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PELETIER DU MANS Jacques : sa vie et son oeuvre

Publié le 27/11/2018

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PELETIER DU MANS Jacques (1517-1582). « Moins et meilleur », ce fut la devise de Peletier, et elle émaillé tous ses livres. Il eût mieux valu pour la postérité de son œuvre qu’il l’eût respectée davantage. Peletier en a trop fait, on lui a reproché la diversité de ses livres, son instabilité et son vagabondage. « Et Peletier le docte a vagué comme Ulysse », dira Ronsard de son aîné, dont le titre de gloire restera d’avoir « découvert » les deux grands de la Pléiade. Puis sa curiosité l’a entraîné ailleurs. Mais son éclectisme de mathématicien et de médecin, d’érudit et de grammairien, et encore de poète, fait de lui un exemple parfait d’homme de la Renaissance, un humaniste à la passion intellectuelle sans limites et au savoir encyclopédique immense, pour le meilleur et pour le pire.
 
Né au Mans, le neuvième des quinze enfants d’une bonne famille bourgeoise de juristes, il vint tôt à Paris étudier au collège de Navarre, où son frère Jean, philosophe et mathématicien de renom, était grand maître et premier docteur en théologie. Après des humanités gréco-latines et cinq années d’études juridiques qui eussent dû le mener à suivre la voie d’un autre de ses frères, Victor, Peletier revint dans sa ville natale comme secrétaire de l’évêque du Mans, René du Bellay. C’est alors qu’il aurait rencontré Ronsard, venu avec son père, le 5 mars 1543, assister aux obsèques du capitaine Guillaume du Bellay. Nommé la même année principal du collège de Bayeux à Paris, par un coup de force de René du Bellay, il y resta jusqu’en 1547, fréquentant le milieu des poètes de cour et celui du collège de Coqueret.

« à Notre-Dame (1547).

Il fit paraître la même année un recueil de ses Œuvres poétiques.

Mais il quitta bientôt Paris, et sa vie ne fut dès lors plus que voyages.

A Poitiers, il enseigna les mathématiques, étudia la médecine et publia Je Dialogue de l'ortografe et pronon­ ciacion françoese (1550), qui, prenant parti dans la que­ relle de J'orthographe, voulait «rapporter J'écriture à la prolation » et proposait un système phonétique, mis au point dès 1547, dans lequel toute l'œuvre de Peletier sera désormais publiée.

Cependant avait lieu à Paris la révolution poétique,-sans Peletier, qui n'appartiendra pas à la «chère bande» emmenée par Ronsard aux Isles fortunées (1 543 ).

Peletier passa par Bordeaux, Béziers et Lyon, il suivit le maréchal de Cossé-Brissac en expédi­ tion dans le Piémont et fut le précepteur de son fils (1553-1554).

De retour à Lyon, il se lia à Maurice Scève et à Pontus de Tyard, ainsi qu'à l'imprimeur Jean de Tournes, chez qui il fit paraître deux ouvrages impor­ tants, l'Art poétique et les poèmes de l'Amour des amours (1555).

En 1557, Peletier est à Patis, puis il tente une vaine expédition à Rome, avant de revenir pour dix ans à Paris.

Fin 1569, il part pour la Savoie, où il restera deux ans et d'où il rapportera un poème descriptif en trois chants, la Savoye (1572).

De 1572 à 1579, Peletier est à Bordeaux, il dirige Je collège d'Aquitaine.

Il ensei­ gne les mathématiques à Poitiers en 1579, avant de reve­ nir achever une existence accidentée à Paris, où il sera principal du collège du Mans de 1580 à sa mort.

Un an avant de mourir, il fera paraître les Louanges (1581), des poèmes savants fort prosaïques, suivis d'un touchant testament, «Remontrance à soememe >>.

Peletier a laissé une œuvre scientifique copieuse - rédigée en latin et en français -, traitant de mathémati­ ques et de médecine, mais qui ne paraît pas avoir eu une grande influence sur le progrès de ces disciplines.

Mis à part sa contribution philologique -malheureuse pour le destin de son œuvre - à la réforme de 1' orthographe, la production littéraire de Peletier comprend : la traduction en vers de l'Art poétique d'Horace, précédée d'une importante dédicace qui fait l'apologie de la langue nationale; les Œuvres poétiques; l'Art poétique et l'Amour des amours; la Savoye; les Louanges.

Jusqu'à une période récente, la critique a surtout retenu les Œuvres poétiques comme faisant date dans l'histoire lit­ téraire, marquant la transition de Marot à Ronsard et du Bellay, et a considéré l'A rt poétique comme l'expression la plus accomplie de la doctrine de la Pléiade, certains allant jusqu'à regretter que les vers de Peletier ne fussent pas à la hauteur de leur rôle historique.

Pasquier appellera Scève, Bèze et Peletier « les avant­ coureurs des autres poètes >>.

