Pensez-vous que l'on puisse dire que dans les comédies du XVIIIe (18e) siècle, le valet soit acharné à lutter contre l'ordre social qui le tient dans la servitude et la médiocrité ?
Publié le 17/01/2022
Extrait du document
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Transition
Le valet lutte donc, dans les comédies du XVIIIe siècle, contre la position qui lui est attribuée par l'ordre social.
Iltente de s'affirmer, de dévoiler sa qualité.
Toutefois, cette revendication n'est pas adressée à la société touteentière, mais, en priorité à son entourage, à ses maîtres.
Peut-on, alors, considérer ces tentatives commel'expression d'une lutte plus générale ?
II.
Faut-il faire des valets des comédies du siècle des Lumières des porte-paroles des aspirations dupeuple ?
En fait, leur lutte n'est pas, à proprement parler, révolutionnaire.
Le valet ne s'érige pas en représentant detous les serviteurs ni du peuple dont il est issu.
Il lutte avant tout pour lui-même ; Figaro se bat pour défendreson honneur, son mariage, pas pour les autres domestiques du comte.
S'il fait des remarques générales, c'estsurtout le public qui les généralise.
Pour le personnage, elle sont toujours étroitement liées à sa situation dansla pièce.
Le valet lutte d'abord pour contester la place qui lui est faite par son maître, il semble souventrechercher davantage son amitié ou son affection que sa disparition.
Figaro voudrait être traité différemmentlors de son mariage parce qu'il pense être responsable du bonheur du comte et croit lui être lié par un passécommun ; Arlequin voudrait être mieux traité par Iphicrate, il finit par lui pardonner ses excès, attendantseulement plus d'humanité et de compréhension de sa part.
Le valet ne cherche jamais à prendre la place deson maître ; lorsqu'il change d'identité avec lui, il ne revendique aucune égalité, ne manifeste aucun désir deconserver ce statut social.
Suzanne reprend son rôle après s'être fait passer pour la comtesse à la fin duMariage de Figaro, Arlequin et Lisette redeviennent les serviteurs dévoués qu'ils ont toujours été audénouement du Jeu de l'amour et du hasard sans que l'ordre social en soit jamais ébranlé.
1.
De plus, le valet, dans les comédies du XVIIIe siècle, demeure le serviteur traditionnel du théâtre.
Héritier desserviteurs inventifs du siècle précédent, il mène le jeu pour assurer le triomphe et la tranquillité d'esprit de sonmaître.
Comme Scapin, Toinette chez Molière, il aide son maître à parvenir à ses fins amoureuses.
Duboisessaie de faire en sorte qu'Araminte aime Dorante dans Les Fausses Confidences, Figaro contribue à ramenervers la comtesse un époux devenu volage, lassé des charmes de sa femme.
S'il s'élève parfois contre sonmaître, ce n'est jamais pour détruire une société dans laquelle il rêve, finalement, d'avoir une place plusconforme à ses mérites.
2.
Il souhaite, en affirmant ses talents, trouver une place qui rappelle celle des valets qui l'ont précédé.
Il s'agit pourlui d'être reconnu comme un meneur de jeu, un personnage versé en intrigue amoureuse tout autant que comme unhomme digne.
3.
Enfin, le valet sert aussi, et peut-être surtout, d'instrument de critique pour les auteurs des comédies.
Ils neservent pas véritablement la remise en cause d'une société dans laquelle ils cherchent, eux aussi, à briller.
Marivaux,Beaumarchais désirent être connus, admirés, comme les personnages qu'ils proposent à leur public.
Ils révèlent latyrannie, les erreurs de certains maîtres, servent le pamphlet ou la remise en cause de certains travers.
Commeleurs prédécesseurs du XVIIe siècle, ils mettent en valeur les vices du temps, proposent des analyses des abus del'époque mais ne poussent pas les serviteurs du monde réel à se révolter.
À la fin de la pièce, même si lesspectateurs ont goûté quelques savoureuses répliques, le valet retrouve sa place.
Figaro va connaître une vieconjugale sans nuage au service du comte, Arlequin et Cléanthis retrouvent leurs emplois de serviteur et desuivante, Dubois redevient le valet de Dorante en restant celui d'Araminte.
Le valet s'inscrit alors dans un intermède critique ; aucun valet n'affirme trouver sa servitude insupportable, samédiocrité aliénante durant le dénouement.
Leurs déclarations, acerbes parfois, sont souvent le résultat de lacolère, de la déception d'être trompé par un maître pour qui ils ressentent de l'attachement.
Figaro, par exemple,exprime ses remontrances lorsqu'il se croit dupé par Almaviva, ou en passe de l'être.
Il est déçu, choqué dedécouvrir que celui qui lui doit son bonheur conjugal abuse ainsi de sa, supériorité sociale.
Durant le dénouement, s'ilconserve le désir de faire admettre sa dignité, il s'efface devant le dénouement heureux, ses critiques sont trèsatténuées.
Transition
Ainsi, même si le valet se révolte dans les comédies du 18e siècle, ce n'est pas parce qu'il désire transformerradicalement la société dans laquelle il vit.
Sous la plume de Marivaux, de Beaumarchais, il exprime une aspiration àune reconnaissance collective des qualités, du talent des classes populaires.
Il désire surtout accéder à un statutplus élevé, obtenir des traitements moins sévères.
Conclusion
Le valet de comédie lutte donc bien au XVIIIe siècle contre la place qui lui est accordée dans la société.
Mais c'estsurtout contre la manière dont son maître le traite, contre la position qu'il lui accorde dans la maisonnée qu'il serévolte.
Il ne lutte pas contre la servitude de son état, sert souvent avec plaisir, toujours par nécessité matérielle.Il n'envisage pas de réformer l'ordre social dans son ensemble, il cherche principalement à s'élever, à montrer que samédiocrité est exagérée plus qu'a détruire avec acharnement un ordre social.
S'il veut en gravir les échelons, il ne.
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