PROMÉTHÉE : le mythe littéraire
Publié le 28/09/2015
Extrait du document
«
Gravure
de Flaxmann pour le Prométhée de Goethe (1795).
il crible de ses sarcasmes le principe de la « jus·
tice divine 11• Il situe la scène de son dialogue sur
le Caucase, comme dans le Prométhée d'Eschyle.
I/aigle qui.
selon la volonté de 'Zeus, doit dévorer
le foie du Titan.
n'est pas encore arrivé ; en pré
sence d'Hermès et d'Héphaïstos, -les exécuteurs
des ordres du Dieu des Dieux, -le captif en pro
fite JlOUr faire l'apologie des fautes qui lui sont
reprochées (et son argumentation ne manque pas
de mordant) : répartition frauduleuse des viandes
lors d'un festin offert par Zeus, création des
hommes, rapt du feu.
Défense habile concue
selon les meilleures règles de la rhétorique.
vraiment digne du grand orateur qu'était Lucien.
Dans la tragédie d'Eschyle, Zeus parait grandi
par les reproches de Prométhée, puissant et ter·
rible dans sa colère divine.
Ici.
il n'est plus qu'un
être injuste, privé de bon sens, dépourvu de
noblesse et de dignité.
Prométhée pourrait obtenir
IR fin de son supplice et acheter sa délivrance
moyennant la révélation de son secret : Hermès,
qui le prend en pitié, le supplie d'y consentir,
mais le Titan refuse car l'aigle, -instrument de
son rachat, -est là qui approche.
L'ironie de ce
morceau est plus caustique que celle des Dialogues
marins ou des Dialogues des dieux, car elle n'est
pas déguisée : nous sommes en présence d'un vrai
héros qui, en défendant sa cause.
lance une
accusation terrible contre la divinité et parvient à
convaincre jusqu'aux ministres de Zeus de l'injus
tice de leur maître.
Comme toujours, le style de
Lucien de Samosate est limpide.
élégant, propre à
mettre en relief les arguments irréfutables de
Prométhée.
En grande partie sa langue demeure
attique.
-T.F.
Éditions de la Couronne, 1946.
* Le mythe de Prométhée prit un nouvel eosor
sous la Renaissance et à l'âge du Baroque, époque
de vitalité débordante.
Mais cette fois, il inspira
davantage les peintres que les poètes et les drama·
turges.
Citons néanmoins la célèbre comédie mY·
thologique espagnole du xviie siècle La estatua de
Prometeo de Pedro CalderOn de la Barca (1600-
1681 ), qui est de 1669, et qui fut publiée dans la
Qwinta parte de Comedias...
(Barcelone, 1677).
L'auteur espagnol transpose la légende dans un
symbolisme philosophique plein de réminiscences
théologiques, mais animé très souvent par un
admirable lyrisme.
:1f.
Le Romantisme vit Prométhée sous les traits
d'un rebelle indomptable et en lit l'un de ses
grands héros.
Le Prométhée [Prometheus] de Wolf·
gang Gœthe (1749·1832) est célèbre ; il date de
1773, mais n'a été publié qu'après la mort de
l'auteur, en 1878.
Dans un discours commémo
ratif en l'honneur de Shakespeare prononcé par
Gœthe en 1771, Prométhée se dessine déjà et
apparaît comme le créateur du genre humain.
L'année suivante, soit en 1772, dans l'Architecture
allemande, Il devient un médiateur entre le Ciel
et la Terre.
Le Discours sur les sciences et les
arts (*) de Rousseau.
l'influence de Herder, enfin
l'ouvrage de Wieland : Dialogue en songe avec
Prométhée contribuèrent en partie à l'élaboration
du Prométhée gœthéen, lequel, cependant, s'ins
pire surtout d'Eschyle et de Voltaire.
Le vieux
mythe.
renouvelé en accord avec l'a-tmosphère du
temps, a entlammé l'imagination créatrice du jeune
poète qui, à son tour, lui a donné une forme
neuve et un élan nouveau.
Le fragment se divise
en deux actes.
Dans le premier, Prométhée, dia�
loguant avec Mercure, déclare qu'il ne redoute
plus les dieux et atteste qu'il ne reconnaît que
la prééminence du Destin.
Il repousse ensuite la
proposition de son frère Épiméthée.
qui l'incite à
prendre place parmi les immortels au sommet de
l'Olympe (• Ils veulent partager avec moi, et je
prétends -N'avoir rien à partager avec eux
Ce que moi je détiens.
ils ne peuvent me le
prendre -Et ce qu'eux, ils détiennent, à eux
de le défendre •).
