Peut-on attribuer le terme « vie immédiate » à Arthur Rimbaud ?

« Le sonnet Au cabaret vert évoque un instant agréable éprouvé dans un lieu populaire.

Un simple encas au jambon beurré semble ravir le poète et même l'inspirer. On a l’impression de lire le journal de l’auteur.

Ainsi, Rimbaud métamorphose une réalité banale et sans grand intérêt en un véritable tableau éclatant de couleur et de vie. Dans A la musique , le poète relate une après-midi passée dans un parc, à écouter l’orchestre militaire.

Les innombrables descriptions des personnes qui l’entourent fond du poème un véritable tableau.

De plus, Rimbaud cherche à transmettre le bruit de fond qui émane du lieu ; les uns rient, les autres discutent, les tambours chantent, etc . En revanche, lui, « ne [dit] pas un mot », ce qui le conforte dans sa position de spectateur.

De plus, le poème commence par une indication de lieu : « Place de la Gare, Charleville ».

Ce détail permet de figer la scène, comme une photographie.

On retrouve la même impression d’instantanéité dans Le dormeur du val , Sensation , Ma bohème et Les effarés , par exemple. En revanche, dans d’autres œuvres, on note un véritable travail de réflexion de la part du poète.

Par exemple, le poème Voyelle est un quatrain dans lequel Rimbaud associe à chaque voyelle une couleur et une forme arbitraire.

Il use de nombreux procédés stylistiques comme la personnification : la lettre A est vêtue d’un corset noir, etc .

La richesse des images se prête à de nombreuses interprétations.

Dans la « Lettre du Voyant » datant de 1871 et adressée à son ami Paul Demeny, l’auteur exprime son désir de renouveler la langue poétique – volonté manifeste dans Voyelle .

On rencontre un travail de recherche considérable d ans le poème Soleil et Chair .

Ce poème se construit sous la forme d’un roman, avec des chapitres.

Il est parsemé de références mythologiques et de métaphores : « la terre est nubile » ; « des satyres lascifs, des faunes animaux » ; « l’or de ses larges seins » ; « sur son char d’or bordé de noirs raisins ».

Toutes ces images et procédés stylistiques mettent en évidence le travail de recherche intellectuel de l’auteur.

On remarque également la richesse du langage. Parmi ces poèmes, bien loin du journal ou de la photographie, on peut également citer Les étrennes de orphelins, Roman , Ce qu’on dit au poète à propos de fleurs , et Le bateau ivre .

Pour ma part, le terme « vie immédiate » qu’a attribué Paul Eluard à Rimbaud ne lui correspond pas.

En effet, malgré la brièveté de sa vie et ses nombreux poèmes à caractère « immédiat », une grande partie des œuvres du poète témoignent d’une sensibilité, d’une patience et d’une capacité de recherche inouïs.

Personnellement, je qualifierais sa vie d’excessive et brève mais passionnée. MAVAREZ-PORTELL Camille 203. »