Préférez-vous les oeuvres littéraires dans lesquelles l'auteur parle ouvertement de lui-même ou celles dans lesquelles il s'efface ? Justifiez votre préférence par des exemples précis.
Publié le 20/02/2011
Extrait du document
Introduction.
• « C'est une vérité élémentaire que de dire qu'en un sens tout écrivain est subjectif, quels que puissent être ses efforts pour éliminer le coefficient personnel dans la peinture qu'il fait des choses et de l'homme. « (Jules Romains.) • La mode actuelle ne pousserait-elle pas à une plus grande place du « moi « dans les oeuvres ?... — par la curiosité plus ou moins satisfaisante d'un public dont les médias façonnent le goût à être friand de détails sur les vedettes de tout type ; — par complaisance des auteurs de tous ordres à se raconter, soit pour se montrer soit pour se justifier, soit pour soigner leur publicité (multiples Mémoires de présentateurs TV, radio, acteurs, actrices, hommes politiques...) ; — par angoisse, inquiétude de soi, sens de l'absurdité du destin, problèmes surmultipliés en cette fin de siècle — valables pour l'écrivain et le lecteur — et mille motifs nuancés ou personnels.
«
non curiosité malsaine ?— malheurs rares (Pauca mece, V.
Hugo).E (1) • d'où une connaissance meilleure de l'ouvrage (2) :— (8) certes (5) les différences sont grandes d'oeuvres et auteurs, à d'autres.
Certaines cependant sont mieuxéclairées par les renseignements biographiques, même oeuvres sans « moi », cas de Pascal (Sainte-Beuve : Port-Royal) : les Pensées sont les notes qu'il a seules pu écrire avant sa mort à trente-neuf ans au lieu de la grandeApologie de la Religion chrétienne qu'il projetait.
On comprend mieux aussi Molière si on connaît les treize ans detournées en provinceMonsieur de Pourceaugnac); mais surtout les auteurs qui parlent d'eux éclairent leur oeuvre : Lamartine et Le Lac,A.
Musset et Les Nuits, V.
Hugo et Les Châtiments, ce sont les amours avec Mme Charles, celles avec G.
Sand, lahaine contre Napoléon III...F ( I ) • Le moi de l'écrivain rejoint le moi du lecteur (2) : — > connaissance de son propre moi.
Cf.
V.
Hugo : « Ah !insensé qui crois que je ne suis pas toi » (6).— Vérité humaine éternelle à travers l'expérience personnelle que l'artiste, lui, a su mieux exprimer;— pousse le lecteur à être lucide, honnête avec soi.
Ex.
: Confessions de J.-J.
Rousseau : oser être soi, se voir telqu'on est, l'avouer, prendre la responsabilité de ses actes.— Refus de se couvrir de l'anonymat pousse à la spontanéité des sentiments ;— mais surtout quand « moi » sert à l'étude introspective, c'est véritablement bénéfique.
Exemple : Montaigne etles Essais : « Tout homme porte en soi la forme de l'humaine condition» (6).
D'où maître à penser.
C'est ce quedisent de lui G.
Flaubert ou Colette.— Autre exemple, la libération du Moi par le surréalisme : objectivité d'A.
Breton dans ses analyses de l'inconscient ;ou par l'existentialisme : La Nausée (J.-P.
Sartre).G (1) • Saisir « le témoignage unique d'une subjectivité d'un instant » (Kant) (2).— Il parle aussi d'« universalité sans concept et de nécessité subjective » (6).— Tout grand auteur abandonne vite l'excès de subjectivité.
Son cas particulier devient tremplin d'un élargissementà l'humanité tout entière.
Exemple : la crise de l'homme de cinquante ans : Paroles sur la Dune (V.
Hugo), l'étude de la naissance de l'amourpour l'écriture : Les mots (J.-P.
Sartre)...H (1) • La beauté de la langue (2) y gagne de toute la sincérité passionnelle de l'auteur se transmettant plusaisément ainsi à la perception esthétique directe du lecteur : tout le lyrisme, des Amours de Ronsard au Tempsdéborde ou Poésie ininterrompue de P.
Éluard en passant par Les Contemplations de V.
Hugo, Les Regrets de DuBellay ou Alcool d'Apollinaire...
II.
Préférence pour les ouvrages où l'auteur s'efface.
• Prétendue documentation due à la biographie et à l'étalage du moi de l'auteur n'est trop souvent qu'anecdotes.— « misérable tas de petits secrets » (A.
Malraux);— simple but de distraction ou érudition pure = bien secondaire ;— le lecteur n'en a guère besoin.
(Reprendre l'exemple A.I, en sens inverse) ;— véritables indiscrétions, beaucoup trop subjectives d'ailleurs.Exemple : Jouhandeau et son autobiographie permanente (Journaliers).• On peut donc reprocher complaisance à l'égard du moi :— on prend à témoin son œuvre, donc le lecteur (Du Bellay, Les Regrets);— le lecteur est alors agacé par cette attitude de « coeur en écharpe » reprochée à Chateaubriand par exemple ;— goût de la confidence, de la sensibilité :« Cette inimitable saveurQue tu ne trouves qu'a toi-même » (P.
Valéry) peut paraître abusif.
— Pire encore quand c'est le goût de la plainte, cette poésie élégiaque où l'auteur pleure ses malheurs.
Lesoccasions de la souffrance sont dévoilées sans vergogne ; douleur de Lamartine à la mort de Mme Charles quipousse G.
Haubert à le traiter de « lymphatique coco » (!) ; rupture tumultueuse des amours Musset/G.
Sand...— Ne peut-on même voir, dans ce moi trop présent la preuve d'une certaine stérilité ? Incapacité à créer hors desoi, dans ces transpositions des aventures personnelles dans le roman (romans autobiographiques) : René(Chateaubriand), Volupté (Sainte-Beuve), Adolphe(B.
Constant), Dominique (E.
Fromentin), La Force de l'âge (S.
de Beauvoir), multiples romans idéalistes (Mme deStaël)...• D'où désir d'impersonnalité, du refus du moi :— On goûtera des écrivains qui comme Flaubert proclament :« J'éprouve une répulsion invincible à mettre sur le papier quelque chose de mon coeur » ;— Position de refus chez l'écrivain et chez le lecteur par réaction contre les excès confidentiels, ainsi contre leromantisme : les générations grandies en plein mouvement romantique se jugent « ravagées » (G.
Haubert) par lebesoin de sensations intenses, de passion, d'imagination, de romanesque.
D'où attitude :— du Parnasse : « Le thème personnel et ses variations trop répétées ont épuisé l'attention » (Leconte de Lisle),dont le lecteur appréciera la réserve hautaine ;— du Réalisme : la création de Mme Bovary n'est-elle pas, pour G.
Flaubert, la façon de se sauvegarder ; le lecteuraimera cet art objectif qui regarde vivre de l'extérieur le personnage, même Frédéric Moreau, tiré pourtant de G.Flaubert lui-même ;.
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