PASSAGE DE L'ENFANT À L'HOMME - CHATEAUBRIAND, Mémoires d'outre-tombe, 1re partie.
Publié le 16/09/2011
Extrait du document
A peine étais-je revenu de Brest à Combourg, qu'il se fit dans mon existence une révolution; l'enfant disparut et l'homme se montra avec ses joies qui passent et ses chagrins qui restent.
D'abord tout devint passion chez moi, en attendant les passions mêmes. Lorsque, après un dîner silencieux où je n'avais osé ni parler ni manger, je parvenais à m'échapper, mes transports étaient incroyables; je ne pouvais descendre le perron d'une seule traite : je me serais précipité. J'étais obligé de m'asseoir sur une marche pour laisser se calmer mon agitation; mais aussitôt que j'avais atteint la Cour Verte et les bois, je me mettais à courir, à sauter, à bondir, à fringuer, à m'éjouir jusqu'à ce que je tombasse épuisé de forces, palpitant, enivré de folâtreries et de liberté.
Mon père me menait quant et lui2 à la chasse. Le goût de la chasse me saisit et je le portai jusqu'à la fureur; je vois encore le champ où j'ai tué mon premier lièvre. Il m'est souvent arrivé en automne de demeurer quatre ou cinq heures dans l'eau jusqu'à la ceinture, pour attendre au bord d'un étang des canards sauvages; même aujourd'hui, je ne suis pas de sang-froid lorsqu'un chien tombe en arrêt.
Toutefois, dans ma première ardeur pour la chasse, il entrait un fond d'indépendance; franchir les fossés, arpenter les champs, les marais, les bruyères, me trouver avec un fusil dans un lieu désert, ayant puissance et solitude, c'était ma façon d'être naturel. Dans mes courses, je pointais si loin que, ne pouvant plus marcher, les gardes étaient obligés de me rapporter sur des branches entrelacées.
Cependant le plaisir de la chasse ne me suffisait plus; j'étais agité d'un désir de bonheur que je ne pouvais ni régler, ni comprendre; mon esprit et mon coeur s'achevaient de former comme deux temples vides, sans autels et sans sacrifices; on ne savait encore quel Dieu y serait adoré.
CHATEAUBRIAND, Mémoires d'outre-tombe, 1re partie.
Dans l'oeuvre de Chateaubriand vient s'ajouter tardivement un ouvrage autobiographique : les " Mémoires d'outre-tombe "· L'extrait que nous allons étudier fait partie de la première partie du livre qui remémore la jeunesse de l'écrivain. Plus précisément c'est le passage de l'âge d'enfant à l'âge d'homme que conte ici Chateaubriand.
«
L'Extrait est composé de trois sujets principaux.
C'est d'abord la
« révolution » qui s'effectue de l'âge d'enfant à l'âge d'homme et
nous verrons que l'enfant
se fait davantage ressentir tout comme
chez
le jeune poëte (sic) Rimbaud .
C'est ensuite le Romantisme
de Chateaubriand avec l' évocation de
sa Bretagne natale, des
paysages naturels et tout comme chez Rousseau son goût pour
la promenade , synonyme de découverte et de rêve.
Fina
lement Chateaubriand évoquera son adolescence heureuse, son
exaltation personnelle et
la recherche de son identité et de son
unité.
Chateaubriand nous présente sa transformation de l'âge d'enfant
à l 'âge d'homme sur un ton sérieux .
Il remémore son exaltation
et son énergie et
la (sic) traduit par un rythme haletant où les
phrases sont ponctuées par de nombreuses virgules, mais il
subsiste l' enfant qu'il était.
L'enfant est perçu par ses dési rs et ses
réactions :
la timidité et la réserve sont traduites par les termes
suivant
(sic) : « un dîner ( ...
) où je n 'avais osé ni parler, ni
manger
"· Ainsi que l'espièglerie de l' enfant qui s'extériorise loin
de sa famille car il éprouve un malaise caractéristique de cette
période de
la vie : comme le jeune Rimbaud.
Chateaubriand
« s'échappe » de chez lui, et comme le jeune poëte (sic) ,
Chateaubriand se sent très proche de
la nature sereine, protec
trice, et accueillante
(sic) .
Dans
le célèbre poème en prose de Rimbaud « Aube ", on
retrouve
la même soif insatiable de découvertes : • Je me mettais
à courir , à sauter , à bondir , à fringuer , à m'éjouir jusqu'à ce que je
tombasse épuisé de forces , palpitant , enivré de folâtrerie et de
liberté
"· Cette même extase et énergie peuvent aussi bien décrire
Rimbaud
lors de sa poursuite de la déesse • Aube " sombrant
finalement dans
le sommeil (sic) que Chateaubriand dans ses élans
passionnés avec
la nature.
L 'Enfant encore présent se révèle dans son désir de se surpasser,
et
la satisfaction que lui procure la chasse.
Chasser n'est pour lui ni un
sport ,
ni un divertissement , mais c'est une occasion de découvrir
son unité, de découvrir sa puissance.
La patience du Chasseur est
ici poussée au paroxysme et révèle l' enfant ; « Il rn' est souvent
arrivé ( ...
)de demeurer quatre ou cinq heures dans l'eau( ...
) pour.
»
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