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Paysage en Lincolnshire - Verlaine, Sagesse.

Publié le 07/04/2011

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verlaine

   L'échelonnement des haies Moutonne à l'infini, mer Claire dans le brouillard clair Qui sent bon les jeunes baies.    Des arbres et des moulins Sont légers sur le vert tendre Où vient s'ébattre et s'étendre L'agilité des poulains.    Dans ce vague d'un Dimanche Voici se jouer aussi De grandes brebis aussi Douces que leur laine blanche.    Tout à l'heure déferlait L'onde, roulée en volutes, De cloches comme des flûtes Dans le ciel comme du lait.    Verlaine, Sagesse.    Vous ferez de ce texte un commentaire composé qui mette en évidence l'intérêt personnel que vous y découvrez. Vous pourrez, par exemple, montrer comment à partir des sensations retenues et grâce à un art très élaboré le poète suggère l'impression de pureté à la fois physique et morale qu'il a éprouvée au cours d'une promenade dans la campagne anglaise.   

La principale difficulté de ce commentaire réside dans l'extraordinaire simplicité du texte proposé : quatre petites strophes dépourvues d'effets et semblant à première vue d'une grande banalité de vocabulaire et de versification. On risque vite d'être à court et de faire une copie trop légère. L'énoncé invitait de façon intéressante à « montrer comment à partir des sensations retenues et grâce à un art très élaboré le poète suggère l'impression de pureté à la fois physique et morale qu'il a éprouvée au cours d'une promenade dans la campagne anglaise «. Bien que cette invitation ne soit nullement impérative, nous y avons répondu dans la deuxième partie du commentaire, après avoir dans une première partie examiné le poème à un niveau plus immédiat, celui de la peinture impressionniste d'un paysage.   

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« Après la Bonne Chanson (1870) qui est surtout une évocation par Verlaine de son amour pour Mathilde Mauté deFleurville et de ses fiançailles avec elle, paraît ce qui est sans doute le plus beau recueil de Verlaine : Romancessans paroles (1873).

Entretemps a eu lieu un événement capital dans la vie du poète : l'amitié orageuse avecRimbaud, dont ces poèmes se font parfois l'écho.

Nous recommandons très vivement aussi la lecture de ce courtchef-d'œuvre (30 pages).

On le trouve aisément dans des collections de poche, par exemple dans l'excellentecollection Poésie des éditions Gallimard, où le même volume renferme aussi Fêtes galantes et les Poèmes Saturniens.(Les élèves qui se serviraient de cette édition peuvent à notre avis se dispenser de Wrt tes vingt pages fumeusesqui servent d'introduction à ce volume). On trouve encore de fort beaux poèmes dans le recueil suivant, Sagesse (décembre 1880), en particulier dans latroisième partie d'où est extrait le poème que nous commentons; et même encore dans Jadis et Naguère (1885) (oùse trouve le célèbre Art Poétique) et dans Parallèlement.

Ces deux recueils ont été publiés en un seul petit volumedans la collection le Livre de Poche.

Par ailleurs, Sagesse, Amour et Bonheur ont été regroupés en un seul volumedans la collection Poésie des éditions Gallimard. COMMENTAIRE COMPOSÉ Le 10 juillet 1873, à Bruxelles, après une violente dispute, Verlaine, ivre, tire deux coups de pistolet sur son amiRimbaud et le blesse légèrement.

Arrêté, il est condamné un mois plus tard à deux ans de détention qu'il passe à laprison de Mons; il en sortira en janvier 1875.

A l'époque du drame, il a vingt-neuf ans et est l'auteur de trois courtsrecueils de poèmes, publiés à compte d'auteur et qui n'ont guère éveillé d'écho, sauf chez Mallarmé qui avait l'oreillefine en matière de poésie.

Sa vie conjugale vient de s'avérer un échec.

Son amitié avec Rimbaud également.

En juin1874, après onze mois de détention et une nuit de méditation, Verlaine annonce sa conversion à l'aumônier de laprison.

Il écrit alors un grand nombre de poèmes d'inspiration chrétienne.

Ce n'est pourtant que plusieurs annéesplus tard, en décembre 1880, que ces poèmes de prison verront le jour sous le titre de Sagesse.

