PIERRE ET JEAN Chapitre 1 (Maupassant) : Une entrée dérobée - LECTURE ANALYTIQUE
Publié le 07/01/2012
Extrait du document
« — Zut ! s’écria tout à coup le père Roland qui depuis un quart d’heure demeurait immobile, les yeux fixés sur l’eau, et soulevant par moments, d’un mouvement très léger, sa ligne descendue au fond de la mer.
Mme Roland, assoupie à l’arrière du bateau, à côté de Mme Rosémilly invitée à cette partie de pêche, se réveilla, et tournant la tête vers son mari :
— Eh bien !… eh bien !… Gérôme !
Le bonhomme furieux répondit :
— Ça ne mord plus du tout. Depuis midi je n’ai rien pris. On ne devrait jamais pêcher qu’entre hommes ; les femmes vous font embarquer toujours trop tard.
Ses deux fils, Pierre et Jean, qui tenaient, l’un à bâbord, l’autre à tribord, chacun une ligne enroulée à l’index, se mirent à rire en même temps et Jean répondit :
— Tu n’es pas galant pour notre invitée, papa.
M. Roland fut confus et s’excusa :
— Je vous demande pardon, madame Rosémilly, je suis comme ça. J’invite des dames parce que j’aime me trouver avec elles, et puis, dès que je sens de l’eau sous moi, je ne pense plus qu’au poisson.
Mme Roland s’était tout à fait réveillée et regardait d’un air attendri le large horizon de falaises et de mer. Elle murmura :
— Vous avez cependant fait une belle pêche.
Mais son mari remuait la tête pour dire non, tout en jetant un coup d’œil bienveillant sur le panier où le poisson capturé par les trois hommes palpitait vaguement encore, avec un bruit doux d’écailles gluantes et de nageoires soulevées, d’efforts impuissants et mous, et de bâillements dans l’air mortel.
Le père Roland saisit la manne entre ses genoux, la pencha, fit couler jusqu’au bord le flot d’argent des bêtes pour voir celles du fond, et leur palpitation d’agonie s’accentua, et l’odeur forte de leur corps, une saine puanteur de marée, monta du ventre plein de la corbeille.
Le vieux pêcheur la huma vivement, comme on sent des roses, et déclara :
— Cristi ! ils sont frais, ceux-là !
Puis il continua :
— Combien en as-tu pris, toi, docteur ?
Son fils aîné, Pierre, un homme de trente ans à favoris noirs coupés comme ceux des magistrats, moustaches et menton rasés, répondit :
— Oh ! pas grand’chose, trois ou quatre.
Le père se tourna vers le cadet :
— Et toi, Jean ?
Jean, un grand garçon blond, très barbu, beaucoup plus jeune que son frère, sourit et murmura :
— A peu près comme Pierre, quatre ou cinq.
Ils faisaient, chaque fois, le même mensonge qui ravissait le père Roland.
Il avait enroulé son fil au tolet d’un aviron, et croisant ses bras il annonça :
— Je n’essayerai plus jamais de pêcher l’après-midi. Une fois dix heures passées, c’est fini. Il ne mord plus, le gredin, il fait la sieste au soleil.
Le bonhomme regardait la mer autour de lui avec un air satisfait de propriétaire. «
Quelles indication de temps et de lieu permettent de savoir où et quand se déroule le début de cette histoire ? Ces caractéristiques sont-elles celles que l’on peut attendre d’un récit réaliste ? Pourquoi ?
Répertoriez tous les personnages présents dans ces premières pages et représentez sous la forme d’un tableau ou d’un schéma les relations qui les unissent. Que peut-on en conclure concernant l’univers dans lequel cette histoire va se dérouler ? Complétez le travail précédent par le portrait de chacun des personnages tel que nous pouvons le connaître d’après ces premières pages. Par quels procédés s’effectue leur individualisation ?
«
LECTURE ANALYTIQUE DE L’EXTRAIT
I.
LE DEBUT DE L’HISTOIRE
Défi nir l’espace et le temps du récit
1.
Quelles indication de temps et de lieu permettent de savoir où et quand se déroule le début de
cette histoire ?
2.
Ces caractéristiques sont -elles celles que l’on peut attendre d’un récit réaliste ? Pourquoi ?
Présenter les personnages
3.
Répertoriez tous les personnages présents dans ces premières pages et représentez sous la forme
d’un tableau ou d’un schéma les relations qui les unissent.
Que peut -on en conclure concernant
l’univers dans lequel cette histoire va se dérouler ?
4.
Complétez le travail précédent par le portrait de chacun des personnages tel que nous pouvons le
connaître d’après ces premières pages.
Par quels procédés s’effectue leur individualisation ?
5.
Sur quel personnage ces premières pages sont -elles centrées ? Est-ce conforme à ce que laisse
supposer le titre du roman ? Quel est l’effet produit par cette stratégie ?
Préparer l’intrigue
6.
Quelles sont les actions des personnages mises en scène dans ce passage ?
7.
A quels signes peut -on reconnaître la présence d’un con flit larvé dans cette ouverture de roman ?
8.
De quels indices dispose t -on pour envisager la suite de l’histoire ?
II.
UN MOTIF MAJEUR : LA MER
Fonction narrative
9.
Sous quels aspects la mer apparaît -elle dans ce passage ? Dans quelle mesure peut -on dire qu’ell e
joue ici le rôle d’un personnage ?
10.
En quoi la vision qu’ont respectivement M.
et Mme Roland de la mer complète t -elle leur portrait ?
Fonction esthétique
11.
Relevez dans ce passage des expressions caractéristiques d’une vision réaliste du monde de la
mer.
12.
« leur palpitation d’agonie », « une saine puanteur de marée» : comment ces expressions sont -elles
composées ? Relèvent-elles du registre réaliste ? Pourquoi ?
Fonction symboli que
13.
Que peut signifier cette pêche infructueuse pour le romancier en quête d’u n début de roman ?
14.
Que peut représenter la barque de Roland pour le lecteur au seuil de la lecture ?
III.
DE L’AUTEUR AU LECTEUR
Déceler la présence du narrateur et identifier son point de vue
15.
Selon quelles modalités la narration est -elle conduite dans ces p ages ? Ces procédés rendent -ils
aisément perceptible la présence du narrateur ? Pourquoi ?
16.
Dans la dernière phrase du passage, quel est le point de vue du narrateur sur le personnage de
Roland ? Relevez d’autres indices de ce point de vue dans l’ensemble d u texte.
Anticiper la suite du récit
17.
Quelles sont les informations dont le lecteur dispose au terme de ce passage ? Quelles sont celles
qui manquent ?
18.
A l’issue de ces pages, qu’est ce que le lecteur est en droit d’attendre à propos de ses
personnages ? d e l’action ?.
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