Phèdre: C’est Vénus tout entière à sa proie attachée. Jean Racine
Publié le 19/03/2020
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«Vaines précautions! Cruelle destinée!
Par mon époux lui-même à Trézène amenée, J’ai revu l’ennemi que j’avais éloigné : Ma blessure trop vive aussitôt a saigné. Ce n’est plus une ardeur dans mes veines cachée : C’est Vénus tout entière à sa proie attachée. »
(acte I, scène 3, v. 301-306)
« Athènes me montra mon superbe ennemi : Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue; Un trouble s’éleva dans mon âme éperdue; Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler; Je sentis tout mon corps et transir et brûler; Je reconnus Vénus et ses feux redoutables, D’un sang qu’elle poursuit tourments inévitables. »
(v. 272-278)
«J’ai pris, j’ai fait couler dans mes brûlantes veines Un poison que Médée apporta dans Athènes. Déjà jusqu’à mon cœur le venin parvenu Dans ce cœur expirant jette un froid inconnu; Déjà je ne vois plus qu’à travers un nuage Et le ciel et l’époux que ma présence outrage... »
(acte V, scène 7, v. 1637-1642)
« Misérable ! et je vis ! et je soutiens la vue De ce sacré soleil dont je suis descendue ! J’ai pour aïeul le père et le maître des dieux; Le ciel, tout l’univers est plein de mes aïeux; Où me cacher? Fuyons dans la nuit infernale. Mais que dis-je? mon père y tient l’urne fatale; Le sort, dit-on, l’a mise en ses sévères mains; Minos juge aux enfers tous les pâles humains. »
. (v. 1273-1280)

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~
17 • FATALITÉ (et amour) / .127
de sa passion adultère et incestueuse pour Hippolyte, le
fils de son époux, Thésée.
Dans cette scène 3 de l'acte I, où Phèdre paraît sur scène
pour la première fois, c'est sur les instances de la nourrice
et confidente, Œnone, qu'elle consent
à livrer un aveu dont
elle n'attend rien
qu'un soulagement préludant à la mort.
Au demeurant, Phèdre analyse avec une lucidité aiguë
la progression de son mal.
Celu_i-ci se déclare au moment
où, rencontrant Hippolyte, fils de Thésée
et, de ce fait,
son beau-fils, peu après son mariage, elle a ressenti,
comme un coup de foudre, les premières atteintes de la
passion : la seule vue d'Hippolyte provoque immédiate
ment un désordre physique et en même temps spirituel
que l'intéressée s'explique immanquablement comme l'in
dice de la vengeance de
Vénus:
« Athènes me montra mon superbe ennemi :
Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue; Un trouble s'éleva dans mon âme éperdue;
Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler;
Je sentis tout mon corps et transir et brûler;
Je reconnus Vénus et ses feux redoutables,
D'un sang qu'elle poursuit tourments inévitables.»
(v.
272-278)
Phèdre passe ensuite en revue les moyens tactiques dont
elle a fait usage
pour juguler les progrès de son mal, à
savoir le culte rendu à Vénus, supposé neutraliser la ven
geance, et les mesures prises
à l'encontre d'Hippolyte et
destinées
à l'éloigner.
Mais en vain: de retour à Trézène,
elle rencontre Hippolyte exilé, s'enflamme de nouveau.
Le mal s'est aggravé à tel point que Phèdre n'envisage
plus d'autre issue que
la mort.
Corps et âme, Phèdre se
voit persécutée
par la violence destructrice de Vénus.
Elle
sait d'ores et déjà qu'elle est condamnée, que son
« incu
rable amour» (v.
283) doit demeurer sans espoir;
et pour
tant Phèdre osera faire l'aveu de sa passion à Hippolyte
et
ne se départira plus d'un sentiment de culpabilité qui, de
façon paradoxale, laisserait supposer que la fatalité amou
reuse incarnée
par Vénus laisse intacte une bonne part de
responsabilité..
»
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