PRÉVOST (Antoine François Prévost, dit Prévost d'Exiles, ou l'abbé)
Publié le 15/03/2019
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PRÉVOST (Antoine François Prévost, dit Prévost d'Exiles, ou l'abbé), écrivain français (Hesdin 1697 - Courteuil, près de Chantilly, 1763). Il a été longtemps considéré comme l'auteur d'une œuvre unique et brève, Manon Lescaut : l'héroïne de ce chef-d'œuvre s'est en quelque sorte émancipée de son créateur et s'est mise à vivre avec une autonomie légendaire d'autant plus grande que l'opéra et le cinéma lui ont donné une nouvelle célébrité. Le reste de l'œuvre de Prévost, qui est immense, par son intérêt et son ampleur (l'édition des Œuvres choisies de 1783, qui ne reprend pas les 20 volumes du Pour et le Contre ni les 16 de V Histoire des voyages, comprend 39 volumes), a disparu dans l'ombre de Manon. On a vu dans son roman fulgurant un météore, on l'a isolé d'autant plus facilement que Prévost apparaît « inclassable » à l'histoire littéraire qui naît au xixe s. : c'est un romancier de la sensibilité, comme égaré dans un
«
demi-siècle
où dotnineràit sans partage
la philosophie.
La pensée elle-même de
l'abbé semble entraînée dans des mouve
ments contradictoires.
Irrésolution, inconséquence, passions
en un mot semblent seules agiter -et
vraiment diriger -la carrière de Pré
vost.
Né dans une bonne famille de
magistrats et d'ecclésiastiques, il n'en
accepte pas grand-chose.
Il fait cepen
dant de bonnes études chez les jésuites,
qui décèlent ses grandes qualités.
Mais
il fait une fugue en 1712, s'engage dans
l'armée.
Il revient à l'Église, mais les
jésuites ne peuvent le retenir.
11 se jette
à corps perdu dans le monde de la
Régence : il y découvre les bouleverse·
ments des fortunes, la quête insatiable
des pla is irs , l'irrévérence religieuse et
l'affaiblissement des hiérarchies.
Son
impossibilité à souffrir l'autorité doit
être comprise comme exemplaire d'une
époque et d'une société.
Il lui faut expier
le s erreurs de sa vie aventureuse : il est
contraint de prononcer ses vœux -avec
restriction in petto -et en tre chez les
bénédictins de la congrégation de Saint
Maur.
La contrainte sociale est directe
ment incarnée par l'autorité paternelle
et on ne s'étonnera pas de trouver dans
les romans de l'abbé Prévost (Manon,
Cleveland) le thème, obstinément récur·
rent, de la révolte contre le père.
Dès les
Aventures de Pomponius (1724), l'écri
ture littéraire pennet à Prévost de
confronter les exigences de l'ordre et du
réel avec celles de sa liberté intérieure.
La littérature est chez lui un passage à
l'acte au même titre que cette nouvelle
fugue qu'il fait en 1728.
Il se défroque
et, utilisant les filières protestantes,
s'enfuit en Angleterre, ce monde où
triomphe l'esprit nouveau et qui fasci·
nait tant les philosophes français : le
périodique qu'il fait paraître de 1733 à
1740, le Pour et le Contre, est tout
vibrant de cette découverte.
La décennie
1730-1740 est pour lui d'une étonnante
fécondité les Mémoires et aventures
d'un homme de qualité connaissent le
succès dès le début de leur parution en
1728 et c'est dans le dernier volume
(17 31) qu'on peut lire 1 'Histoire du
chevalier Des Grieux et de Manon Les- caut.
C'est aussi en Angleterre qu'il
rédige les épisodes anglais et l'utopie de
CleveÙlnd (1731-1739).
Las de ses
errances, il demande cependant sa grâce
e n 1734 et revient en France.
Il fré
quente les milieux matérialistes (le salon
de Mm• Doublet notamment), mais ses
doutes religieux ne le conduisent pour
tant pas à l'athéisme.
Il compose alors
le Doyen de Killerine ( 1735-1740) et
l'Histoire d'une Grecque moderne
(1740).
Ruiné, compromis dans une
affaire de gazette clan dest in e, il disparaît
à nouveau ; une crise sentimentale ren
force son pessimisme.
De retour en
France (1742), Prévost se voit confier
par le chancelier d'Aguesseau la réalisa
tion de l'Histoire des voyages (1746-
1759) et devient en 1755 directeur du
Journal étranger.
Il ne cesse toutefois
d'écrire, un peu dans tous les genres et
avec plus ou moins de bonheur : Histoire
de Marguerite d'Anjou ( 1 740) , Mémoires
pour servir à l'histoire de Malte ( 1741),
diverses traductions dont celle de Cw
risse Harlowe (1751), les Mémoires d'un
honnete homme ( 1745), Mémoires pour
servir à l'histoire du cœur humain
( 1760).
Loin d'être l'auteur >
qu'on a vu en lui, Prévost offre ain si la
figure exemplaire et centrale de l'écri
vain et de l'homme de lettres du XVIII• s.
L'œuvre romanesque de l'abbé Prévost
naît d'une tension qui fonde sa moder
nité, tension insoluble entre la société et
l'individu.
Toute la thématique de ses
romans en est traversée et organisée.
La
malédiction paternelle jette un sujet
libre ou du moins qui revendique le droit
à un bonheur individuel, incommunica
ble.
amoureux, dans des aventures qui
ne sont picaresques que par leur allure
superficielle.
Le héros est aventurier
malgré soi et traine le fardeau du
remords et de la mauvaise conscience.
Les.
»
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