Le jour estd'ailleurs beaucoup dire car l'échec de l'ouvrage fut complet et l'édition resta presque entière dans les caves del'éditeur. Bien qu'on y discerne une volonté d'architecture, ce recueil est assez hétérogène : il mêle des pièces d'inspirationchrétienne parfois excellentes mais bien souvent médiocres, et des pièces d'une inspiration plus variée dontcertaines figurent parmi les plus célèbres ou les plus belles du poète et qui pour la plupart ont été écrites entre ledrame de Bruxelles et la conversion.

Nous ne savons pas avec certitude quand a été composée la suite de quatrainsPaysage en Lincolnshire ; très vraisemblablement en 1875 à Stickney si Ton en croit un exemplaire annoté parVerlaine, mais peut-être aussi en juillet 1877 quand le poète était chez sa mère à Arras.

Ces détails n'ont guèred'importance; il est sûr en revanche que le texte a été écrit après la sortie de prison.

Ce poème dénote donc chezVerlaine la permanence d'une certaine inspiration qui avait commencé à se manifester dès son premier ouvrage, lesPoèmes Saturniens, où la partie intitulée Paysages tristes est sans doute la plus intéressante, et qui avait trouvéquelques années plus tard une expression idéale avec les Romances sans paroles. Peut-être ce poème peut-il, malgré son extrême simplicité et sa brièveté, nous faire découvrir l'essentiel de ce quicaractérise la musique de Verlaine. * * * Le poème se présente comme un petit tableau peignant avec un savant mélange de précision et d'imprécision undimanche à la campagne.

Le titre nous indique qu'il s'agit du Lincolnshire, en Angleterre mais il pourrait aussi biens'agir des plats pays du Nord de la France ou des Flandres : le texte lui-même ne nous permet pas de décider aveccertitude s'il a été écrit outre-Manche ou à Arras.

Toujours est-il que l'herbe « vert tendre » n'est pas brûlée par lesoleil, encore qu'on soit vraisemblablement en été puisque « les jeunes baies » sentent bon « dans le brouillard clair».

Les moulins parmi les arbres viennent donner une apparence de précision géographique : on pourrait croire qu'ils'agit des moulins que l'on voit dans les pays de polders et qui servent à drainer l'eau des canaux; la présence d'eauexpliquerait alors aussi celle de ce « brouillard » qui est sans doute le fait de la chaleur d'été mais qui ne semble pasbien épais puisqu'il reste « clair ».

La répétition de ce même mot à l'intérieur d'un vers le met en valeur à la faveurd'une rime intérieure approximative (puisqu'il est une fois au féminin et une fois au masculin; — il faudrait plutôtparler d'assonance —), mais la coupe elle-même et l'enjambement du vers 2 sur le vers 3 (on est obligé deprononcer « mer Claire » sans laisser tomber la voix) attirent également l'attention sur cet adjectif.

Mais peut-êtreces moulins n'ont-ils rien d'aquatique et utilisent-ils tout bonnement la force du vent.

Suivant le précepte qu'il aédicté dans son Art Poétique, Verlaine choisit ses mots avec « quelque méprise » afin de dessiner un spectacle « oul'Indécis au Précis se joint ». L'impression de clarté domine ainsi l'éclairage du poème.

Mais dans cette clarté baignent non seulement des choses: les haies, des baies, des arbres et des moulins, mais aussi des animaux : poulains et brebis.

Il faut remarquer queceux-ci passent pour des espèces particulièrement douces, le poulain pour sa jeunesse, puisqu'il n'a pas encore laforce ni la fougue d'un cheval adulte, la brebis pour son caractère placide bien connu et quelque peu biblique :quand il écrit ce poème, Verlaine est un converti de fraîche date qui relit avec plaisir les textes célèbres de l'ÉcritureSainte.

Il ne manque ici qu'un Bon Pasteur, et pour un peu nous dirions que Verlaine est là lui-même pour jouer cerôle, couché dans l'herbe au milieu de ces animaux, un peu comme l'évoquera Mallarmé dans Tombeau : Verlaine? Ilest caché parmi l'herbe, Verlaine.. »

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