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Par un commentaire suivi de ce poème de Mallarmé, vous montrerez, en vous plaçant aux points de vue du sentiment, des images et de la musique du vers, comment un poète moderne a pu renouveler le thème de l'évasion.

Publié le 10/02/2011

Extrait du document

Brise marine    La chair est triste, hélas! et j'ai lu tous les livres.    Fuir! là-bas fuir! Je sens que des oiseaux sont ivres    D'être parmi l'écume inconnue et les cieux!    Rien, ni les vieux jardins reflétés par les yeux    Ne retiendra ce cœur qui dans la mer se trempe,    O nuits ! ni la clarté déserte de ma lampe    Sur le vide papier que la blancheur défend    Et ni la jeune femme allaitant son enfant.    Je partirai! Steamer balançant ta mâture,    Lève l'ancre pour une exotique nature!    Un Ennui, désolé par les cruels espoirs,    Croit encore à l'action suprême des mouchoirs!    Et, peut-être, les mâts, invitant les orages,    Sont-ils de ceux qu'un vent penche sur les naufrages    Perdus, sans mâts, sans mâts, ni fertiles îlots...    Mais, ô mon cœur, entends le chant des matelots !

a) Quand on veut définir le thème de l'évasion, à qui faire appel d'abord, sinon à Chateaubriand? C'est d'abord la poésie du voyage. En décrivant les forêts et les nuits du Nouveau Monde, en promenant son lecteur dans le monde classique, de Paris à Jérusalem, il ouvre la vision de l'univers habité ou désert à la littérature; il établit des correspondances secrètes entre la nature et l'homme. Pour la première fois il rend compte de la volupté qu'inspire la contemplation de sites grandioses et de la mélancolie qu'entretient dans l'âme le spectacle de certains paysages (automne, ruines). L'évasion, c'est aussi l'aspiration à un paysage inconnu. René se figure « des bords ignorés «. C'est là un des traits les plus significatifs de l'âme romantique : le rêve de pays lointains et merveilleux où tout doit être plus beau que dans nos climats. Cependant jamais René ne précise : sa rêverie lui plaît d'autant mieux qu'elle est plus vague. Il ne sait pas où les oiseaux l'emmèneraient : l'essentiel serait qu'ils pussent l'emmener.

« a) Quand on veut définir le thème de l'évasion, à qui faire appel d'abord, sinon à Chateaubriand? C'est d'abord lapoésie du voyage.

En décrivant les forêts et les nuits du Nouveau Monde, en promenant son lecteur dans le mondeclassique, de Paris à Jérusalem, il ouvre la vision de l'univers habité ou désert à la littérature; il établit descorrespondances secrètes entre la nature et l'homme.

Pour la première fois il rend compte de la volupté qu'inspire lacontemplation de sites grandioses et de la mélancolie qu'entretient dans l'âme le spectacle de certains paysages(automne, ruines).

L'évasion, c'est aussi l'aspiration à un paysage inconnu.

René se figure « des bords ignorés ».C'est là un des traits les plus significatifs de l'âme romantique : le rêve de pays lointains et merveilleux où tout doitêtre plus beau que dans nos climats.

Cependant jamais René ne précise : sa rêverie lui plaît d'autant mieux qu'elleest plus vague.

Il ne sait pas où les oiseaux l'emmèneraient : l'essentiel serait qu'ils pussent l'emmener. L'évasion est possible aussi par la musique.

On connaît la prédilection de Chateaubriand pour les chants populaires.et les chansons vraiment populaires sont des complaintes, même lorsqu'elles expriment la gaîté.

L'évasion, c'estenfin le dégoût de la vie présente.

L'homme de Chateaubriand est peint avec le découragement, la lassitude morale,l'ennui qui lui font « bâiller sa vie », la jouissance morbide à exacerber ses souffrances, à irriter le mal mystérieuxdont il est tourmenté.

Tous les romantiques éprouveront cette langueur et cet ennui de vivre : Lamartine appelle luiaussi « l'orageux aquilon qui doit l'emporter sur son aile, comme une feuille flétrie ».

Vigny chante le héros dont leplus ardent désir est de « s'endormir du sommeil de la terre ». b) Chez Baudelaire tous ces symptômes deviendront plus graves et plus accentués, parce qu'ils sont ceux non d'uneseule génération, mais de l'âme moderne tout entière.

