Portrait du juge Simon - Confessions de ROUSSEAU
Publié le 13/07/2010
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« Ce petit nain, si disgracié dans son corps par la nature, en avait été dédommagé du côté de l'esprit : il l'avait naturellement agréable, et il avait pris soin de l'orner. Quoiqu'il fût, à ce qu'on disait, assez bon jurisconsulte, il n'aimait pas son métier. Il s'était jeté dans la belle littérature, et il y avait réussi. Il en avait pris surtout cette brillante superficie, cette fleur qui jette de l'agrément dans le commerce, même avec les femmes. Il savait par coeur tous les petits traits des ana et autres semblables : il avait l'art de les faire valoir, en contant avec intérêt, avec mystère, et comme une anecdote de la veille ce qui s'était passé il y avait soixante ans. Il savait la musique et chantait agréablement de sa voix d'homme : enfin il avait beaucoup de jolis talents pour un magistrat. À force de cajoler les dames d'Annecy, il s'était mis à la mode parmi elles ; elles l'avaient à leur suite comme un petit sapajou. Il prétendait même à des bonnes fortunes, et cela les amusait beaucoup. Une Mme d'Épagny disait que pour lui la dernière faveur était de baiser une femme au genou. Comme il connaissait les bons livres et qu'il en parlait volontiers, sa conversation était non seulement amusante, mais instructive. Dans la suite, lorsque j'eus pris du goût pour l'étude, je cultivai sa connaissance, et je m'en trouvai très bien. J'allais quelquefois le voir de Chambéry, où j'étais alors. Il louait, animait mon émulation, et me donnait pour mes lectures de bons avis, dont j'ai souvent fait mon profit. Malheureusement dans ce corps si fluet logeait une âme très sensible. Quelques années après, il eut je ne sais quelle mauvaise affaire qui le chagrina, et il en mourut. Ce fut dommage ; c'était assurément un bon petit homme, dont on commençait par rire, et qu'on froissait par aimer. Quoique sa vie ait été peu liée à la mienne, comme j'ai reçu de lui des leçons utiles, j'ai cru pouvoir, par reconnaissance, lui consacrer un petit souvenir.« Enjeu : Pourquoi Rousseau a-t-il accordé tant d'importance à ce personnage somme toute secondaire ? Situation : À son retour de Lyon, Rousseau ne trouve pas Mme de Warens, partie en mission secrète. Heureusement, le musicien Venture lui offre son hospitalité et le met en relation avec le juge Simon, un autre personnage singulier et brillant de la société d'Annecy qu'il fréquenta par la suite. Après avoir fait un portrait physique caricatural et humoristique à la manière de La Bruyère, voici son portrait moral.
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