Proposition de commentaire composé d'un extrait de ''La pierre qui pousse'', Camus
Publié le 28/05/2012
Extrait du document
Après un rejet massif du monde végétal et humain qui l'entoure et qui lui donne l'impression d'être prisonnier, d'Arrast, progressivement, s'achemine vers l'acceptation du pays dans lequel il se trouve. Pays tel qu'il est avec sa nature envahissante, inquiétante et odorante mais aussi avec les êtres humains qui y vivent. Toutes les gradations de sensations et de sentiments par lesquels passe d'Arrast apparaissent parfaitement dans le texte avec l'emploi d'adjectifs qualificatifs et de verbes nombreux. Les conjonctions de coordination participent aussi à la progression du comportement de d'Arrast jusqu'au moment où il s'ouvre au monde extérieur quand le cri lui parvient.
«
D'Arrast, comme écrasé par toutes les pénibles sensations préalablement décrites, est
pris d'une sorte de malaise physique qui se traduit par le fait de trébucher "comm e un homme
ivre" sur "la pente glissante" qui mène vers les cases et par un "écœurement" qui l'envahit.
Il
lui semble même, dans un moment de probable fatigue intense "qu'il aurait voulu vomir ce
pays tout entier".
Cela amène d'Arrast à rejeter "la tristes se de ses grands espaces, […] et […] de ses
grands fleuves déserts".
Pour lui, l'immensité de "cette terre", la vie humaine symbolisée par
le nom commun "sang", par "les saisons" c'est -à -dire le temps humain et le temps qui passe –
temps pris ici dans son sens général – se confondent au point de ne plus pouvoir les
distinguer, d'où l'image de la liquéfaction du temps que l'on peut rapprocher de l'état
d'abattement physique et intellectuel de d'Arrast.
Dans son rejet, il amalgame la vie dans le pays et le pa ys lui-même qu'il aimerait "vomir
[…] tout entier".
D'Arrast le voit comme un [grand espace triste].
"La vie ici [est] à ras de
terre", en pensant cela, le protagoniste veut peut -être dire que les habitants n'ont pas d'autres
soucis que ceux d'ordre essent iellement matériel comme d'assurer leur subsistance, leur
quotidien, qu'en dehors de la religion et des fêtes rituelles, ils n'ont pas besoin d'autre
spiritualité.
D'Arrast a l'impression que même s'il voulait faire corps avec le pays il ne le
pourrait pas car "pour s'y intégrer, il [faut] se coucher et dormir, […], à même le sol boueux
ou desséché" ; il faut être né dans ce pays pour le comprendre et s'y fondre.
Cependant, ce rejet du "pays tout entier" apparaît tempéré par l'emploi du conditionnel
passé p remière forme quand il pense qu'"il aurait voulu vomir ce pays tout entier" et cette
nuance l'amène insensiblement à une prise de conscience.
L'emploi de l'adverbe de lieu "ici' en opposition à l'adverbe de lieu "là -bas" montre le
cheminement de la pensée de d'Arrast.
Quand il se dit qu'"en Europe c'[est] la honte et la
colère" peut -être fait -il allusion aux événements dramatiques de l'année 1956 comme la guerre
en Algérie ou l'écrasement de la révolution hongroise par les chars soviétiques.
L'emploi de l a
conjonction de coordination "et" montre bien qu'en Europe il n'y a pas de choix, c'est "la
honte et la colère".
Il fait le parallèle entre l'Europe et "ici" et, cette fois, l'emploi de la conjonction de
coordination "ou" implique, théoriquement, un choix possible "l'exil ou la solitude" ;
théoriquement parce que l'on peut être exilé et ne pas connaître la solitude et inversement, on
peut connaître la solitude sans obligatoirement être exilé.
Bien entendu "l'exil [et] la solitude
ne sont pas incompatibles.
Il semble que d'Arrast soit un exilé volontaire, cependant il n'a peut -être pas eu le choix.
Il inscrit sa relative solitude parmi "ces fous languissants et trépidants".
L'adjectif pluriel
"fous" n'est évidemment pas à prendre dans son sens médical mais p lutôt dans le sens de
l'apparente extravagance des actes des individus qualifiés de "languissants et trépidants".
L'antithèse de ces deux adjectifs qualificatifs "languissants", "trépidants" est
significative et s'associe très bien avec "qui dansaient pour mourir".
En effet, ces "fous" qui
n'en sont pas ont, en alternance, des attitudes mornes et des trépidations du corps, ce qui fait
qu'ils dansent "pour mourir".
Dans ce cas, il ne s'agit pas de la mort physique mais plutôt de la
mort des jours, des joies, des peines de l'année écoulée et ils dansent pour la promesse d'une
nouvelle année porteuse d'espoir et symbolisée par un morceau de pierre que chaque croyant
va consciencieusement détacher de "la pierre qui pousse", objet de leur rite.
La dernière phrase de cet extrait débute par la conjonction de coordination "mais" qui
devrait logiquement lier cette phrase à la précédente.
Or, ce "mais" marque pour d'Arrast un
brutal retour à ce qui l'entoure, arraché de ses pensées par "l'étrange cri d'oiseau blessé".
Cette.
»
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