Pourquoi le passé nous passionne ?
Publié le 17/01/2022
Extrait du document
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Il existe ainsi des métiers, comme archéologue, qui font rêver même les adolescents ; et pas seulement à caused'Indiana Jones.
Chacun d'entre nous peut être fasciné par de telles découvertes.
Car le passé s'explore (d'où sonaspect « passionnant ») comme un pays magique et inconnu.
C'est, du moins, l'idée que l'on s'en fait communémentcar la réalité est moins « sensationnelle » ; le travail de l'archéologue s'assimile davantage à celui de la fourmi qu'àl'activité de l'aventurier.
Cette fascination pour le passé, cette passion, sont à l'origine de romans célèbres commeLe Roman de la momie, de Théophile Gautier.
Certains mystères archéologiques fascinent toujours : secrets des pyramides, statues de l'île de Pâques, etc.
Il est ainsi des lieux magiques où le passé n'a pas livré toutes ses clefset, même si cela agace les scientifiques, ils ouvrent toujours sur le rêve.
Une des vertus principales du passé, c'est aussi qu'il procure un certain dépaysement.
Cela explique sûrement, engrande partie, le succès de certains films, dits « à costumes », qui, en nous transportant dans un passé révolu,parfois mythique, souvent nostalgique, permettent aux spectateurs de rêver, de verser une larme ou de s'indigner.Ainsi, Autant en emporte le vent restitue le passé sudiste des Américains et ouvre l'esprit sur une époque qui fut, certes, cruelle, mais où les dames portaient de si jolies robes.
D'autres films, comme Cléopâtre, ressuscitent les fastes de l'antiquité.
Comment, par ailleurs, expliquer le triomphe durable des westerns ou des romans de cape etd'épée ? Il y a là un fonds dans lequel chacun peut puiser pour se retrouver magiquement transporté à l'époque deson choix : sous Louis XIII et Richelieu grâce aux inépuisables Trois mousquetaires de Dumas, ou dans un Moyen Âge mythique avec Notre-Dame de Paris, de Victor Hugo.
Ce n'est pas hasard non plus si ces oeuvres fascinent tant les cinéastes : faire revivre le passé, ce n'est pas seulement donner nouvelle vie à des vêtements ou à desobjets d'antiquaire, c'est aussi faire renaître des sentiments que l'on croyait disparus, des passions débridées, desmoeurs différentes, des coutumes autres, qui nous rappellent que tout est soumis à l'histoire, que rien n'est éternel,même les sentiments, et que toute chose a des origines, historiques justement.
On peut ainsi se passionner pour l'histoire en général, et pas seulement à cause des impératifs de la vie scolaire.
Onpourra lire avec intérêt les nombreux et très sérieux ouvrages qui paraissent depuis quelques années et qui endisent long sur l'histoire des moeurs et des mentalités, comme les livres d'Élisabeth Badinter sur le sentimentmaternel, par exemple, ou celui d'Alain Corbin sur l'histoire de la perception des odeurs à travers les âges et qui nousrappellent que rien n'est « naturel » et que ce qui nous semble « aller de soi » est, en réalité, le produit d'unehistoire (amour de la mère pour ses enfants ou répulsion devant les mauvaises odeurs) et que les choses n'ont pastoujours été comme elles sont aujourd'hui.
Ce qui permet d'acquérir le sens capital de la relativité : ce qui n'a pastoujours existé disparaîtra à son tour.
Nos modes de vie ne sont pas éternels ; ni nos modes de pensée.
Ainsi peut-on lire de passionnantes histoires des larmes ou de la pudeur.
Car, si l'histoire est une discipline intéressante en soi qui permet de mieux connaître le passé, elle permet aussi,surtout, de mieux maîtriser le présent : celui qui ne s'intéresse pas à l'histoire n'est-il pas condamné, sinon à refaireperpétuellement les mêmes erreurs, au moins à ne rien comprendre aux événements qui se déroulent sous ses yeux? Ainsi peut-être, celui qui connaît le passé de l'Europe (et celui de l'empire austro-hongrois) pourra-t-il y voir plusclair dans la situation de l'ex-Yougoslavie.
On aura le même raisonnement pour le conflit israélo-arabe ou lesconvulsions de l'Afrique (qui s'expliquent largement par le passé colonial).
La passion pour l'histoire (du moinsl'intérêt) est indispensable à qui veut devenir un vrai citoyen, conscient et responsable, car il est, dans ce domaine,des ignorances fatales.
L'oubli de l'holocauste juif (ou, plus pernicieuse encore, sa réécriture par certains pseudo-intel-lectuels) peut, par exemple, conduire à des bégaiements tragiques de l'histoire, et le fascisme, que l'on croyaitmort, montre à nouveau son visage immonde, et cela surtout, dans des pays où trop longtemps on a falsifié l'histoirepour des raisons de propagande.
Cette falsification est d'ailleurs largement combattue dans les sociétés démocratiques où l'histoire est une disciplineà part entière ; où la télévision offre au passé, sous toutes ses formes, une large diffusion, au moins le passérécent : on peut voir ainsi de nombreux documentaires, montages de documents ou « table ronde » sur lesévénements passés, comme sur tout ce qui concerne les guerres mondiales du vingtième siècle.
Les émissions «rétrospectives » ne se comptent plus.
Il est vrai qu'on dispose d'images fabuleuses, à manipuler néanmoins avecprécaution, car les images peuvent dire tout et le contraire de tout.
La présence d'un historien authentique estindispensable à qui ne veut pas sombrer dans la caricature ou le mensonge orienté.
Paradoxalement, les époquespour lesquelles on dispose le moins de « documents » peuvent être restituées avec davantage de précision et devérité (si l'on excepte les sujets trop brûlants comme la Révolution française qui déchaîna quelques polémiques lorsde la célébration du bicentenaire, preuve que l'on se passionne pour l'histoire).
Alain Decaux a pu passionner desfoules grâce à ses récits et permettre à Robert Hossein de monter de grandes machines spectaculaires quiactualisent l'histoire (même si le théâtre n'y gagne pas toujours).
Les héros de nombreux feuilletons télévisés, deThierry la Fronde à Charlemagne, en passant par Zorro, ne sont-ils pas, eux aussi, sortis tout droit du passé ? Maisl'histoire la plus vivante, n'est-ce pas à travers la foule des oeuvres d'art, ou des grandes oeuvres littéraires, qu'onla retrouve le mieux ? Chaque grande œuvre du passé n'est-elle pas, sur le passé auquel elle appartient, letémoignage le plus précieux et le plus irremplaçable ?
Il est, de toute façon, dans le domaine culturel comme dans les autres, impossible de vivre dans l'éternel présent.Laissons les chats (peut-être !) à leur douce quiétude.
Les êtres humains se projettent dans l'avenir, c'estindispensable.
De même, ils ont toujours un pied, parfois un oeil dans le passé, pour le regretter ou le rejeter.
Unhomme sans mémoire — ni collective ni individuelle — n'a pas d'existence.
Le passé existe donc, il faut l'assumer,sans toutefois se laisser engluer par lui.
On peut se passionner pour une période historique sans se promener dans larue (hormis jour de carnaval) habillé en costume d'époque.
Il est bon de savoir qu'on n'est pas venu tout seul.
«C'est ainsi que nous avançons, barques luttant contre un courant qui nous rejette sans cesse vers le passé.
».
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