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QUAND LA LITTÉRATURE SE FAIT CRI

Publié le 20/01/2020

Extrait du document

> QUESTION [4points]

Caractérisez ces lettres selon leurs buts et la nature de leurs destinataires. Votre réponse n’excédera pas une vingtaine de lignes.

> TRAVAIL D'ÉCRITURE [16 points]

I - Commentaire

Vous ferez le commentaire du texte de Giono.

II - Dissertation

La lettre ouverte paraît-elle le moyen littéraire le plus approprié pour convaincre un public ? Vous organiserez votre réponse en vous appuyant sur les textes du corpus et sur vos connaissances et lectures personnelles.

III - Écrit d'invention

Bien des années après la Première Guerre mondiale, l’un des jeunes lecteurs destinataires de la lettre de Zola adresse à son tour une lettre ouverte à la jeunesse de son époque. Vous n’imiterez pas nécessairement le style d’Émile Zola.

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□ Écrit d'invention

Établissons la « feuille de route ».

- Forme : lettre ouverte.

- Situation d'énonciation : qui parle ? un jeune homme ou une jeune fille qui a lu la lettre ouverte de Zola (« je ») ; à qui ? « à la jeunesse de son époque » (« vous ») ; de quoi ? de la nécessité de défendre les valeurs démocratiques ; quand ? rien de précis n'est imposé : « [b]ien des années après la Première Guerre mondiale (après la Deuxième, après le premier tour de la présidentielle de 2002...).

- Registre : aucun registre n'est explicitement indiqué. Cependant, les registres lyrique et polémique doivent se mêler : le premier témoigne de l'enthousiasme du locuteur, l'autre de son emportement contre l'apathie politique ambiante et la volonté de bafouer les valeurs républicaines et démocratiques.

- Arguments : beaucoup d'arguments sont possibles. Ils vont varier en fonction du contexte choisi. Si l'on choisit de dater la lettre ouverte du lendemain du premier tour de la présidentielle d'avril 2002, voici quelques pistes possibles. Jeunesse, tu dois te réveiller et te lever car 1) les principes de la Révolution et les droits de l'homme sont en passe d'être bafoués (liberté, égalité, fraternité) ; 2) des idées xénophobes ne peuvent être la ligne de conduite politique de la France ; 3) tu dois exercer tes droits civiques (vote, manifestation) et être ainsi un citoyen à part entière.

> CORPUS

1. J. GlONO, « Lettre aux paysans sur la pauvreté et la paix », Ecrits pacifistes, 1938.

2. E. ZOLA, La Vérité en marche, Recueil d’articles concernant l’affaire Dreyfus, 1901.

3. B. VIAN, Lettre ouverte à monsieur Paul Faber, conseiller municipal, 1955, in Textes et Chansons, 1975.

Annexe : « Le déserteur » de B. Vian.

Texte 1 : Jean Giono, « Lettre aux paysans sur la pauvreté et la paix », Écrits pacifistes, 1938

Je n’aime pas la guerre. Je n’aime aucune sorte de guerre. Ce n’est pas par sentimentalité. Je suis resté quarante-deux jours devant le fort de Vaux et il est difficile de m’intéresser à un cadavre désormais. Je ne sais pas si c’est une qualité ou un défaut : c’est un fait. Je déteste la guerre. Je refuse de faire 5 la guerre pour la seule raison que la guerre est inutile. Oui, ce simple petit mot. Je n’ai pas d’imagination. Pas horrible ; non, inutile simplement. Ce qui me frappe dans la guerre ce n’est pas son horreur : c’est son inutilité. Vous me direz que cette inutilité précisément est horrible. Oui, mais par surcroît. Il est impossible d’expliquer l’horreur de quarante-deux jours 10 d’attaque devant Verdun à des hommes qui, nés après la bataille, sont maintenant dans la faiblesse et la force de la jeunesse. Y réussirait-on qu’il y a pour ces hommes neufs une sorte d’attrait dans l’horreur en raison même de leur force physique et de leur faiblesse. Je parle de la majorité. Il y a toujours, évidemment, une minorité qui fait son compte qu’il est inutile 15 d’instruire. La majorité est attirée par l’horreur : elle se sent capable d’y vivre et d’y mourir comme les autres : elle n’est pas fâchée qu’on la force à en donner la preuve. Il n’y a pas d’autre vraie raison à la continuelle acceptation de ce qu’après on appelle le martyre et le sacrifice. Vous ne pouvez pas leur prouver l’horreur. [...] L’horreur s’efface. Et j’ajoute que, malgré 20 toute son horreur, si la guerre était utile il serait juste de l’accepter. Mais la guerre est inutile et son inutilité évidente. L’inutilité de toutes les guerres est évidente. Qu’elles soient défensives, offensives, civiles, pour la paix, le droit pour la liberté, toutes les guerres sont inutiles. La succession des guerres dans l’histoire prouve bien qu’elles n’ont jamais conclu puisqu’il a 25 toujours fallu recommencer les guerres. La guerre de 1914 a d’abord été pour nous, Français, une guerre dite défensive. Nous sommes-nous défendus ? Non, nous sommes au même point qu’avant. Elle devait être ensuite la guerre du droit. A-t-elle créé le droit ? Non, nous avons vécu depuis des temps pareillement injustes. Elle devait être la dernière des 3o guerres ; elle était la guerre à tuer la guerre. L’a-t-elle fait ? Non. On nous prépare de nouvelles guerres ; elle n’a pas tué la guerre ; elle n’a tué que des hommes inutilement. La guerre civile d’Espagne n’est pas encore finie qu’on aperçoit déjà son évidente inutilité. Je consens à faire n’importe quel travail utile, même au péril de ma vie. Je refuse tout ce qui est inutile et en 35 premier lieu toutes les guerres car c’est un travail dont l’inutilité pour l’homme est aussi claire que le soleil.

