PASCAL ET PORT-ROYAL
Publié le 19/05/2011
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I. - L'Abbaye de Port-Royal. Principaux écrivains jansénistes. L'Abbaye de Port-Royal. — Dans la vallée de Chevreuse, à six lieues de Paris, existait, depuis le XIIIe siècle, une abbaye de femmes de l'ordre de Cîteaux. Cette abbaye fut réformée en 16o8 par Angélique Arnauld, qui fonda en 1625 une nouvelle maison à Paris. En 1633, la mère Angélique commença à prendre pour directeur de ses religieuses l'abbé de Saint-Cyran. C'est par lui que le jansénisme pénétra à Port-Royal. L'abbé de Saint-Cyran réunit auprès de l'abbaye de Port-Royal-des-Champs un certain nombre de pieux laïques, résolus à vivre dans la plus stricte pratique du christianisme, et qu'on appela au XVIIe siècle : les Messieurs de Port-Royal. Les plus célèbres furent : Arnauld d'Andilly, Antoine Le Maître, Le Maître de Sacy, Nicole, Lancelot et le Grand Arnauld. Ces Messieurs s'occupaient de théologie, de l'étude et de la traduction des anciens : et ils avaient fondé les Petites Ecoles de Port-Royal, où ils eurent pour élève le jeune Racine.
«
A partir de 1658, Pascal ne s'occupe plus que de réunir des matériaux pour une apologie de la religion chrétienne.Ses dernières années ne sont qu'une lente et affreuse agonie.
Pascal mourut le 19 août 1662, dans la maison de M.Périer, son beau-frère; il fut inhumé dans l'église de Saint-Étienne-du-Mont, à Paris.
Les Provinciales (1656-1657).
— Les contemporains les ont appelées les Petites Lettres ; le nom de Provinciales leurvient du titre général mis au recueil de Cologne, en 1657 : Lettres de Louis de Montalte à un provincial de ses amiset aux RR.
PP.
jésuites sur la morale et sur la politique de ces Pères.
Les n° 1, 2, 3, 17, 18, sont consacrés à laquestion théologique de la grâce; — les nos 4 à 16 traitent plus spécialement de la casuistique et de la morale.Voltaire dit, dans son Siècle de Louis XIV : « Les meilleures comédies de Molière n'ont pas plus de sel que lespremières Provinciales ; Bossuet n'a rien de plus sublime que les dernières.
»Pascal veut d'abord dans ses premières lettres atteindre le monde, l'intéresser, l'obliger à comprendre ou à croirequ'il comprend le sujet des disputes de Sorbonne.
Lui-même, il se donne pour un « honnête homme » très ignoranten ces matières et désireux de s'instruire; et il s'adresse naïvement à des docteurs et à des Jésuites.
— Ainsi, dansla première Provinciale, il a pour interlocuteur un docteur de Navarre qui lui fait solennellement de creuses réponses;puis il va chez un janséniste, revient chez son docteur, interroge un moine Jacobin.
Chacun de ces personnages asa physionomie, son genre particulier d'entêtement, son style.
Mais le Père jésuite de la quatrième lettre est unefigure plus achevée : c'est lui qui, pour éclairer Pascal sur la vraie définition de la grâce actuelle, va « chercher deslivres » : la Somme du P.
Bauny, un factum du P.
Annat, les écrits de M.
Le Moyne; et Pascal le pousse, l'oblige às'enferrer lui-même et à dégringoler de citation en citation...
Cependant, le Jésuite perd tout à fait pied.Heureusement « on vint l'avertir que Mme la maréchale de...
et Mme la marquise de...
le demandaient.
Et ainsi, ennous quittant à la hâte : J'en parlerai, dit-il, à nos Pères.
Ils y trouveront bien quelque réponse.
Nous en avons icide bien subtils ».
La comédie est complète, comme dans un dialogue de Platon.
Bref, on doit dire de ces premièreslettres, avec Racine : « Vous semble-t-il que les Provinciales soient autre chose que des comédies ? »Dès la fin de la neuvième lettre, Pascal sentait peut-être que le public très amusé par la comédie avec le bon Père,allait se lasser; et, sans attendre qu'on lui reprochât de « faire de l'esprit », il change de ton et il s'adresse auxJésuites eux-mêmes.
