Portrait de Mme de Sévigné (à la manière de La Bruyère)
Publié le 16/02/2012
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«La femme n'a point d'âme«, décide un philosophe, tandis que cet autre m'entretient gravement de l'impotentia mulieribus. Célibataire endurci, je me constitue l'avocat du sexe calomnié. Je tracerai pour les siècles le portrait véridique d'une femme qui honore toute l'humaine espèce. En elle cohabitent le charme féminin en ce qu'il a de plus exquis et le sérieux viril en ce qu'il a de plus solide.
Epistola possède un fond de raison et de bonté qui la fait estimer et chérir, et la range, d'emblée, parmi les plus rares esprits èt les plus nobles coeurs de ce temps....
«
ceux qui l'approchent.
Joie saine, gaiete irreprehensible.
En vain Ia medi-
sance et la calomnie ont-elles repandu sur elle leur venin; sa reputation
en est sortie sans tache.
Je ne lui sais qu'une faiblesse, des plus louables, mais capable de la
rendre parfois injuste.
C'est une tendresse passionnee, exclusive, farouche pour sa fille.
Certes son affection ne peut etre mieux placee, mais elle tient
un pen de cet amour a qui la fable met un bandeau sur les yeux.
Epistola
ne tolere pas que l'on decouvre le moindre &Mut, la plus petite imper-
fection a celle que - non sans raison - elle estime « la plus belle fine de France >>.
Un mot malveillant, une ombre de critique effleurent-ils la gloire
de l'enfant, aussitot la mere cesse de faire patte de velours, griffe an sang,
et cette personne si moderee perd toute mesure.
Certain docteur de sa
connaissance ose taxer ce culte d'idolatrie.
A-t-on loue, au contraire, l'objet de cette devotion, c'est un &Mice d'en-
tendre la pike maternelle celebrer les vertus, les merites filiaux.
Etrange
contraste a ses chanties effusions ne repond qu'une inexplicable froideur.
Polyphile a ose parler, en l'une de ses Fables, de cette inconcevable « indif-
ference J'y vois un effet de la toute misericordieuse Providence, dont
Epistola entretient volontiers ses intimes.
Elle a menage a la coupable un
purgatoire.
terrestre pour lui eviler l'autre; elle venge des ici-bas le Dieu
jaloux qui a commando : « Tu n'adoreras que Moi seul.
Mais quels miracles n'a point engendres cet ardent amour! Maintes fois
it a ravi Epistola, si Parisienne, a la Cour et it la Ville.
De cette citadine,
it a fait une Bretonne.
Dans son castel armoricain, it force d'economies et
de sage administration, Ia mere a repare les breches d'une fortune menacee
par les prodigalites...
presque obligatoires de la Rile.
Heureuse faute! serais-je
tente de repeter apres saint Augustin, qui revels an monde une telle habi-
lete, un tel sens des affaires chez une personne que rien ne semblait avoir
preparee a semblable gestion!
Sous les coups du sort, elle n'a point flechi.
Toujours au-dessus des sur-
prises du destin, elle accueille les evenements avec un sourire tranquille,
ne d'une conscience nette plus que d'une orgueilleuse philosophie.
Aux
plus mauvais jours, jamais son entourage ne Ia vit de sombre humeur; elle
semble la joie incarnee, sait rire de sa misere meme, et plaisanter avec qui
Ia fait pleurer.
Ame admirable d'equilibre et, je le redis, ame virile, sus-
ceptible de confondre les glorieux du pretendu sexe fort.
Epistola, vous vous en doutiez, ecrit des lettres.
Ses correspondants les
proclament « divines »; sans hyperbole, je les tiens pour « delicieuses
Il en est que l'on connait - trop peu nombreuses a notre appall -; it en
est que lira la posterite - et qui nous rendent jaloux de nos arriere-neveux.
Ses cousins, ses amis n'ont pas cru devoir nous cacher ces joyaux; sa fine
en a montre quelques-uns seulement, a un cercle trop restreint, la-bas, dans
sa vice-royaute meridionale.
C'est une maniere unique de dire les chosen, de prolonger ces conver-
sations oil elle n'a point de rivale.
