PARMENTIER Jean : sa vie et son oeuvre
Publié le 27/11/2018
Extrait du document


«
les
Moluques.
Il mène cependant, dans les intervalles de
ses navigations, une brillante carrière de poète lauréat et
se voit régulièrement couronné lors des puys de Dieppe
et de Rouen.
Il compose à cet effet plusieurs chants
royaux, ballades et rondeaux, et son ami Pierre Crignon
n'hésite pas à le qualifier de «perle en rhetorique fran
çoise et en bonnes inventions ».
En 1527, appelé à parti
ciper à la célébration des festivités qui scellent la paix
conclue entre François 1er et Henri VIII d'Angleterre, il
compose une « momerie » allégorique, qui voit défiler
pêle-mêle Samson, Cincinnatus, Aristote, Cicéron,
Euclide et Tubai, tous porteurs de devises.
La même
année.
il fait représenter une moralité en l'honneur de
« la glorieuse Assumption Nostre Dame ».
C'est là, avec
la publication de sa traduction de l' Hysroire catilinaire
de Salluste en 1528, l'apogée de sa carrière littéraire.
Il
reprend la mer en 1529 et fait route vers Sumatra à la
tête de deux navires, le Sacre et la Pensée.
Son projet
était de pousser jusqu'aux ports de la Chine et d'ouvrir
pour la France une voie précédemment gardée par les
Portugais.
Mais l'équipage est peu à peu décimé par le
scorbut, et les survivants menacent de se mutiner.
Pour
les ramener à la raison, le capitaine Jean Parmentier
compose alors ce qui reste son chef-d'œuvre, le Traicré
en forme d'exhortation, contenant les merveilles de Dieu
er la dignité de l'homme, ample poème tirant du specta
cle de l'immensité de la mer et des cieux une leçon
d'obéissance z,u Créateur.
Après l'arrivée à Sumatra, les
transactions sur les épices se révèlent plus difficiles que
prévu, on s'éternise aux escales, et les fièvres emportent
bientôt les deux frères Jean et Raoul Parmentier, qui
meurent en rade de Ticou au cours du mois de janvier
1530.
Leu r compagnon Pierre Crignon publiera, de
retour en Fran .::e, les dernières œuvres poétiques de Jean,
après avoir rédigé le journal de cette odyssée.
Jean Par
mentier laissait en outre une traduction presque achevée
du Jugurtha de Salluste, fruit de ses longues veilles à
bord.
Dans les pieces à forme fixe composées pour les puys
et qui sont, conformément à r usage.
consacrées à la
célébration de la Vierge selon une série d'allégorèses
réglées, Jean Parmentier apporte aux nombreuses méta
phores marines la densité réaliste du vécu.
C est ainsi
que la mère du Christ est tour à tour identifiée à « La
forte nef toutt: pleine de grâce», et à « La terre neufve
en tous biens fructueuse ».
Mais, sur cette nef, l'équipage
se hèle du be.wpré à la hune, se disposant, voiles car
guées.
à affronter la tempête; et cette terre nouvelle est
pareille à Sumatra, abondante en fruits et en épices.
De
plus.
les louanges adressées à la Très-Souveraine pren
nent place au sein d'une cosmologie indéniablement
remaniée et réorientée à la suite des grandes découvertes.
Le Nord- associé à l'usage de la boussole -représente
le pôle de l'expérience humaine, mais c'est là un monde
connu et décevant, alors que la Croix du Sud, plantée
au-dessus du nouvel hémisphère, signale la protection
efficace et « supernelle >> promise à l'humanité conqué
rante par la Vierge de Miséricorde.
Par ces «chants
royaux >>, de facture et de forme traditionnelles mais oi:t
se coule la thématique inouïe de la découverte de nou
veaux horizons, Parmentier apporte sur cette mutation de
l'imaginaire qui s'opère alors, un témoignage irrem
plaçable.
Le Traicté en forme d'exhortation, conçu et composé
en mer, échappe au cadre étroit des chants royaux comme
aux circonstances festives du puy poétique.
Animé d'une
ampleur nouvelle, il conjugue à 1 'inspiration chrétienne
toujours présente -en l'occurrence.
la célébration de
Dieu à travers la diversité de ses créatures -l'influence
du néo-platonicien Pic de La Mirandole; dans ces stro
phes qui chantent la dignité de l'homme au-dessus de
tous les autres êtres, on retrouve cene confiance d'un premier
humanisme qui n'a pas rompu avec la foi des
siècles antérieurs.
Tour à tour, les merveilles de la mer,
du ciel, de l'air et de la terre s'offrent à la conquête de
l'homme -cet homme que Dieu a établi sur toutes
choses « souverain admirai et grand capitaine».
Dès
lors, celui-ci doit oublier ses appétits matériels, pour
s'élever, comme l'alouette, et chanter la gloire du Très
Haut, ou bondir, à l'instar de la baleine qui semble voler
dans la tempête dont elle se joue.
BIBLIOGRAPHIE
Textes.
-Le Discours de la navigation de Jean et Raoul Par
mentier de Dieppe.
Voyage à Sumatra en 1529.
Description de
Sainct-Dominigo, publ ié par Charles Schefer.
Paris, Leroux.
1883, Slatkine Rep rin ts , 1971.
Ce volume contient, outre le récit
du voyage à Su m atra et à Saint-Domingue, plusieu rs pièces poé
tiques de Jean Parmentier, dont le Traicré en forme d'exhortation
et la Plainte de Pierre Cri gnon sur le rrespas de deffuncrz Jean er
Raoul Parmentier.
Œuvres poétiques, éd.
critique par F.
Ferrand,
Genè ve.
Droz, 1971.
Paul Zumthor.
dans son Anthologie des
grands rhétoriqueurs, Paris, U.G.E., « 10118 >>, p.
257-269.
a
p ublié les Chants-Royaux composés pour les puys de Dieppe et
de Rouen entre 1526 et 1529.
A consulter.
-Paul Zumthor, le Masque et la Lumière.
La
Poétique des grands rhétoriqueurs, Paris .
Le Seuil.
1978; Robert
G ara po n.
«Jean Parmentier, poète de l'immensité>>, Mélanges
Jeanne Lads, Paris .
coll.
de l'Ecole norm ale supérieure de jeunes
filles.
1978.
Il.
p.
671-678..
»
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