Il s'élève alors jusqu'à une éloquence indignée.
On sent chez lui la profonde conviction d'uneâme blessée et scandalisée, qui s'est longtemps maîtrisée et qui déborde.
On peut dire avec Voltaire : « Tous lesgenres d'éloquence y sont renfermés.
»
Les Pensées.
— Le manuscrit; les éditions.
— Le plan.
— Après la mort de Pascal, ses héritiers trouvèrent parmi sespapiers des liasses de notes préparées en vue d'une apologie du christianisme.Les amis et les parents de Pascal résolurent de publier ces fragments.
Bien que la préface, écrite par Étienne Périer,son neveu, prouve que le plan de Pascal leur était connu, les premiers éditeurs ne s'évertuèrent pas à établir entreces fragments un ordre tout à fait définitif.
Ils intitulèrent leur édition : Pensées de M.
Pascal sur la religion et surquelques autres sujets, qui ont été trouvées après sa mort parmi ses papiers.Ils y firent, par prudence, quelques changements de fond; et, par timidité de goût, ils en atténuèrent parfois lestyle.
Ce n'était pas là « tout Pascal, et rien que Pascal », comme devait le demander Victor Cousin en 1842.
Maistelle qu'elle était, cette première édition des Pensées eut le plus grand succès.Au xviiie siècle, on vit paraître, en 1778, l'édition de Condorcet, avec des notes de Voltaire, et en 1779, celle del'abbé Bossuet.
Ni l'ordre des paragraphes, ni le texte ne furent modifiés.
Au XIXe siècle, on publia enfin des éditions revues sur le manuscrit original, et où l'on s'efforça de reconstituer leplan probable du livre que Pascal méditait d'écrire.
Les plus célèbres sont celles de Faugère (1844), Havet (1851),Brunschvicg (1910).Pascal ne destinait pas son Apologie aux croyants, mais aux libertins, à ceux qui refusaient par principe de discuterles questions religieuses.
Aussi s.
-t-il commencer par une simple analyse psychologique de la n aire humaine, en seservant de Montaigne, qui était le livre de chevet des libertins.
De cette analyse sort une énigme.
L'homme estfaible, l'homme est misérable; il ne possède ni la certitude, ni le moyen d'y arriver.
Mais, au milieu de cette misère, ila des velléités de grandeur et des aspirations démesurées.
Comment accorder ces contradictions ?Ici, Pascal suppose qu'il aura si fortement posé le problème, que le libertin tout le premier sera vivement intéressé àen désirer la solution.
Cherchons donc, eût dit Pascal, si les philosophes peuvent nous y aider.
Toutes lesphilosophies se ramènent à deux types : le pyrrhonisme (Montaigne), le stoïcisme (Épictète).
Or Montaigne n'a vu del'homme que la faiblesse; Épictète, que la grandeur.
Le libertin, piqué au jeu, consent à interroger les religions, nefût-ce que pour les convaincre d'une impuissance égale à celle des philosophies.Dans cette enquête sur les religions antiques, l'ordre historique nous amène à l'examen de la Bible.
Mais là, quetrouvons-nous ? Pascal s'arrête, comme surpris tout le premier; il aperçoit, à la base de la religion chrétienne, undogme, le dogme de la chute, qui, par une clarté subite, nous explique l'état misérable de la créature déchue, et lessouvenirs d'une grandeur passée; le dogme de la Rédemption vient légitimer de nouveau ses espérances.
Ainsi, onest arrivé, sans violence, sans raisonnement dogmatique, sans appareil théologique, à une solution religieuse etchrétienne, chrétienne parce que la religion juive contient la figure de la loi réalisée par le christianisme.Pascal aurait alors ajouté des preuves historiques et théologiques sur Jésus-Christ, les miracles, l'Église, etc.Tel est, vraisemblablement, le plan de cette Apologie, dont il ne nous reste que les fragments réunis sous le titre dePensées.Le style de Pascal.
— Selon Voltaire, les Provinciales sont « le premier livre de génie qu'on vit en prose ».
Et Voltairedit encore : « Il faut rapporter à cet ouvrage l'époque de la fixation du langage.
» Ajoutons que, le premier depuisCalvin, Pascal portait devant le public des questions de théologie.
Il sécularisait tout un domaine d'idées générales..
»
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