Nous courons, pauvres apprentis, apres
le mot juste, ('expression pittoresque, le tour plaisant, sans pouvoir toujours les attraper.
Its accourent d'eux-memes se ranger sous la plume d'Epistola.
Sitot daigne ecrire, elle laisse loin derriere elle les hommes qui
passaient maitres dans ce genre : les Balzac et les Voiture.
Don admirable,
ceux qui l'approchent.
Joie saine, gaieté irrépréhensible. En vain la médi
sance et la calomnie ont-elles répandu sur elle leur venin; sa réputation
en est sortie sans tache.
Je ne lui sais qu'une faiblesse, des plus louables, mais capable de la
rendre parfois injuste.
C'est une tendresse passionnée, exclusive, farouche
pour sa fille.
Certes son affection ne peut être mieux placée, mais elle tient
un peu de cet amour à qui la fable met un bandeau sur les yeux.
Epistola
ne
tolère pas que l'on découvre le moindre défaut, la plus petite imper
fection à celle que — non sans raison — elle estime « la plus belle fille de
France ».
Un mot malveillant, une ombre de critique efïleurent-ils la gloire
de l'enfant,
aussitôt la mère cesse de faire patte de velours, griffe au sang,
et
cette personne si modérée perd toute mesure. Certain docteur de sa
connaissance ose taxer ce culte
d'idolâtrie.
A-t-on loué, au contraire, l'objet de cette dévotion, c'est un délice d'en
tendre la
piété maternelle célébrer les vertus, les mérites filiaux.
Etrange
contraste : à ses chaudes effusions ne
répond qu'une inexplicable froideur.
Polyphile a osé
parler, en l'une de ses Fables, de cette inconcevable « indif
férence». J'y vois un effet de la toute miséricordieuse Providence, dont
Epistola entretient volontiers ses intimes.
Elle a ménagé à la coupable un
purgatoire, terrestre pour lui éviter l'autre; elle venge dès ici-bas le Dieu
jaloux qui a commandé : « Tu n'adoreras que Moi seul.
»
Mais quels miracles n'a point engendrés cet ardent amour! Maintes fois
il a ravi Epistola, si Parisienne, à la Cour et à la Ville. De cette citadine,
il a fait une Bretonne.
Dans son castel armoricain, à force d'économies et
de
sage administration, la mère a réparé les brèches d'une fortune menacée
par
les prodigalités... presque obligatoires de la fille.
Heureuse faute! serais-je
tenté de répéter après saint Augustin, qui révéla au monde une telle habi
leté, un tel sens des affaires chez une personne que rien ne semblait avoir
préparée à semblable gestion!
Sous les coups du sort, elle n'a point
fléchi. Toujours au-dessus des sur
prises du destin, elle accueille les événements avec un sourire tranquille,
né d'une conscience nette plus que d'une orgueilleuse philosophie.
Aux
plus mauvais
jours, jamais son entourage ne la vit de sombre humeur; elle
semble la joie
incarnée, sait rire de sa misère même, et plaisanter avec qui
la fait pleurer.
Ame admirable d'équilibre et, je le redis, âme virile, sus
ceptible de confondre les glorieux du
prétendu sexe fort.
Epistola, vous vous en doutiez,
écrit des lettres.
Ses correspondants les
proclament
«divines»; sans hyperbole, je les tiens pour «délicieuses».
Il en est que l'on connaît — trop peu nombreuses à notre appétit —; il en
est que
lira la postérité — et qui nous rendent jaloux de nos arrière-neveux.
Ses cousins, ses amis n'ont pas cru devoir nous cacher ces joyaux; sa fille
en a
montré quelques-uns seulement, à un cercle trop restreint, là-bas, dans
sa vice-royauté méridionale.
C'est une manière unique de dire les choses, de prolonger ces conver
sations où elle n'a point de rivale.
Nous courons, pauvres apprentis,
après
le mot juste, l'expression pittoresque, le tour plaisant, sans pouvoir toujours les attraper.
Ils accourent
d'eux-mêmes se ranger sous la plume d'Epistola.
Sitôt qu'elle daigne écrire, elle laisse loin derrière elle les hommes qui
passaient
maîtres dans ce genre : les Balzac et les Voiture.
Don admirable,.
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