Si ce peut être exact pour l'un d'eux, c'est bien pour Peletier, dont le recueil de 1547, outre qu'il contient les premiers vers publiés de Ronsard et de Du Bellay -une « Ode de Pierre de Ronsard à Jacques Peletier: Des beautez qu'il voudroit en s'Amie», et un dizain de « J.

du Bellay à la ville du Mans» -, définit un programme dont les idées ne sont pas neuves mais qui n'anticipe pas moins la Deffence et Illustration de Du Bellay ( 1549) : J 'esc ri e n lang ue m ater nell e, Et tasche à la mettre en valeur : Affin de la rendre éternelle, Comme les vieux ont fait la leur.

Selon l'épigramme « A un poète qu i n'escrivoit qu'en latin >>, les écrivains doivent anoblir leur langue et la rendre classique, l'« illustrer>> et J'« enrichir>>, comme le disait déjà Peletier dans sa dédicace à la traduction de l' Art poétique d'Horace, où il attribuait notre infériorité par rapport aux Anciens à notre « mepris et contenue­ ment de notre langue native, laquelle nous laissons arriere pour entretenir la langue grecque et la langue latine>>.

Il y a une utilité de la traduction, qui est pour 1852 un écrivain d'« amplifier sa langue>> , et c'est pourquoi les Œuvres poétiques de Peletier commencent par tra­ duire les deux premiers livres de l'Odyssée, le 1er livre des Géorgiques, des sonnets de Pétrarque et des odes d'Horace.

Viennent ensuite les «Vers lyriques de l'in­ vention de l'auteur>>.

On a vanté le sentiment de la nature tout virgilien des «Saisons » de Peletier, qui sont ses meilleures pièces.

Mais leur intérêt réside avant tout dans le souci nouveau de la disposition et de la clarté.

Chaque poème répond à un plan rigoureux, vise à la concision et à l'expression exacte.

Peletier évite l'obscu­ rité des métaphores, néologismes et références mytholo­ giques dans lesquels Ronsard se complaira longtemps; il en fait la critique dans l'épigramme «A un poete escri­ vant obscurément».

Ses vers emploient une grande variété de mètres, de l'hexasyllabe à l'alexandrin, et ses rimes sont élaborées.

Contre les genres trop rigides qui ont l'allure d'exercices, il adopte le sonnet venu d'Italie (Marot en a composé quelques-uns, mais ceux de Peletier multiplient d'un coup le répertoire français, jouant sur toutes les combinaisons des rimes des tercets), et l'ode, qu'il recommandera également à Ronsard et à du Bellay.

L'Art poétique de Peletier, à la différence de la Def­ fence et Illustration, n'est pas un pamphlet, et il tente de concilier les poètes anciens et les nouveaux : il y réussit incontestablement, abordant la promotion de la poésie française après les préceptes généraux -non pas les recettes -de la poésie.

La première partie traite des rapports de l'art et de la nature, de l'imitation et de la tradition, en termes proches de Quintilien.

La seconde partie, qui expose une conception patriotique du poète, est plus originale.

La rime et Je mètre, le rythme et le genre sont examinés sans pédantisme ni dogmatisme; le sonnet est le plus loué, et 1' ouvrage conclut à une éthique de la poésie œuvrant pour l'enrichissement de la langue.

[Voir aussi ARTS POÉTIQUES].

Peletier ne saurait être défini exclusivement comme un précurseur de la Pléiade; ce serait ignorer l'Amour des amours de 1555, dont l'étalage de science, de mytho­ logie, d'érudition tranche avec la des Œuvres poétiques de 1547; Je recueiJI fut longtemps jugé d'un «pétrarquisme intolérable>>.

Ce sont pourtant les poèmes les plus curieux de Peletier, où, «Toujours voulant son pouvoir essayer», son exigence de connais­ sance va le plus loin.

Après 96 sonnets en vers décasylla­ bes, qui chantent bien abstraitement une dame, viennent 16 odes, consacrées au monde physique et au cosmos, «J'Uranie».

Cette poésie scientifique a rebuté.

Peletier en donnait la clé dans son Art poétique, où il disait Je sonnet «quasi tout philosophique en conceptions >>.

Les sonnets de l'Amour des amours, divisés en sept groupes, sont une enquête sur les mystères du monde, une purifi­ cation du néo-platonisme de Ficin, la recherche d'une connaissance inconnue et d'une unité originelle perçue à travers l'amour : « 0 un! ô deux, dont tout l'œuvre commence!» Les odes finales rapportent l'envol de l'esprit vers les lois du cosmos.

Au lieu de l'histoire d'un amour ou d'une poésie didactique, l'Amour des amours est la voie d'une quête spirituelle qui découvre peu à peu la vérité dans le mouvement même de l'expression lyrique : Vous, langue, aussi faites votre devoir [ ...

) Faites servir le dire au concevoir.

Dans les Louanges, notamment dans « Louange de la science >>, on retrouve la même aspiration à l'infini des mystères célestes.

Sans libérer tout à fait Peletier de la position de précurseur, ses deux derniers recueils témoi­ gnent d'une originale conciliation de la poésie et de la science, qui fait que Peletier ne fut sans doute ni un poète ni un homme de science, mais pleinement un homme de la Renaissance.. »

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