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PASCAL : Les Provinciales et les Pensées

Publié le 15/05/2011

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A) La vie et l'oeuvre.

— Blaise Pascal eut une enfance studieuse et austère, une adolescence maladive et douloureuse. Son père, magistrat à Clermont-Ferrand, puis démissionnaire et fixé à Paris, était un passionné de science qui se tint en relations avec un cercle de savants (le père Mersenne, Fermat, Roberval). Dans ce milieu, Blaise développa ses admirables dispositions en savant précoce. Mais déjà sa santé était compromise; il souffrit toute sa vie d'une maladie nerveuse dont nous savons peu de chose. Religieux de famille et de nature, il fut intéressé au jansénisme par des amis, mais il continua ses recherches scientifiques, mena même une vie mondaine, jusqu'après la mort de son père. C'est à trente-deux ans, après l'accident de Neuilly et l'exaltation mystique qui s'ensuivit, que Blaise Pascal se retira .à Port-Royal. Une année plus tard, il écrivait les Provinciales et concevait le projet d'une Apologie de la religion chrétienne, à laquelle il travailla dans les répits que lui laissaient ses souffrances physiques. — La vie et l'oeuvre de Pascal sont donc à la fois d'un savant, d'un malade et d'un mystique,

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« — Arnauld méditant un libelle contre ses adversaires et ne trouvant pas le ton nécessaire, dit à Pascal : « Vous quiêtes jeune, vous devriez faire quelque chose.

» Que fallait-il P Alerter l'opinion publique, par conséquent intéresserla société mondaine à une dispute sévèrement théologique et gagner auprès d'elle la cause d'une sombre etinhumaine doctrine.

Lés Provinciales de Pascal réussirent le tour de force; dix-huit lettres à un provincial, signéesLouis de Montalte, passionnèrent gentilshommes, dames et bourgeois.

Grâce à la variété du ton, à la souplesse de ladialectique, aux dons prodigieux du polémiste et de l'écrivain, les questions de théologie se trouvaient misesagréablement à la portée des gens du monde.

Aussi le succès des Provinciales fut-il éclatant.— La plus grande habileté de Pascal a été d'attaquer brillamment l'ennemi au lieu de défendre ses propres positions.Il mit les Jésuites sur la sellette, comme Molière devait mettre sur les planches marquis, précieuses et médecins.Ainsi accroche-t-il l'intérêt du public; puis, quand il tint l'adversaire à sa merci, il l'acheva par la force del'éloquence.Certes, les Provinciales traitent du problème de la grâce; mais pour en présenter les données, l'auteur feint d'avoirfait visite sur visite à divers docteurs, qu'il anime devant nous, avec chacun son caractère, comme ferait un auteurdramatique : le Janséniste est implacable, le thomiste est aussi vide que solennel; le moliniste, disciple de l'importantM.

Le Moine, est complaisant, empressé, naïf.

C'est ce dernier caractère que Pascal a le plus poussé : il s'agit d'unjésuite « des plus habiles »; l'enquêteur l'entraîne à énoncer une proposition sur la « grâce actuelle », d'oùdécoulent logiquement des conséquences effrayantes pour un croyant sincère.

Encore le jésuite, que Pascal faitbien bonhomme et naïvement imprudent, appuie-t-il son imperturbable assurance sur quantité de livres, les oeuvresd'un tel, celles de tel autre, et de la cinquième édition ! Mais il n'est pas de force.

Montalte et le fidèle jansénistequi l'accompagne l'accablent des conséquences logiques de sa thèse, lui opposent victorieusement l'Evangile,retournent contre lui une citation d'Aristote qu'il a présentée sans l'avoir bien comprise...

Il se voit sauvé par lachance : tandis qu'il cherche une riposte à la dernière objection, on vient l'avertir que Mme la Maréchale de...

etMme la Marquise de...

le demandent.

Il s'échappe donc en jetant ces mots : u J'en parlerai -à nos Pères; ils ytrouveront bien quelque réponse.

Nous en avons ici de bien subtils.

» Quelle fuite ! Pascal a écrit là, dans cette IV6Provinciale, une véritable comédie, où le comique jaillit des caractères, des situations et de l'esprit du dialogue.

Lestyle est ferme, solide, nerveux, férocement ironique.— Les dialogues avec l'excellent Père continuent à travers plusieurs lettres, mais la violence s'y mêle de plus en plusà l'ironie, quand Pascal en vient à la morale des Jésuites; il s'indigne de cette casuistique qui tend à permettrel'homicide, l'usure, la banqueroute.

