portrait de "Gnathon", La Bruyère, Les Caractères
Publié le 30/10/2014
Extrait du document
«
implicitement et très ironiquement l'incise suivante : « dans toute autre, si on veut l'en croire, il pâlit
et tombe en faiblesse ».
Ainsi, le personnage n'a aucun scrupule à s'octroyer ce qu'il y a de mieux et
à mépriser tous ceux qui l'entourent, ne songeant qu'à son intérêt propre.
Il révèle par là même un
repli essentiel sur lui-même.
II) Un être égocentrique
1) L'égocentrisme
Le comportement sans gêne et répugnant de Gnathon trouve son origine dans un égocentrisme
profond.
Le portrait de La Bruyère met clairement en valeur ce trait en répétant comme un leitmotiv
lancinant le pronom personnel sujet « il » par lequel s'ouvrent, de façon anaphorique, quasiment
toutes les phrases du texte : « Il ne se sert à table que de ses mains », « Il ne leur épargne aucune de
ces malpropretés », « Il mange haut », et les déterminants possessifs qui sont également très
nombreux : « son propre », « ses restes », « sa chambre ».
Dans bon nombre de phrases, il n'est
question que de lui, il est le seul être humain évoqué.
En outre, le texte est construit sur un réseau
d'oppositions qui soulignent le contraste entre Gnathon et les autres.
Le singulier du personnage
s'oppose au pluriel, aux « conviés », aux « autres », à « tous les hommes ».
Le début du texte
comporte ainsi deux antithèses successives mettant en évidence d'emblée l'égocentrisme du
personnage : « tous les hommes sont à son égard comme s'ils n'étaient point », « il occupe lui seul
celle [la place] de deux autres ».
Gnathon se distingue donc en permanence des autres, il ne songe
qu'à lui, ne vit que pour lui et reste profondément indifférent au sort d'autrui.
2) L'indifférence à autrui
L'égocentrisme de Gnathon le conduit à ignorer les intérêts des autres.
Le texte s'ouvre et se clôt sur
des négations restrictives à cet égard très significatives et révélant bien le solipsisme du
personnage : « Gnathon ne vit que pour soi », il « ne connaît de maux que les siens », «
n'appréhende que la sienne [mort] ».
La présence des autres, leur importance et leur existence
mêmes finissent par être niées par Gnathon.
La mention des autres s'accompagne souvent de l'usage
de négations, en particulier dans la dernière phrase qui présente une énumération de verbes niés : il
« ne se contraint pour personne, ne plaint personne, […] ne pleure point la mort des autres ».
D'ailleurs, cette dernière phrase est construite sur une gradation : La Bruyère commence par
affirmer que Gnathon se moque de gêner les autres pour finir par remarquer que non seulement il ne
se soucie pas de la mort des autres, mais même qu'il « n'appréhende que la sienne, qu'il rachèterait
volontiers de l'extinction du genre humain ».
L'hyperbole, particulièrement choquante, fait ici écho
au tout début du texte qui déjà niait l'existence des autres, « comme s'ils n'étaient point ».
La boucle
semble bouclée, le portrait est définitivement centré sur un unique personnage, à l'exclusion de tout
autre, comme pour bien symboliser l'égocentrisme absolu d'un être qui ne se préoccupe que de lui.
Le moraliste livre ici une satire particulièrement vive de ce genre d'individu.
III) Un portrait charge
1) Une caricature
Le moraliste est absent de son texte, il ne prend jamais directement la parole en son nom et se
contente d'utiliser parfois le pronom personnel indéfini « on », comme dans « on le suit à trace ».
Cependant, sa critique de Gnathon n'en reste pas moins une satire acerbe.
Souvent le portrait tombe
dans la caricature.
Les accumulations de verbes mais aussi les nombreux pluriels et indéfinis à
valeur généralisante, en particulier avec la répétition de tous ou tout : « tous les hommes », «
essayer de tous », « il voudrait pouvoir les savoir tous », « tout à la fois » visent à accentuer la
critique de Gnathon en exagérant les défauts de son caractère et en leur donnant une dimension.
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