Le poète des Fleurs du Mal, comme Valéry l'a bien vu (VariétéII, Situation de Baudelaire) fait sortir la poésie française des frontières de la nation : « Elle se fait lire dans lemonde, elle s'impose comme la poésie de la modernité : elle engendre l'imitation, elle féconde de nombreux esprits...ni Verlaine, ni Mallarmé, ni Rimbaud n'eurent été ce qu'ils furent, sans la lecture qu'ils firent des Fleurs du Mal, àl'âge décisif.

» Or toute la vie de Baudelaire fut un douloureux voyage : le thème du voyage, de l'évasion est le plus profond et leplus permanent de toute son œuvre.

Echapper à l'horreur de la vie, au cimetière intérieur, à la misère de notrecondition, à l'obsession du spleen fut chez lui une hantise.

Évasion dans l'exotisme, dans l'amour, dans le surnaturel,le rêve et les moyens artificiels, enfin dans la mort : « Je ne suis jamais bien nulle part et je crois que je seraistoujours mieux ailleurs que là où je suis (Poèmes en Prose : Les Vocations).

Dans la première pièce de cette mêmesérie (L'Etranger), il présente un énigmatique personnage qui ne se soucie ni de parents, d'amis, de patrie, ni d'idéal,mais se perd dans la contemplation des nuages aperçus à la limite de l'horizon.

Souvent ce départ de l'imaginationest aussi recherché dans la sensualité : les parfums sont pour le poète d'une richesse infinie; ils évoquent, par desubtiles associations, tout un cortège d'images et le transportent dans des contrées lointaines où règne la volupté(Parfum exotique, La Chevelure).

Parfois aussi, c'est une concordance à caractère plutôt intellectuel, ainsi entrel'infini de la mer ouvert à tous les êtres et la pensée sans limites de l'homme indépendant (L'homme et la mer).

D'unefaçon générale, l'image du vaisseau est toujours intimement liée, dans l'esprit du poète, à l'idée de départ etd'inconnu (Invitation au voyage) : « Ces robustes navires, à l'air désœuvré et nostalgique, ne nous disent-ils pasdans une langue muette : quand partons-nous pour le bonheur? » « L'idée poétique qui se dégage du vaisseau estl'hypothèse d'un être vaste, immense, compliqué, mais eurythmique, d'un animal plein de génie souffrant et soupiranttous les soupirs et toutes les ambitions humaines » (Journaux Intimes, Fusées).

Plus que tout autre poète,Baudelaire a été sensible à la poésie du port : « Un port est un séjour charmant pour une âme fatiguée des luttes dela vie.

» D'autre part, même en l'absence de tout paysage perçu par les yeux, la musique peut, elle aussi, provoquerce départ de l'imagination et des sens.

Dans les Poèmes en prose, décrivant ces « énormes navires que les fleuvescharrient », il évoque les « chants monotones de la manœuvre ».

Toutes ces visions et toutes ces sensationspermettent à Baudelaire d'échapper parfois à l'angoisse du spleen, à l'obsession de l'exil et à celle du temps.

Plus sasolitude morale augmente, plus il tente d'y échapper par les séductions du voyage imaginaire. II.

— Le poème de Mallarmé : les sentiments. Ce poème est un dialogue passionné qui a lieu dans l'âme du poète entre le désir de partir et les attaches de la viequotidienne.

Tour à tour la monotonie (v.

1, 4, 6, 7, 8) ou la stabilité (v.

11-15) de la vie sédentaire, s'opposent àl'appel du large et à la libération par l'aventure (v.

2, 3, 5, 9-10, 16). 1° La vie quotidienne et sédentaire. a) Ses prestiges trompeurs. — le passé et la tradition : « J'ai lu tous les livres.

» Le poète renie l'érudition des siècles passés.

La littérature nesaurait lui apporter la libération qu'il attend, ne saurait lui faire transcender la monotonie décevante et la laideur («la chair est triste ») du monde qui l'entoure.

On se rappelle que l'érudition livresque en matière de morale a étéprécisément ressentie par les romantiques comme une des causes du mal du siècle : « Le grand nombre d'exemplesqu'on a sous les yeux, la multitude des livres qui traitent de l'homme et de ses sentiments rendent habile sans expérience...

» (Chateaubriand, Génie duChristianisme.) C'est-à-dire que le développement de la civilisation qui donne une connaissance théorique, engendrele scepticisme.

C'est pour cette raison qu'après avoir fait des études, René s'élance seul sur « cet orageux océan dumonde dont il ne connaissait ni les ports, ni les écueils ».

Mais quel est l'homme qui n'éprouve, après avoir étudié, ledésir « d'ouvrir le grand livre du monde »? (Descartes.). »

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