Puis, à partir de la XIe lettre, il sort tout à fait de la comédie, s'adressedirectement à ses adversaires, s'émeut, s'emporte.

La XIII° lettre est la plus caractéristique à ce point de vue.Pascal montre les Jésuites distinguant entre « spéculation » et « pratique », et autorisant spéculativement l'usureou l'homicide (ce qui est hardiesse contre Dieu!) pour les interdire pratiquement (parce que l'Etat est là et qu'ils sonttimides envers les hommes).

Or, comment ne pas passer insensiblement de la spéculation à la pratique ? Là doctrinede « probabilité » rend la chose fort aisée, et n'importe-t-il pas de satisfaire la clientèle mondaine ?...

Voilà ce quiappelle la malédiction de Dieu sur « ceux qui sont doubles de coeur et qui se préparent deux voies », et voilà ce quiinspire l'âpre éloquence de la lettre.— L'éloquence des Provinciales est elle-même d'une grande variété.

Tantôt elle a la force d'une logique passionnée,dans les réfutations théologiques et morales; tantôt elle s'indigne avec une étonnante noblesse, par exemple quandelle éclate contre la duplicité des casuistes (XIIIe lettre) ou quand elle fait sentir ce que vaut la vie humaine, dontles casuistes font bon marché (XIVe lettre); on bien elle blesse l'adversaire d'une pointe satirique, et cela àplusieurs reprises dans les dernières lettres; ou encore, en des apostrophes fameuses, elle s'élève jusqu'au sublimede la véhémence.— Ces beautés de verve comique et d'éloquence, qui ont fait le prodigieux succès des Provinciales en leur temps,les rendent intéressantes et agréables pour nous-mêmes aujourd'hui.

Mais nous avons une autre raison encore denous y intéresser et de nous y plaire.

C'est qu'il se dégage de leur dialectique une morale, simple et franche del'« honnête homme », qui a incontestablement préparé la voie à Molière, à Bayle, aux philosophes du XVIIIe siècle. C).

Les Pensées.— La condamnation de la Sorbonne eut beau frapper les Provinciales, le miracle de la Sainte-Epine encourageaPascal dans sa foi; il fit des conversions dans le milieu assez libertin qu'il avait fréquenté au cours de sa viemondaine.

Puis, dans un dessein de vaste propagande, il prépara les matériaux d'une Apologie de la religionchrétienne.

Mais la mort interrompit ce travail et Pascal ne nous en a laissé que quelques fragments importants,avec quantité de notes prises sur des feuillets de tout format groupés sans ordre, d'ailleurs difficiles à déchiffrer.Ces feuillets recueillis par les parents et les Solitaires s'alignèrent, collés sur un grand registre; quelques annéesaprès, les mêmes personnes songèrent à les publier, et ce furent les Pensées.— Des éditions successives, du XVIe siècle au me, ont coordonné les Pensées de façon plus ou moins complète,surtout plus ou moins tendancieuse; aujourd'hui encore, ce qui nous manque toujours, c'est le plan que Pascal seproposait de suivre.

Nous sommes obligés d'en imaginer un qui soit vraisemblable, si nous souhaitons pour lesPensées un ordre qui leur donne leur entière valeur.— Un guide se présente à nous.

C'est l'opuscule intitulé Entretien de Pascal avec M.

de Sacy, souvenir d'unentretien authentique qui eut lieu au début de la retraite de l'auteur à Port-Royal et qui correspond donc à sespréoccupations profondes.

Il porte sur Epictète et Montaigne.

— a) Chacun des deux philosophes n'a vu, selonPascal, que l'un des deux aspects essentiels de l'homme : Epictète, sa grandeur (pouvoir de la raison et de lavolonté); Montaigne, sa faiblesse (impuissance de la raison).

Pascal donne raison à Montaigne pour son pessimisme(l'homme dupé par l'imagination, cette « maîtresse d'erreur et de fausseté », altéré jusque dans son esprit par lesmaladies, aveuglé par l'amour-propre et les passions, égaré par la diversité des coutumes humaines); mais il luireproche de n'avoir pas vu la grandeur de l'homme en même temps que sa misère, car l'homme a.

de cette misèreune conscience qui le grandit, l'homme comprend la nature par son intelligence, son âme lui fait concevoir le divin.. »

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