PERRAULT Charles : sa vie et son oeuvre
Publié le 27/11/2018
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«
tré
convaincu de la supériorité de son époque ne contri
bue pas peu au charme tout-puissant de ces petits
écrits.
Au service du grand roi
Charles Perrault et ses frères appartiennent à une
famille de la bourgeoisie d'offices, imprégnée de jansé
nisme et fort unie par les goûts et les intérêts.
L'aîné,
Pierre (1608-1680), entretint sa famille grâce à une
importante charge de financier qu'il avait acquise.
Nico
las (1611-1661), théologien et docteur, fut exclu de la
Sorbonne pour avoir défendu Arnauld.
Claude (1613-
1688), médecin et architecte, assista Charles auprès de
Colbert.
L'Énéide burlesque (1648), les Murs de Troie ou
l'Origine du burlesque (1649), sont de premiers essais
dans le genre satirique (envers Mazarin et Je pe,uple pari
sien), fort irrespectueux (déjà) de l'Antiquité.
Elève bril
lant mais indépendant, Perrault est licencié en droit et
devient avocat en 1651.
Deux ans plus tard, devenu com
mis de son frère Pierre, il se fait remarquer par des
poésies galantes et des écrits précieux (Dialogue de
l'amour et de l'amitié, le Miroir ou la Métamorphose
d'Orante, éd.
1660); il flatte habilement Je roi et sa
Cour : en 1662, sa nomination au poste de secrétaire de
la Petite Académie en fait- pour vingt ans -Je préposé
au mécénat royal et au contrôle des œuvres littéraires et
artistiques en l'honneur du roi et du règne.
Contrôleur
général de la surintendance des Bâtirryents sous Colbert,
il s'efforce d'établir une tutelle d'Etat sur la culture
nationale : canalisation des projets artistiques par les
académies créées de 1663 à 1672; contrôle du travail de
l'Académie française, dont il est le secrétaire dès 1671;
surveillance des travaux à Versailles.
Sans être expert, il
exerce une très réelle influence sur les affaires
culturelles.
Mais 1' ascension de Louvois, 1' hostilité de Racine et
de Boileau, la mort de Colbert (1683) entraînent sa dis
grâce.
Il va dès lors militer sur le plan littéraire : en
joignant à l'éloge du roi 1' apologie du siècle, de ses
auteurs et artistes, jugés tous supérieurs aux « Anciens »,
son poème sur le Siècle de Louis le Grand (1687) déclen
che une querelle avec Boileau, qui ne cessera que sur
1' intervention d'Arnauld (1694 ).
Perrault développe ses
thèses dans les Parallèles des Anciens et des Modernes
(4 vol., 1688-1697), qu'il complète par des portraits : les
Hommes illustres qui ont paru en France pendant ce
siècle, avec leur portrait en nature ( 4 vol., 1696-1700).
Entre-temps, de Saint Paulin, évêque de Nole, épopée
chrétienne (1686), à Adam ou la Création de l'homme
(1697), il compose une œuvre pieuse, mais n'oublie pas
la Cour : Au roi sur la prise de Mons (1691); Au roi
Philippe V allant en Espagne (170 1).
En 1694 Perrault publie en recueil trois contes en
vers : « la Patience de Grisélidis, nouvelle»; «Peau
d'Âne»; «les Souhaits ridicules».
L'année suivante,
une réédition de ces textes sera précédée d'une impor
tante préface.
Puis, en 1697 paraissent, en prose cette
fois, mais avec des moralités en vers, les Histoires ou
Contes du temps passé, avec, en frontispice, « Contes de
ma mère l'Oye», dont l'auteur prétendu est le fils de
Perrault, PIERRE PERRAULT D' ARM ANCOU R (lequel est alors
âgé de dix ans).
La mode des contes est née dans les
salons précieux en 1685 -M11e Lhéritier,
parente de
Perrault, s'y adonne avec brio ( « A ventures de Finette
ou l'Adroite Princesse » ).
