PALISSOT DE MONTENOY Charles : sa vie et son oeuvre
Publié le 27/11/2018
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PALISSOT DE MONTENOY Charles (1730-1814). Auteur de neuf pièces de théâtre, d’une épopée satirique et d’un dictionnaire de littérature, cet écrivain obtint la célébrité non grâce à son talent personnel limité, mais par l’éphémère rencontre d’une de ses œuvres, les Philosophes, avec la bienveillance d’un gouvernement et l’attente d’un public friand de querelles d’idées.
Fils d’un avocat nancéien, considéré au collège comme un enfant prodige, bientôt protégé par la famille des Stainville, notamment par le futur Choiseul, il est élu à la Société royale des sciences et belles-lettres de Nancy. Après avoir publié quelques essais, il écrit pour une fête officielle la comédie du Cercle (1755), où apparaît une caricature de Jean-Jacques Rousseau. Tollé chez les «philosophes»! D’Alembert mène l’offensive, et
Palissot ne peut conserver la faveur du roi Stanislas qu’à la suite d’une généreuse intervention de la victime elle-même.
Son orientation antiphilosophique se précise bientôt : il participe à la campagne contre l’Encyclopédie en publiant ses Petites Lettres sur de grands philosophes (1757), dont la deuxième ridiculise le Fils naturel de Diderot. Sûr de la protection de Choiseul, ministre trop heureux de fourvoyer dans les méandres des querelles littéraires une opinion publique inquiète des revers de la guerre de Sept Ans, il voit représenter au Théâtre-Français sa comédie des Philosophes (2 mai 1760). Au fil d’une intrigue sans originalité, empruntée, pour l’essentiel, aux Femmes savantes, on pénètre dans un salon féminin, où quelques philosophes soutiennent les visées d’un coureur de dot : Palissot les y accuse
D'aimer le genre humain, mais pour n'aimer personne,
et, en ces temps de guerre patriotique, il fait dire à Dortidius (Diderot) :
Je m'embarrasse peu du pays où j'habite;
Le véritable sage est un cosmopolite.
Voltaire seul échappe au boniment d’un colporteur insipide tandis qu’un valet disciple de Rousseau, à quatre pattes, tire une laitue de sa poche [voir Philosophes].
Peu à peu, après le triomphe éphémère que lui a valu cette pièce, Palissot perd l’appui du pouvoir, devenu respectueux du parti philosophique. En outre, sa brouille avec Fréron, mécontent des bons rapports qu’il conserve avec Voltaire, l’isole du plus intelligent des antiphilosophes. Il se venge en écrivant la Dunciade ou la Guerre des sots (1764), épopée burlesque : le général des sots, Marmontel, tente de conduire à la conquête du Parnasse les troupes de la déesse Stupidité, montée sur l’âne Ali-boron-Fréron, spirituellement pourvu d’ailes placées à l’envers!
Deux autres comédies antiphilosophiques sont écartées de la scène jusqu’en 1782. Les Courtisanes (1775) présentaient le personnage de Sophanès, philosophe sans scrupules qui prêche l’abandon de toute morale :
L'instinct de la Nature est ma règle et mon code.
«
roi
Stanislas, Palissot voulut établir une théorie de ce
genre qu'avaient illustré Aristophane et Molière, et qui
p ara issa it nécessaire dans la cité pour régler les mœurs ...
au service de l'ordre établi.
Pour lui, Aristop hane avait
raison d'attaquer Socrate.
De là ses diatribes contre la
plupart des philosophes.
Voltaire en est excepté, proba
blement en tant que pouvoir littéraire à ménager.
Cet état d'es prit n'entrave pas le curieux itinéraire
politique de Palissot.
Alors que la plupart des littéra teurs
co nte m por ains évoluaient d'une position « philoso phi
que » sous l'Ancien Régim e jusq u'à une attitude contre
révolutionnaire avant ou après Thermidor, l'auteur réac
tionnaire des Philosophes prô ne la Révolution, puis siège
au Conseil des Anciens.
Malgré tout, il subsiste chez lui
une certaine perma nenc e de la pensée : d'une part, le
respect d'une forme de classicisme lié au« goût» voltai
rien, d'autre part, sauf à 1' extrême fin de sa vie, une
ph ilosop hie modérée fondée sur le théisme et le sensua
lisme de Locke.
Intelligent, mais faible et sans génie, sans cesse atta
qué par des ennemis qu'il pro vo qua it, Palissot avait
besoin des autres, fOt-ce de leur haine, pour exister.
Il
joue avec délices le jeu de la persécu tio n : l'a u top ortrait
de l'Homme dangereux le prouve, ainsi que l'article qu'il
se consacre à lui-mêm e dans les Mémoires sur la littéra
ture.
Le Neveu de Rameau, publié en 1821, qui lui réser
vait une place si éminente dans la «ménagerie» du
financier Bertin, l'eût peut-être réjoui; il l'assure en tout
cas d'une célébrité mieux établie que l'éphémère succès
des Philosophes.
BffiLIOGRAPHIE On lira les Philosophes dans 1'édition de La Pléiade établie
par J.
Truchet (Thltltre du xvut' siècle, vol.
II, Gallimard, 1974).
Pour une plus grande connaissance de l'homme, on se reponera
à la thèse si riche de O.
D elaf ar ge, la Vie et l'Œuvre de Pa/issor.
Paris.
1912, ou à quelques articles plus récents (ainsi, de C.
Duckworth : « l'Écossaise and les Philosophes », Studies on Vol
r a ir e n° LXXXVII.
Ban bury , 1972).
Le lecteur qui fré qu ent e les
bibliothèques publiques pourra trouver un charme désuet à fa
Dunciade.
imit a tion bâtarde de la voltairienne Pucelle, ou même
aux Courtisanes et à l'Homme dangereux.
Il s'amusera enfin à
prendre l'auteur en flagrant délit de contradiction dans ses juge
ments littéraires en comparant les diverses éditions des Mémoires
sur la Jiuüawre (l'a rtic le Sillery/Genlis est en ce sens part icu
lièrement édifiant!)..
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