous pouvons tirer de Petude des langues
n'est pas a dedaigner.
Les sciences, vers lesquelles se dirigent tant de jeunes
gens, sont internationales.
Comme leurs applications, elles sont dans un
perpetuel devenir.
Comment suivre de pres leur evolution si Pon est inca-
pable de consulter soi-meme les revues, les livres parus a Petranger? - Its
seront traduits, objectera-t-on, s'ils offrent quelque valeur.
Oui, quelques-
uns, mais tard, trop tard peut-etre pour vous.
Le Commerce, plus encore que
l'Industrie a besoin des langues vivantes.
Mieux vaut traiter soi-meme avec
un client ou un fournisseur, que de recourir a un interprete cofiteux et
souvent peu slur, s'il est le compatriote de ce client, de ce fournisseur.
Il
n'est pas jusqu'a l'Agriculture qui ne puisse trouver son avantage a utiliser
les langues.
Nous retardons, en France, dans l'adoption des methodes ration-
nelles qui assureraient un meilleur rendement.
Les pays de langue anglaise,
de langue allemande, en Europe, en Amerique, - ne parlons pas du Cultiva-
leur de Chicago, -en Australie, publient des centaines de journaux ou revues
agricoles renfermant de precieux renseignements...
Enfin le travailleur intel-
lectuel, Pecrivain, le savant pur, le diplomate, l'officier, le missionnaire,
doivent, pour des raisons diverses, savoir les langues vivantes.
Leur utilite
pratique ne saurait etre davantage contestee que leur utilite intellectuelle
et morale.
Ce double resultat suppose, comme /e dit Chateaubriand, une triple ope-
ration : apprendre, etudier, lire.
Pourquoi trois verbes, oa un seul : etudier,
parait devoir suffire? C'est, sans doute, qu'on pent apprendre sans etudier.
Le perroquet apprend des mots, des phrases, des airs, sans, pour cela, etudier.
Des sons ressasses, loges, a force de repetitions, dans le subconscient, repro-
duits avec ou sans a-propos, ne supposent pas une etude.
L'enfant qui entend
sa nourrice parler une langue etrangere, ou qui vita Petranger, apprend
sans etude, et comme a son insu.
Le profit resultant d'une etude suivie,
methodique, est autrement appreciable.
C'est de celui-ci que nous avons
pane plus haut.
Mais on pent entendre autrement les deux verbes apprendre
en une langue qui n'est pas sa langue maternelle.
Il a peut-être reçu, de diplo mates étrangers, des lettres rédigées en français et qui desservaient les inten tions des envoyeurs, ou qui ne nuançaient pas suffi~amment leurs pensées, ou qui étaient franchement incorrectes, et, parfois, grotesques.
L'on comprend maintenant pourquoi Chateaubriand a osé émettre une opinion qui frise le paradoxe; elle pouvait être justifiable, à ses yeux, à ces divers points de vue.
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Mais élargissons la question.
Elle déborde, en fait, la personnalité de cet homme, si bien placé qu'il fût pour en juger.
Reprenons mot à mot sa pensée, lui donnant la plus large extension.
Quand il affirme qu'il est três bon, très utile, d'apprendre, d'étudier, de lire les langues é
angères vivantes, nous souscrivons à deux mains : les preuves abondent et surabondent, qui confirment de tous points cette pro position.
Chateaubriand distingue à bon escient entre le bon et l'utile.
On a pré conisé, en ces derniers temps, le retour à la « culture désintéressée » ; on a, par contre, condamné l' « utilitarisme » outrancier dans les études secon daires.
Peut-être faut-il comprendre les deux attributs dans ce double sens.
Il est bon à notre âme, à notre formation humaine, de sortir de notre idiome national pour pénétrer dans les langues étrangères, alors même qu'elles ne nous seront plus tard d'aucune utilité pratique.
De cette incursion résulte un assouplissement, un élargissement de nos facultés.
Nous y con tractons de nouvelles manières de voir, d'observer, de penser, de sentir, de juger.
«Chaque fois que j'apprends une nouvelle langue, disait Charles Quint, j'acquiers une âme nouvelle.
» Celui qui ignore totalement les langues des grands peuples civilisés contemporains s.'isole, devient unilatéral, fermé à mille souffles propices, ou, au contraire, accueille, sans contrôle possible, tout ce qui vient du dehors.
C'est un excellent moyen de mieux apprécier son pays que de le comparer aux autres par une enquête personnelle continue.
L'étude des langues, de même que les voyages, rabat aussi notre amour-propre individuel et national, nous aide à guérir cette vieille maladie que dénonçait La Fontaine : « la sotte vanité ».
Néanmoins le profit matériel que nous pouvons tirer de l'étude des langues n'est pas à dédaigner.
Les sciences, vers lesquelles se dirigent tant de jeunes gens, sont internationales.
Comme leurs applications, elles sont dans un perpétuel devenir.
Comment suivre de près leur évolution si l'on est inca pable de consulter soi-même les revues, les livres parus à l'étranger? - Ils seront traduits, objectera+on, s'ils offrent quelque valeur.
-:Oui, quelques uns, mais tard, trop tard peut-être pour vous.
Le Commerce, plus encore que l'Industrie a besoin des langues vivantes.
Mieux vaut traiter soi-même avec un client ou un fournisseur, que de recourir à un interprète coûteux et souvent peu sûr, s'il est le compatriote de ce client, de ce fournisseur.
Il n'est pas· jusqu'à l'Agriculture qui ne puisse trouver son avantage à utiliser les langues.
Nous retardons, en France, dans l'adoption des méthodes ration nelles qui assureraient un meilleur ren~e~ent.
Les· pays de langue anglaise, de langue allemande, en Europe, en Amer1que,- ne parlons pas du Cultiva teur de Chicago,- en Australie, publient des centaines de journaux ou revues agricoles renfermant de précieux renseignements ....
Enfin le travailleur intel lectuel, l'écrivain, le savant pur;· le diplomate,.
l'officier, le missionnaire, doivent, pour des raisons diverses, savoir les langues vivantes.
Leur utilité
pratique ne saurait être davantage contestée que leur utilité intellectuelle et morale.
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Ce
double résultat suppose, comme le dit Chateaubriand, une triple opé ration :·apprendre,: étudier,.
lire.
Pourquoi trois verbes, où un seul : étudier paraît devoir suffire? C'est, sans doute, qu'on peut apprendre sans étudier: Le perroquet apprend des mots, des phrases, des airs, sans, pour cela, étudier.
Des sons ressassés; logés, à force de répétitions, dans le subconscient, repro duits avec ou sans à-propos, ne supposent pas une étude.
L'enfant qui entend sa nourrice parler une langue étrangère,.
ou qui vit à l'étranger, apprend sans étude, et comme à son insu.
Le profit résultant d'une étude suivie méthodique, est autrement appréciable.
C'est de celui-ci que nous avon~ parlé plus haut.
Mais on peut entendre autrement les deux verbes apprendre.
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