Épiméthée lui reproche
cette attitude altière : • Tu te tiens à l'écart ! -
Buté, tu ne vois pas quelle félicité -Si les Di•ux
et toi-même -Et les tiens et le ciel tout entier -
Se sentaient unanimes, soudés en un seul tout ! »,
Mais Prométhée ne reconnaît d'autre ivresse que
celle que lui procure sa propre puissance de
créateur et l'amour qu'il porte aux êtres qui lui
sont redevables de la vie.
Dans lJ1.
scène suivante
où parait Minerve, Prométhée se révèle de plus
en plus comme un révolté luttant pour la con
quête de la liberté.
La déesse, s'inclinant devant
son audace et sa fierté, va jusqu'à lui dévoiler le
mystère de la source de vie que les dieux seuls
possèdent.
Au second acte, Mercure annonce à
Jupiter, pour le pousser à la vengeance et au
châtiment.
que Mine rve a confié à Prométhée le
secret de la vie et qu'à présent l'engeance humaine
grouille déjà et s"ébat joyeusement sur terre.
Mais Jupiter répond à son messager que les
hommes doivent être : ils ne feront qu'accroître
le nombre de ses serviteurs ; ils auront droit au
bonheur s'ils suivent ses lois et seront malheu
reux s'ils ne veulent se soumettre à sa toute�
puissante autorité.
Arrêtant le fidèle Mercure qui
croyait devoir se hâter de porter aux nouvelles
créatures ces mots d'espoir, il lui dit sur un ton
paternel et à demi-souriant : • Pas encore J Dans
la joie fratche éclose de leur jeunesse -Ils
pensent égaler les dieux -ils ne t'écouteront
point, jusqu'au jour -Où ils auront besoin de
toi.
Laisse-les à leur vie».
En présentant Jupiter
sous ce jour, Gœthe risquait de détourner l'in
térêt qu'il entendait porter à Prométhée, au
profit du dieu qui apparaissait tout à coup
comme un être digne de respect, image de la
sagesse et de l'harmonie.
Telle est sans doute la
raison pour laquelle ce drame resta inachevé ;
entre les divers fragments, il en est un particu
lièrement remarquable, qui nous montre la venue
de la mort sur la terre {la première victime sera
Mira, qui rendra l'âme sous les yeux de Pandore,
sa mère).
Mais grâce à Prométhée, la mort sem
blera comme une suprême éclosion de la vie, une
sorte de palingénésie.
De ces fragments inachevés,
Gœthe tira la matière d'un court, mais puissant
poème ; c'est son vrai • Prométhée n, vu tel qu'il
concevait le héros dans sa jeunesse ; non pas
celui qui cède et fait alliance avec Zeus, mais
celui qui proclame la vanité de l'existence des
dieux, la puissance et la pleine liberté des
humains.
• Couvre ton Ciel, Zeus, -De brume et
de nuages, -Et, pareil à l'enfant -Qui joue à
décapiter les chardons -Éprouve ta force sur les
chênes et les sommets des monts : -Mais ma terre,
-Lalsse·la mol, -Et ma cabane que tu
n'as point bâtie -Et mon foyer -Avec sa
flamme que tu m'envies ! -Je ne sais rien sous
le soleil -De plus misérable que vous.
dieux ! -
Vous vivez pauvrement -Des offrandes de vos
autels -Et de l'haleine des prières -Pour
nourrir votre majesté : -Vous mourriez de
faim -Si les enfants, les mendiants -N'étaient
des fous gontlés d'espoir ...
-Moi.
t'honorer ? A
quel titre ? - As-tu jamais adouci les souf
frances -De qui ploie sous le fardeau ? - As-tu
jamais tari les larmes -De l'angoissé ? - Qui a
forgé cet homme que je suis -Sinon le Temps
tout·puissant, -Et le Destin éternel, -Mes
maîtres et les tiens ? ••• -C'est ici que je demeure.
formant des hommes - A mon image -Une race
à ma ressemblance -Pour souffrir, pour pleurer -
Pour goûter les plaisirs et les joies, -Et t'avoir
en mépris, -Comme moi! •.
En 1795, Gœthe
travailla aussi à une Délivrance de Prométhée.
Il
ne nous en reste que trois courts fragments
(23 vers au total) dont le principal, animé d'un
sou flle puissant et majestueux, fut publié eu 1888.
- T.F.
Gallimard, 1942.