© Éditions GALLIMARD

« •--~·-'"'"""""'" vivre et d'y mourir comme les autres: elle n'est pas fâchée qu'on la force à en donner la preuve.

Il n'y a pas d'autre vraie raison à la continuelle aceep­ tation de ce qu'après on appelle le martyre et le sacrifice.

Vous ne pouvez pas leur prouver l'horreur.

[ ...

] L'horreur s'efface.

Et j'ajoute que, malgré 20 toute son horreur, si la guerre était utile il serait juste de l'accepter.

Mais la guerre est inutile et son inutilité évidente.

L'inutilité de toutes les guerres est évidente.

Qu'elles soient défensives, offensives, civiles, pour la paix, le droit pour la liberté, toutes les guerres sont inutiles.

La succession des guerres dans l'histoire prouve bien qu'elles n'ont jamais conclu puisqu'il a 25 toujours fallu recommencer les guerres.

La guerre de 1914 a d'abord été pour nous, Français, une guerre dite défensive.

Nous sommes-nous défendus? Non, nous sommes au même point qu'avant.

Elle devait être ensuite la guerre du droit.

A-t-elle créé le droit? Non, nous avons vécu depuis des temps pareillement injustes.

Elle devait être la dernière des 30 guerres; elle était la guerre à tuer la guerre.

L'a-t-elle fait? Non.

On nous prépare de nouvelles guerres; elle n'a pas tué la guerre; elle n'a tué que des hommes inutilement.

La guerre civile d'Espagne n'est pas encore finie qu'on aperçoit déjà son évidente inutilité.Je consens à faire n'importe quel travail utile, même au péril de ma vie.

Je refuse tout ce qui est inutile et en 35 premier lieu toutes les guerres car c'est un travail dont l'inutilité pour l'homme est aussi claire que le soleil.

© Éditions GALLIMARD Ill Texte 2 : Émile ZOLA, La Vérité en marche (Recueil d'articles concernant l'affaire Dreyfus, 1901) Ô jeunesse, jeunesse! je t'en supplie, songe à la grande besogne qui t'attend.

Tu es l'ouvrière future, tu vas jeter les assises de ce siècle prochain, qui, nous en avons la foi profonde, résoudra les problèmes de vérité et d'équité, posés par le siècle finissant.

Nous, les vieux, les aînés, nous te lais- 5 sons le formidable amas de notre enquête, beaucoup de contradictions et d'obscurités peut-être, mais à coup sûr l'effort le plus passionné que jamais siècle ait fait vers la lumière, les documents les plus honnêtes et les plus solides, les fondements mêmes de ce vaste édifice de la science que tu dois continuer à bâtir pour ton honneur et pour ton bonheur.

Et nous ne te 10 demandons que d'être encore plus généreuse, plus libre d'esprit, de nous dépasser par ton amour de la vie normalement vécue, par ton effort mis entier dans le travail, cette fécondité des hommes et de la terre qui saura bien faire enfin pousser la débordante moisson de joie, sous l'éclatant soleil.

Et nous te céderons fraternellement la place, heureux de disparaître et de 15 nous reposer de notre part de tâche accomplie, dans le bon sommeil de la mort, si nous savons que tu nous continues et que tu réalises nos rêves.

230 Jeunesse, jeunesse! souviens-toi des souffrances que tes pères ont endu­ rées, des terribles batailles où ils ont dû vaincre, pour conquérir la liberté. »

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