Mais les huit contes en prose
de Perrault («la Belle au bois dormant »; « le Petit Cha
peron rouge»; «la Barbe-bleue»; «le Maître-chat ou
le Chat-botté»; «les Fées»; «Cendrillon ou la Petite
Pantoufle de verre»; «Riquet à la houppe»; «le Petit
Poucet »), connaissent un succès sans égal.
En
1701, Charles Perrault entreprend la relation de sa
carrière politique dans ses Mémoires (publ.
posth.,
1755).
Il laisse à sa mort, survenue deux ans plus tard,
le souvenir d'un homme actif et agréable, mondain et
dévot, ayant des connaissances dans les arts et les scien
ces : un honnête homme aux yeux de qui son époque
était vraiment le Grand Siècle.
Le manifeste de l'esprit critique
L'opposition des trois personnages des Parallèles, où
un Président admirateur des Anciens dialogue avec un
Abbé partisan éloquent des « Modernes», soutenu par
un jeune et mondain Chevalier, illustre la division de
l'élite intellectuelle du royaume dans une querelle qui
met en question l'idéal classique, fondé sur le culte de
l'Antiquité : « Je vois les Anciens sans plier les
genoux ».
D'une part, avec Fontenelle, le Mercure
galant, les ,salons précieux, se rassemblent les promo
teurs d'un Etat moderne fondé sur le progrès des sciences
et des techniques; de l'autre, les défenseurs de la société
traditionnelle (aristocrates, haute magistrature, bour
geoisie janséniste).
Lié à l'administration de l'État louis
quatorzien, Perrault exprime une philosophie de l'his
toire où le progrès est la conséquence du « règne heureux
d'un excellent monarque».
Sa démonstration est impré
gnée de cartésianisme : la méthode qui permet «[d'Jar
ranger des preuves et des raisonnemens » remet en cause
le prestige de l'érudition; «le moindre homme d'esprit
et de bon sens [est] comparable à ces savants illustres et
mesme leur passeroit sur le ventre malgré tout le latin et
le grec dont ils sont hérissez» [ ...
) «il faut voir ce que
pensent naturellement les personnes de bon goust et bon
esprit>> .
L'esprit et le goût -chez Perrault, l'urbanité
et la politesse -trouvent leur sérieux dans le christia
nisme, car la Révélation a libéré l'humanité de la barba
rie et de la superstition.
D'où la supériorité du siècle dans
les divers domaines de l'activité humaine; il a l'avantage
fondamental de venir après : car Perrault récuse l'idée
d'une dégradation à l'œuvre dès l'origine.
la nature « en
tout temps fait les mesmes efforts >>.
Supériorité qui se
marque non seulement dans les sciences, les techniques
(les Parallèles s'achèvent symboliquement par un feu
d'artifice), mais aussi dans les arts : la Grèce ignorait la
polyphonie, Raphaël le clair-obscur, Virgile les règles
du poème épique ...
Cette réflexion a les limites de son temps : parler de
supériorité suppose une homogénéité des œuvres compa
rées, une norme abstraite et absolue du Beau; en cela,
Perrault participe bien de l'esthétique classique.
Néan
moins, il fait preuve d'un sens de l'histoire qui annonce
le siècle suivant; l'avancée du temps, mais aussi les
conditions économiques et politiques conditionnent
l'épanouissement d'une époque.
Perrault contribue à
élargir le gotlt classique, dont il ébranle les normes : ses
positions sur la traduction (il faut préférer à l'original le
texte traduit, car nous en comprenons mieux la démarche
et le sens), sa conception d'une histoire non éloquente
(il reproche à Tite-Live ses harangues) au nom de la
vérité sont révélatrices de cette crise qui secoue la
conscience classique : l'Abbé des Parallèles incarne cet
esprit nouveau, critique et individualiste, «plus riche de
ses propres pensées que de celle des autres ».
[Voir aussi
QUERELLE DES ANCIENS ET DES MODERNES].
tt La plus simple et la plus naïve
littérature du monde ,
Cette qualification par le père Bouhours de la littéra
ture française fait des contes le symbole d'un certain art
français.
Genre littéraire nouveau, leur statut est com
plexe, car ils relèvent à la fois d'une mode de salons,.
»
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