Paul Éluard (1895 - 1952), « Ma morte vivante », Le Temps déborde (1947) - Commentaire composé
Publié le 30/12/2019
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Paul Éluard (1895-1952), « Ma morte vivante », Le Temps déborde (1947), Seghers.
[Ce poème fut écrit par Paul Eluard quelques jours après la mort subite de sa jeune femmey Nusch.]
Ma morte vivante
Dans mon chagrin rien n’est en mouvement
J’attends personne ne viendra
Ni de jour ni de nuit
Ni jamais plus de ce qui fût moi-même
5 Mes yeux se sont séparés de tes yeux
Ils perdent leur confiance ils perdent leur lumière
Ma bouche s’est séparée de ta bouche
Ma bouche s’est séparée du plaisir
Et du sens de l’amour et du sens de la vie
10 Mes mains se sont séparées de tes mains
Mes mains laissent tout échapper
Mes pieds se sont séparés de tes pieds
Ils n’avanceront plus il n’y a plus de routes
Ils ne connaîtront plus mon poids ni le repos
15 II m’est donné de voir ma vie finir
L’expression d’une expérience personnelle est-elle, selon vous, ce qui donne sa valeur à la création poétique ?
Vous répondrez à cette question en un développement composé, en vous appuyant sur les textes du corpus, sur les textes que vous avez étudiés en classe et sur vos lectures personnelles.
FORMULER LA PROBLÉMATIQUE
L’élève est maintenant en mesure de formuler la problématique du texte. Il doit, toujours au brouillon et en une ou deux phrases, définir sous la forme d’une question, par exemple, les enjeux principaux du texte. Cette problématique sera énoncée dans l’introduction.
Paul Éluard évoque ici le paradoxe que représente la perte de la femme aimée : alors que sa présence était synonyme de vie, de bonheur et d’harmonie avec le monde, sa disparition entraîne un sentiment de solitude irrémédiable et vide le monde de son sens.
On peut formuler ainsi la problématique : comment le poète utilise-t-il le langage pour évoquer dans toute sa profondeur la douleur de cette séparation définitive ? Ce travail sur le langage ne maintient-il pas un lien entre le poète et le monde ?
au jeu des répétitions et des pronoms possessifs, qui met en correspondance différentes parties de leurs corps : « Mes yeux [...] tes yeux », « Ma bouche [...] ta bouche ». Chacun de ces éléments évoque le contact privilégié que permettait le rapport amoureux, la sensualité, mais aussi l’union des regards. Cette proximité physique était aussi une harmonie spirituelle, une soumission heureuse au pouvoir de la femme aimée (voir vers 17), et le début du vers 21 (« J’étais si près de toi ») résume en fait une complicité profonde, une union parfaite des deux époux l’un avec l’autre. Cette vision, qui évoque clairement l’union physique, mais aussi l’harmonie absolue que peut être l’amour, est d’ailleurs caractéristique de la poésie surréaliste. Composée de dix vers relativement longs (octosyllabes, décasyllabes et alexandrins), la deuxième strophe impose dans le texte l’image du bonheur perdu : ce poème du deuil est aussi une célébration de l’amour.
Cependant, cette union n’aboutissait pas à un isolement, à un repli, elle permettait au contraire une ouverture sur le monde : le bonheur d’aimer était aussi un bonheur de vivre. Dans les vers 5 à 14, le jeu des compléments d’objets associe au poète la femme aimée, mais aussi des éléments qui renvoient à une vision positive du monde : la confiance, la lumière (v. 6), le plaisir, le sens de la vie (v. 8, 9). Le « sens de l’amour » était étroitement lié au « sens de la vie » : l’amour était une façon d’être au monde, il permettait de mieux saisir les choses, de marcher sur les routes, d’avancer (v. 11-13) : le rapport au monde qui est ici évoqué est un rapport concret, physique que la disparition de Nusch rend désormais impossible : « Ils ne connaîtront plus mon poids ni le repos » (v. 14). L’oxymore du titre met en évidence le scandale que représente la mort de la jeune femme : celle qui était la plus vivante, celle qui poussait le poète à vivre et à aimer le monde a désormais disparu. Le monde est désormais désenchanté, désorienté, « il n’y a plus de routes » (v. 13).
La partie centrale du poème met en évidence l’ampleur de la perte subie par le poète, en rappelant le bonheur passé, c’est-à-dire le bonheur amoureux, tout comme le bonheur d’être au monde.
«
Texte A
Pierre de Ronsard (1524-1585), extrait de " Stances •, • Sur la mort de Marie •, Second Livre des Amours (1560).
[Dans le Second Livre des Amours, Ronsard célèbre deux ftmmes dis
parues prématurément :Marie, jeune paysanne qu'il a rencontrée en
1554 et pour qui il a éprouvé un grand amour, et Marie de Clèves, la
jeune maîtresse du roi Henri IIL}
Stances
[
...
] En ton âge le plus gaillard
Tu as seul laissé ton Ronsard,
Dans le ciel trop
tôt retournée,
Perdant beauté, grâce, et couleur,
5 Tout ainsi qu'une belle fleur
O!Ji ne vit qu'une matinée.
En mourant tu m'as su fermer
Si bien tout argument d'aimer,
Et toute nouvelle entreprise,
10 O!Je rien à mon gré je ne vois,
Et tout cela qui n'est pas toi,
Me déplaît, et je le méprise.
Si tu veux, Amour, que je sois
Encore
un coup dessous tes lois,
15 M'ordonnant un nouveau service,
Il te faut sous la terre aller
Flatter Pluton, et rappeler
En lumière mon Eurydice :
Ou bien va-t'en là-haut crier
20 À la Nature et la prier
D'en faire une aussi admirable
Mais j'ai grand' peur qu'elle rompit
Le moule, alors qu'elle la fit,
Pour n'en tracer plus de semblable,
12 MÉTHODOLOGIE DU COMMENTAIRE.
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