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PONGE : L'HUITRE - LECTURE ANALYTIQUE

Publié le 25/05/2012

Extrait du document

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Durant la seconde guerre mondiale, l’homme se trouve au centre de deux territoires poétiques : la résistance politique et le surréalisme. En marge de ces orientations dominantes, Francis Ponge  (1899-1988) publie en 1942 Le Parti-pris des choses, un recueil de poèmes en prose qu’il consacre aux objets familiers qui nous entourent (Le Pain, Le cageot, ou encore Le Savon) , poèmes où la subjectivité doit s’effacer au profit d’une description précise et rigoureuse.

L’Huître est l’un de ces modestes objets et Ponge s’attache à décrire le coquillage et l’opération difficile qu’est son ouverture.

Dans un premier temps, on verra comment le poème tente de saisir l’huître dans sa réalité objective mais comment, face à la résistance de l’huître (qui ne se laisse ni facilement ouvrir, ni simplement décrire) le poète est amené à inventer une écriture qui s’adapte à l’objet.

Dans un second temps, on s’attachera à montrer que le poème est une allégorie de l’expérience poétique (écriture et lecture confondue). 

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« chiasme avec sa construction en miroir reproduit dans le langage la clôture de l’huître) et pour l’huître marquent son enveloppe .

Pourtant une lecture de L’Huître à l’aune d’un document scientifique permettrait de constater tous les écarts entre ce genre de texte et celui de Ponge.

Seuls les termes de nacre et de perle relèvent du lexique scientif ique, le recours aux métaphores témoigne lui de la subjectivité du regard : d’abord, celle du monde / firmament renforcée par celle des halos (au sens premier, auréoles lumineuses autour des planètes) opère un changement d’échelle, puis , celle de la mare ramène le monde à un « village » tandis que la dentelle rapproche l’huître de l’univers humain.

Il devient évident que L’Huître résiste au projet d’observation objective et suppose une représentation subjective.

Une représentation subjective : le regard du poète De très nombreuses et paradoxales modalisations entre méfiance et attirance affectent la description et participent à la subjectivité du regard.

Si l’objet huître a la forme d’un galet, les termes de la comparaison montrent qu’il n’en a pas les qualités : l’apparence plus rugueuse annonce d’emblée sa résistance (marquée par les allitérations en - g- et –r - des trois premiers segments de la phrase 1) , la couleur moins unie va dans le sens d’un objet moins lisible, l’oxymore brillamment blan châtre (soutenu par l’allitération et l’assonance qui souligne la ressemblance des deux mots juxtaposés comme les deux valves de la coquille ) induit la même difficulté à l’appréhender.

La récurrence du suffixe péjoratif –âtre (qui n’est certes pas fortuite : elle souligne l’imprécision du jugement) , l’emploi de s’affaisser dont la connotation est négative, la métaphore de la mare qui flue et reflue comme animée de sa propre (mais malodorante et insalubre) vie microscopique contribue à faire de l’huître un objet si non dégoûtant sachet visqueux , au moins douteux.

La sécheresse de la sentence C’est un monde opiniâtrement c los.

dresse un constat négatif puisque l’adverbe souligne l’intention de l’huître ainsi personnifiée de rester hors d’atteinte : seul le recours à la force les coups permettra d’y accéder.

Pourtant, la métaphore valorisante du firmament de nacre qui transfigure l’intérieur de la coquille témoigne bien de l’attirance du poète pour l’objet : filée par les cieux d’en -dessus et les cieux d’en -dessous , la métaphore lui donne une dimension cosmique et lumineuse déjà induite par brillamment et halos.

On peut aussi observer combien le texte hésite entre différentes formes d’écriture comme si aucune n’était satisfaisante à dire l’huître.

Si le titre et le premier § semblaient nous l’avons vu inscrire le texte dans une visée descriptive et objective, le deuxième paragraphe marque un net changement : le poète choisit dès lors la représentation subjectiv e et invite son lecteur à la partager .

D’abord, à boire et à manger modifie le rapport énonciateur/destinataire en détournant avec humour le sens populaire et figuré de l’expression pour l a r etrouver dans son sens propre.

Puis a vec l’italique de firmament et la parenthèse (à proprement parler) il s’adresse à son lecteur et à sa culture (étymologiquement « firmamentum » signifie « fermé », qui rappelle clos mais désigne aussi « ce qui soutient » : la voûte étoilée pour les astronomes de l’antiquité pour qui le ciel était solide et retenait un vaste océan dont la G enèse nous dit qu’il se dévers a lorsque la voûte fut rompue ).

Ainsi le poète signale l’emploi inhabituel du mot et invit e son lecteur à relire L’huître comme un poème pour voir se dérouler la métaphore filée de l’huître comme un microcosme : de C’est un monde ( souligné par le présentatif) à tout un monde puis à firmament et enfin cieux.

La dimension poétique est désormais flagrante.

Mais de sublime et céleste, l’huître se métamorphose à nouveau et semble se dégrade r dans la deuxième partie de la phrase ce que signale la négation restrictive ne plus former que : Comme Baudelaire ( La Charogne ) , Ponge revendique le pouvoir de la poésie à transformer les objets les plus humbles mare, sachet voire les plus répugnants visqueux et verdâtre en sujets poétiques.

En effet, le travail du poète devient manifeste lorsqu’il convoque en appelant tous les sens du lecteur (vue, odorat, à l’évidence mais aussi toucher dentelle et bords , goût grâce à la viscosité) l’image d’un paysage maritime .

L e rythme. »

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