Présentation général Les Caractères La Bruyère
Publié le 02/04/2024
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«
Les Caractères de La Bruyère – la comédie sociale
Le genre
Un « traité de morale » : en 16 « livres », l’auteur réfléchit sur les mœurs de son époque pour en
dénoncer les travers.
Ce livre est le fruit des observations de La Bruyère, qui n’a rien écrit d’autre :
cela explique aussi les multiples éditions, et les rajouts effectués.
La première édition paraît en
1688.
La neuvième édition, posthume.
Entre ces deux dates, le volume total a triplé.
Ce genre est hérité de l’Antiquité : La Bruyère annonce explicitement qu’il copie Théophraste,
auteur grec du IV-IIIe siècle.
Par ailleurs, La Bruyère s’inspire aussi de l’écriture « à sauts et à
gambades » de Montaigne, auteur humaniste des Essais (trois volumes, construits au fil du
temps, de 1581 à 1592) qui accumule les réflexions sur différents sujets, mais encore d’autres
auteurs de son siècle, comme François de La Rochefoucauld, qui publie en 1665 ses Réflexions
ou sentences et maximes morales.
En outre, le siècle du classicisme est friand de littérature
morale, qui réfléchit à la façon dont l’homme doit se comporter et agir dans le monde pour devenir
conforme à l’idéal de l’honnête homme : la littérature moraliste concerne aussi bien la philosophie,
avec l’écriture fragmentaire des Pensées de Pascal, les sermons, avec l’éloquence de la chaire
d’un Bossuet ou d’un Bourdaloue, les lettres, par exemple celles de Mme de Sévigné, les
Mémoires, celles du cardinal de Retz, mais encore le théâtre, avec les comédies d’un Molière, ou
le roman, avec, par exemple, La Princesse de Clèves de Mme de La Fayette.
Jean de La Bruyère, 1645-1696.
Un homme simple, qui mène une vie effacée.
Il appartient à la moyenne bourgeoisie ; il aurait pu
être avocat car il a une licence en droit canon et droit civil.
Mais il préfère acheter un office de
trésorier des finances dans la généralité de Caen, mais il s’installe à Paris.
Il n’est donc pas obligé
de travailler et consacre sa vie à l’étude et à la méditation ; cette situation lui offre aussi une
certaine indépendance.
En 1684, il entre au service du Grand-Condé comme sous-précepteur de son petit-fils le duc de
Bourbon.
Il peut ainsi observer la société aristocratique qu’il est amené à fréquenter à Chantilly,
Versailles, Chambord ou Fontainebleau.
Mais en 1686, le Grand-Condé meurt et le duc de
Bourbon se marie.
Cependant le duc d’Enghien, fils du prince, garde La Bruyère à son service
comme secrétaire et bibliothécaire.
En 1687, il commence à montrer à quelques amis ses Caractères, selon le modèle de
Théophraste, qu’il a traduit du grec.
Il finit par réunir ses notes en un livre qui sera mis en vente au
début de 1688.
Le succès est immédiat, le livre doit être réimprimé plusieurs fois.
Ce succès encourage La Bruyère à augmenter les différentes impressions : en 1689, la quatrième
édition double la première.
La huitième, en 1694, la triple.
La Bruyère présente sa candidature à l’académie française en 1691, sans succès ; il ne réussira à
y entrer qu’en 1693.
Il prend le parti des Anciens contre les Modernes.
Il prend aussi sa part dans la querelle du quiétisme auprès de son ami de toujours, Bossuet : avec
lui, il s’oppose à Fénelon qui, avec Mme Guyon, souhaite répandre cette pratique religieuse (il
s’agit de la recherche du « pur amour », qui s’accompagne de pratiques ascétiques et d’une
recherche de passivité.
Cette doctrine mystique inspirée de Miguel de Molinos est condamnée par
l’Eglise catholique).
On sent d’ailleurs cette influence religieuse dans Les Caractères, notamment
au chapitre XVI.
Le contexte littéraire, politique et culturel
Après la régence d’Anne d’Autriche à partir de 1643, Louis XIV prend personnellement le pouvoir
en 1661, à la mort de Mazarin.
La France sort d’une période de turbulences : à la Fronde
parlementaire a succédé la Fronde des princes, mais le pouvoir royal est désormais stable ; et la
guerre de Trente ans s’est achevée en 1648.
Louis XIV affirme son pouvoir personnel en évinçant
Fouquet et en cherchant à étendre son pouvoir par un règne personnel, aidé en cela par Colbert ;
il influence tous les domaines de la vie publique, des administrations à l’économie en passant par
les arts.
Il fait construire Versailles et instaure l’étiquette sévère de la Cour.
Il se veut roi soleil,
brillant sur toute l’Europe.
Cependant, la fin de son règne est assombrie par de nouvelles
querelles religieuses (avec les protestants, les gallicans, les jansénistes, les quiétistes) et par de
nouvelles guerres (Flandres et Hollande), qui appauvrissent considérablement le royaume.
