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PARÉ Ambroise : sa vie et son oeuvre

Publié le 27/11/2018

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PARÉ Ambroise (1509-1590). Père de la chirurgie moderne, et volontiers célébré comme l’un des précurseurs de la science expérimentale, Ambroise Paré n’en apparaît pas moins, par les facettes divergentes d'une œuvre fertile en contradictions, profondément enraciné dans ce que Michel Foucault a appelé l’« épistémè » de la Renaissance. La revendication de l’expérience personnelle fait fort bon ménage dans ses textes avec les jeux de miroir que se renvoient, d’un bout à l’autre de l'échelle des êtres, les créatures les plus difformes et les plus improbables. La pratique assidue des malades et l’exercice quotidien de thérapeutiques novatrices n’ex-

« cluent nullement chez lui la croyance invétérée au démon de 1 'analogie.

La carrière d'un autodidacte Né près de Laval, Paré fait son apprentissage de la médecine chez un chirurgien de Vitré, avant de «mon­ ter » à Paris.

Aide-chirurgien-barbier, puis maître chirur­ gien à l'Hôtel-Dieu, il accompagne le duc de Montejean lors des guerres du Piémont (1537).

C'est alors qu'il commence une spectaculaire carrière de chirurgien mili­ taire, en improvisant, au fur et à mesure des nécessités, des remèdes inédits.

A la bataille du pas de Suse, il remplace l'habituelle cautérisation des plaies à l'huile bouillante par un pansement à base de jaune d'œuf, de térébenthine et d'huile de rosat.

Au siège de Perpignan en 1542, ou lors de la bataille de Landrecies li v rée en 1543 contre les Impériaux, il soigne les blessés au moyen de ses nouvelles méthodes.

Ces expériences réitérées lui permettent de rédiger sa Méthode de traicter les playes faictes par harquebutes [arquebuses] et aultres bastons à feu et de celles qui sont faictes par flèches, dards et semblables (1545).

L'œuvre de cet autodidacte qui n'a pas daigné lire Galien et qui ignore aussi bien le latin que le grec provoque les risées et la colère de la faculté de médecine de Paris.

Après avoir tenu boutique de chi­ rurgien-barbier à Paris, au début du règne de Henri JI, et pratiqué l'opération de la cataracte, la réduction des fractures et les accouchements, il entre au service du duc de Rohan, puis d'Antoine de Bourbon.

Le roi, qui a entendu vanter ses mérites, se l'attache comme chirur­ gien ordinaire.

Malgré l'hostilité croissante de la Faculté, il reçoit le bonnet de docteur en chirurgie (8 décembre 1554 ), mais c'est à la condition expresse de progresser dans l'étude du latin et des bons auteurs.

Même s' i 1 échoue à sauver Henri II blessé à l'œil par la lance de Montgomery (1559) -et il pratique à cette occasion divers «essais» sur des têtes de décapités -, et s'il ne rencontre guère plus de succès à tenter de différer la mort du jeune et frêle François II ( 1560), i 1 garde la confiance de la dynastie royale, et Charles IX le nomme en 1562 son «premier chirurgien».

Durant les guerres de Religion, qui commencent alors, Paré dispen­ sera également ses soins aux deux camps en présence, parcourant les champs de bataille de Dreux (1562), de Saint-Denis (1567) et de Moncontour (1569).

En 1562 avait paru sa Méthode curative des playes et fractures de la teste humaine avec les portraicts des instruments, et, en 1564, la somme que constituent les Dix Livres de la chirurgie avec le magasin.

des instruments nécessaires à icelle.

Protégé par la faveur royale qui ne se démentira jamais à son égard, Paré mourra octogénaire sans avoir été inquiété pour les opinions réformées qu'il a sans doute secrètement entretenues.

Une collection de monstres Esprit réputé positif, Paré a fait partie de cette élite mythique, de ces précurseurs de la science rationnelle moderne que les historiens du siècle dernier nous ont montrés luttant contre la chape étouffante des autorités.

Héraut malgré lui de la modernité en conflit avec les ultimes résistances de l'obscurantisme médiéval, Paré rejoindrait Palissy et Giordano Bruno dans le dernier combat livré aux entêtantes ténèbres du passé.

En fait, des pans entiers de l'œuvre du chirurgien correspondent mal à cette image : le traité Des monstres et prodiges, publié en 1573 et constamment augmenté par la suite, apparaît de prime abord comme un tissu de légendes empruntées à des sources aussi hétéroclites que les His­ toires prodigieuses de Boaistuau, 1 'Imposture des dia­ bles de Jean Wier, les Apparitions des esprits de Ludwig Lavater et, plus tard, la Cosmographie universelle de Thevet.

On y voit côte à côte le veau-moine et J'évêque de mer, les physetères et baleines d'Olaus Magnus, Je « camphurch >> et le « hulpalim » échappés à la ménage­ rie fantastique de Thevet, mais aussi des comètes, des frères siamois et des gueux affublés de verrues postiches tout droit venus de la cour des Miracles.

Indifférent aux attaques que lui vaut cette rhapsodie tératologique abon­ damment illustrée de figures « esmerveillables », Paré réitère en 1582 avec son Discours de la mumie [momie], des venins, de la licorne et de la peste, qui lui attire, comme le précédent ouvrage, les foudres de la Faculté.

« La grandeur de nature, chambrière de ce grand Dieu , Cette prédilection de Paré pour les monstres n'est, en fait, ni gratuite ni insignifiante.

La tératologie ne représente que J'expression extrême et exaspérée de cet admirable jeu de la Nature, laquelle s'est plu à diversifier à 1' infini ses formes et ses nuances.

Le monstre, parado­ xalement, se révèle indissociable de cette perfection que le Créateur a d'emblée conférée à l'univers.

Celui-ci demeurerait incomplet sans ces formes hybrides et appa­ remment fautives qui restituent à la continuité des êtres les chaînons manquants.

Le « voyage au pays du possi­ ble >> que dessinent, selon la belle expression de Jean Céard, ces deux traités, est à déchiffrer comme un essai de restitution de la totalité intacte du monde.

Paré se montre au demeurant assez peu soucieux de taxinomie : il lui suffit que les êtres soient gouvernés par Je principe de J'analogie universelle.

Du microcosme au macro­ cosme, en vertu de la vieille doctrine cosmologique, la parenté est étroite, et Paré s'en autorise pour décrire en chirurgien les beautés de la terre et des océans, ou en géographe les symptômes de telle affection pathologi­ que.

C'est ainsi que, dans son Traité de la peste (1568), les pluies sont comparées aux hydropisies, les tremble­ ments de terre aux spasmes fébriles, les éclipses aux syncopes, les montagnes aux bosses et tumeurs, etc.

Par les jeux de la similitude, Paré peut donc annexer à la chirurgie, science « manuelle» et des plus vulgaires, considérée à l'époque comme la parente pauvre de la médecine, le champ universel du savoir.

C'est cela que ne lui pardonnèrent jamais les membres éminents de la Faculté, qui vouèrent à plusieurs reprises ses livres au bûcher.

C'est cette même ambition qu'ont méconnue les apologistes modernes de Paré, pour le confiner dans une spécialité dont son œuvre, visionnaire et passablement irrationnelle, n'avait jamais cessé d'outrepasser les bornes.. »

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