* Le Prométhée délivré [Prometheus U nboîlndl de
Percy Bysshe Shelley (1792·1822), drame lyrique
en quatre actes et en vers publié en 1820, est
concu dans le même esprit de révolte que celui
de Gœthe.
S'inspirant en pa.rtie seulement de la
tradition classique.
Shelley fait de Zeus le sym
bole du mal, tandis que Prométhée devient le
sauveur de l'humanité : le héros, employant le
Savoir ainsi qu'une arme, vainc le mal et ramène
les hommes à la sagesse et à la vertu.
Pour
châtier les audaces du Titan qui s'est fait le
champion des mortels, Zeus le condamne à être
enchainé sur un pic du Caucase où un vautour
lui rongera continuellement le foie.
Prométhée
supporte courageusement tous les supplices que
le dieu lui inflige, car il attend avec patience
l'heure où Zeus sera détrôné et l'esprit du B:ien
triomphera.
Le destin ne pourrait changer que si
Prométhée révélait le secret qu'il est seul à
détenir.
Mais les dieux ne parviennent pas à le
lui ravir, même en lui promettant
une déli
vrance immédiate.
Finalement, l'heure marquée
par le sort arrive : Zeus disparaît, jeté à bas de
son trône par Demogorgon, le Pouvoir originel du
Monde, tandis qu'Hercule (qui symbolise la force)
délivre Prométhée (l'Humanité) des sou:ffranees
engendrées par le MaL Asia, l'ùne des Océanides,
personnification de la Nature.
retrouve au même
instant sa beauté première et s'unit à Prométhée.
Ainsi commencera le règne de l'Amour et du
Bien.
Shelley a cherché à exprimer toute sa phi
losophie dans ce drame.
Tout d'abord disciple
de William Godwin (1756·1836), dont il épousa en
secondes noces la fille Mary, Shelley se fit par la
suite une philosophie toute personnelle ; on la
trouve exprimée dans la majorité de ses œuvres
et surtout dans son Prométhée délivré.
Ses théories
sur le destin de l'humanité peuvent se résumer
ainsi : il est convaincu que le mal n'est pas
inhérent à la nature des hommes, mais bien
accidentel, donc susceptible d'être éliminé.
L'idée
qu'il reprendra le plus volontiers est que tout incli
vidu doit tenter de se perfectionner jusqu'à
réduire à néant le mal qui est en lui.
Prométhée
déliL•ré est la transposition d'une vision philoso
phique dans le domaine lyrique: et, en utilisant
le vieux mythe grec, l'auteur entend conférer à
cette vision une portée plus profonde, presque
sacrée.
On retrouve dans ce drame quelques-uns
des éléments les plus caractéristiques de l'art et
de l'univers poétique de Sh�lley : d'abord sa
conception platonique de l'amour (ce n'est point
par hasard s'il a choisi un mythe grec) : COJtl�
ception à la fois déformée et amplifiée par une
croyance -très romantique -en la toute puis
sance de ce sentiment qui ne néglige cependant
pas le côté physique et humain.
Il arrive que Ja
luxuriante richesse de l'imagination de Shelley
accumule les images jusqu'à produire un ensemble
plus éblouissant que substantiel.
La beauté de
cette œuvre, outre la penRée généreuse qui
l'anime, repose cependant sur l'extraordinaire
puissance et le lyrisme débordant de maints pas
sages qui sont parmi les plus belles pages rle
l'auteur.
Ce drame n'avait •tue trois actes à
l'origine; ce n'est que quelquef: mois après l'avoir
achevé que l'auteur en ajouta un quatrième,
sorte d'hymne triomphal après la victoire du
héros.
-T.F.
Aubier, 1942.
* A son tour, le rationalisrne du xviire siècle
voulut mettre à l'honneur la légende de Promé
thée.
Nous possédons, entre autres, un petit
poème en hendécas},.llabes libres de l'Italien Vin
cenzo Monti (1754·1828) : Il Prorneteo.
Commencé
en 1797, continué en 1821, il ne parut qu'en
1832, après la mort de l'auteur.
Il se divise en
trois chants.
Dans la préface (« Prefazione non
inutile al poema �l.
Monti explique les deux
grandes idées qui l'ont guidé : d'abord servir la..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Le mythe de Prométhée ?
- PLATON: le mythe de Prométhée
- Comment comprenez vous le sens du mythe de Prométhée ?
- Comment comprenez vous le sens du mythe de Prométhée ?
- Les origines de la technique selon le mythe de Prométhée