La cour de Versailles devient à partir de 1673 et plus encore de 1682 le centre du royaume :
centre du pouvoir politique, mais aussi centre artistique et culturel.
Tous les courtisans s’y
pressent en vue de recevoir des miettes du pouvoir centralisé entre les mains du roi.
Dans les salons, le public lettré est friand d’œuvres à lire en public et à commenter.
C’est un tel
public, déjà féru de La Rochefoucauld, La Fayette, La Fontaine, et des sermons d’un Bossuet ou
d’un Bourdaloue, qui appréciera les Caractères.
En cela, on peut dire que La Bruyère souscrit au
courant mondain, marqué par la préciosité (recherche du beau langage, quitte à tomber dans
l’excès d’un style raffiné, distingué, mais parfois excessif – cf Les Précieuses ridicules de
Molière…).
Le classicisme
Le classicisme est un mouvement inscrit dans ce contexte, car pour promouvoir son règne Louis
XIV encourage des arts marqués par l’ordre et la norme, la recherche d’une esthétique régulière
et grandiose : on est à l’opposé de l’art baroque dominant à l’époque de Louis XIII, traversé par
les contrastes, les irrégularités, art du clair-obscur qui correspondait bien à la période d’indécision
et de tourmente politique de la Fronde.
Il s’agit maintenant de rechercher la mesure et l’harmonie,
afin d’atteindre le Beau, en s’inspirant du modèle des Anciens.
Les artistes sont encouragés par le roi mécène.
Pour la construction de Versailles, le roi
embauche les plus grands artistes de son temps (Le Brun, Le Nôtre, Le Vau, Hardouin-Mansart) ;
il sait s’entourer d’artistes (la musique de Lully, le théâtre de Molière ou Racine...)
Cf la musique de Lully : Lully: Le Roi Danse - YouTube
Cette esthétique correspond aussi à une philosophie de modération, qui se méfie des excès des
passions.
Le modèle humain proposé par ce mouvement est l’honnête homme, caractérisé par la
recherche de la tempérance et de la sociabilité, à l’inverse de tous les excès.
L’honnête homme
cherche à plaire en société : il est sociable, généreux, distingué, raisonnable.
Il ne met pas en
avant son « moi », mais cherche à s’effacer au profit de la mondanité.
La querelle des Anciens et des modernes
Cette querelle oppose durant la seconde moitié du XVIIe siècle les tenants des Anciens contre
ceux des Modernes : pour les premiers, parmi lesquels Racine, Bossuet, Boileau, La Fontaine, il
est impossible de créer sans s’appuyer sur les Antiques, qui ont atteint l’âge d’or dans leur
pratique des arts.
A l’inverse, les Modernes, emmenés par Charles Perrault, Saint-Evremond,
Thomas Corneille ou Fontenelle, assurent que le siècle de Louis le Grand est supérieur à celui
d’Auguste : il est possible de créer du neuf, en s’affranchissant du modèle des Anciens.
La Bruyère prend le parti des Anciens dans le discours qu’il prononce à l’Académie lors de son
entrée.
D’ailleurs, ses Caractères sont imités de Théophraste et toujours accompagnés de l’œuvre
grecque.
Et dans les Caractères même, il indique sa préférence (I, 15).
Mais paradoxalement, la portée satirique des Caractères, on
Un projet moraliste
La Bruyère, comme d’autres auteurs de son temps, souhaite redonner tout son poids à la raison,
face aux excès qui tentent l’homme.
Il cherche à développer une sagesse visant à la tempérance
et à la modération, qui s’oppose à l’hypocrisie, à l’ambition, à la fausseté, qui caractérisent la vie
mondaine, notamment à la cour.
Il s’inscrit ainsi dans une tendance religieuse de fond : le XVIIe siècle est un siècle de renouveau
catholique, après l’ébranlement de la Réforme.
Depuis le concile de Trente, la Contre-Réforme
encourage un renouveau spirituel qui passe par la dénonciation des vanités de la vie mondaine (cf
les homélies et oraisons funèbres de Bossuet).
Les moralistes s’opposent au courant libertin, qui se développe dans la seconde moitié du XVIIe
siècle.
Les libertins remettent d’abord en cause la religion, et même l’existence de Dieu ; ils
s’affranchissent ensuite des règles morales, notamment dans le domaine amoureux.
Dom Juan, le
personnage de Molière, est le parangon du libertin : son libertinage de mœurs (il enchaîne les
conquêtes amoureuses) n’est pas tant dénoncé que son libertinage religieux (il professe son
athéisme).
La Bruyère dénonce vigoureusement le libertinage, et souhaite le retour à une religion
respectée, dans le chapitre XVI.
Les passions sont également dénoncées, car elles privent l’homme de sa raison : les moralistes
se situent ainsi dans la lignée d’un Descartes, et reprennent une idée déjà défendue par
Théophraste dans l’Antiquité…
Une forme fragmentaire
Les ouvrages de réflexion morale se....
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