Plaisir de l'aube. Colette, Sido.
Publié le 22/02/2012
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Plaisir de l'aube. Colette, Sido. J'aimais tant l'aube, déjà, que ma mère me l'accordait en récompense. J'obtenais qu'elle m'éveillât à trois heures et demie, et je m'en allais, un panier vide à chaque bras, vers des terres maraîchères qui se réfugiaient dans le pli étroit de la rivière, vers les fraises, les cassis et les groseilles barbues. A trois heures et demie, tout dormait dans un bleu originel, humide et confus, et quand je descendais le chemin de sable, le brouillard retenu par son poids baignait d'abord mes jambes, puis mon petit torse bien fait, atteignait mes lèvres, mes oreilles et mes narines plus sensibles que tout le reste de mon corps... C'est sur ce chemin c'est à cette heure que je prenais conscience de mon prix, d'un état de grâce indicible et de ma connivence avec le premier souffle accouru, le premier oiseau, le soleil encore ovale, déformé par son éclosion... Ma mère me laissait partir, après m'avoir nommée « Beauté, Joyau-tout-en-or « ; elle regardait courir et décroître sur la pente son œuvre, « chef-d'œuvre «, disait-elle... Je revenais à la cloche de la première messe. Mais pas avant d'avoir mangé mon saoul, pas avant d'avoir, dans les bois, décrit un grand circuit de chien qui chasse seul, et goûté l'eau de deux sources perdues, que je révérais. L'une se haussait hors de la terre par une convulsion cristalline, une sorte de sanglot, et traçait elle-même son lit sableux. Elle se décourageait aussitôt née et replongeait sous la terre. L'autre source, presque invisible, froissait l'herbe comme un serpent, s'étalait secrète au centre d'un pré où des narcisses, fleuris en ronde, attestaient seuls sa présence. La première avait goût de feuille de chêne, la seconde de fer et de tige de jacinthe... Rien qu'à parler d'elles, je souhaite que leur saveur m'emplisse la bouche au moment de tout finir, et que j'emporte, avec moi, cette gorgée imaginaire. Colette, Sido. SUJET Vous ferez de ce texte un commentaire composé en montrant ce qui fait le charme des souvenirs évoqués par COLETTE et comment le style de l'auteur contribue à leur expression sincère et personnelle.
« — qui veut le monde à elle ; — qui tâche à posséder le « commencement du commencement » : « le pâle souffle qui naît avant le lever du soleil » la primeur du jour, la primeur de ses couleurs, de son haleine, de son contact (ici la brume humide), la primeur de ses fruits, la primeurde ses fleurs, la primeur de ses sources. — et parallèlement à l'éveil matinal : l'éveil de son jeune corps. Impression d'avidité, d'abandon total à la sensation. Caractère presque irrésistible de la sensation et de son empire sur son être. Elle « renaît neuve chaque matin », avec « La naissance du jour ». Deuxième thème Aptitude exceptionnelle à traduire sa sensibilité et à transfigurer le réel. Donc: éternelle fraîcheur de cette sensation qui n'hésite devant aucun aspect, même élémentaire, des sens. Or, elle est exprimée dans un « style insurpassable, en bouffées de poésie » (Brunei). Images neuves. Termes minutieux et mots qui « ressuscitent » les présences invisibles naturelles. Prose souple, en rapport direct avec sa sensibilité. Paragraphes et phrases sont ponctués par des effets : — de rythmes, — de syllabes (tantôt aigres, aériennes, tantôt lentes, épaisses), — d'allitérations et harmonies imitatives fréquentes, — de sonorités « complexes et fourrées » ou acidulées, fraîches, vivifiantes. Le rythme traduit l'animation joyeuse de la vie et une sensibilité double : celle qui atteint instinctivement la vie àsa source, et celle qui la retrouve dans le souvenir de ce qu'il a été au cours de l'enfance (complexité de sentimentsqui ne peuvent plus être ceux de l'animal). Jeu des membres de phrases, des expressions contrastées, des mouvements. Variété et souplesse expressive ou suggestive. Notations précises qui découvrent un sens de l'observation passionnée. Remarques pénétrantes, mais aussi tout en finesse. On a dit de son style qu'il est « avant tout concret et comme incarné ». Conclusion Page caractéristique de la sensibilité de Colette et de l'art qui en est la parfaite expression. Intérêt passionné porté par l'auteur aux choses de la terre les plus humbles. Amour intense pour ce qui vit (comparaison avec d'autres livres de Colette). « L'âme féminine » sans doute, mais surtout une grande humaniste. Elle a recherché et obtenu sagesse naturelle et équilibre, selon la leçon de Sido. Même attitude que Montaigne, que Sido lui avait fait tant aimer.. »
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