P. Valéry déclare: « Quant à moi, je classe les livres selon le besoin de les relire qu'ils m'ont plus ou moins inspiré. » En cherchant à définir, à l'aide d'exemples, les raisons qu'on peut avoir de relire un livre, vous apprécierez l'opinion de P. Valéry.
Publié le 27/04/2014
Extrait du document
INTRODUCTION
Paul Valéry célèbre en ces termes les grands de la Renaissance
italienne : « Ils ne s'étudiaient point à se faire remarquer mais à se faire
longuement regarder, ce qui est fort différent... Étonner dure peu;
choquer n'est pas un but à longue portée. Mais se faire redemander par
la mémoire, instituer un grand désir d'être revu, c'est là viser non
l'instant de l'homme qui passe, mais la profondeur même de son être.
Une Œuvre qui rappelle les gens à elle est plus puissante que l'autre qui
n'a fait que les provoquer. Ceci est vrai en tout : quant à moi, je classe
les livres selon le besoin de les relire qu'ils m'ont plus ou moins inspiré. «
Quelle valeur attribuée à ces réflexions?
A l'âge où l'on n'a encore pas lu beaucoup de livres, peut-être est-on
plus désireux d'en lire de nouveaux que de relire ceux qu'on connaît déjà.
Pourtant l'enfant à qui l'on a raconté une histoire ne demande-t-il jamais
qu'on la lui raconte à nouveau? Et si, enfants et adultes, nous avons des
bibliothèques, n'est-ce pas dans la pensée qu'un jour nous aurons plaisir
à relire les livres que nous y conservons? Nous pourrons donc chercher à
définir les raisons qui peuvent nous pousser à relire certaines œuvres et
nous verrons, en conclusion, jusqu'à quel point nous partageons l'opinion
de P. Valéry.
«
celles qui nous ont captivés par les péripéties de l'action et dont les
personnages sont pour nous des êt res familiers : c'est l'avantage du livre
par rapport à la pièce de théâtre ou au film, de nous permettre de revivre
quand il nous plaît les situations dont le « suspens » nous avait tenus en
haleine, les scènes qui nous avaient emplis de crainte pour le h éros, où
nous avions été émus par ses souffrances, enthousiasmés par son
courage, amusés par des moments comiques, soulagés par un heureux
dénouement.
Comme ces lieux où l'on revient en vacances et qui, lorsque
nous les retrouvons, nous rappellent notre pa ssé, il arrive qu'aux
émotions déjà vécues en une première lecture se mêle le souvenir des
circonstances qui l'ont accompagnée.
On sait le plaisir qu'éprouve le
narrateur du Temps retrouvé lorsque, dans la bibliothèque de l'hôtel de
Guermantes, un livre de G.
Sand, François le Champi , que sa mère lui
avait lu à Combray, fait renaître en lui une soirée mémorable de son
enfance : « C'était l'enfant que j'étais alors que le livre venait de susciter
en moi.
» (éd.
Pléiade, III, p.
884) .
Quel que soit le plaisir que nous
procure cette nouvelle lecture, nous ne nous y attarderons pas, car il ne
suffirait pas à nous prouver la supériorité de ces livres si nous n'y
trouvions d'autres preuves de leur valeur.
A.
A U DELA DE LA PREMIERE LECTURE
Notre première lecture est souvent guidée par le désir d'arriver au
terme de l'intrigue, qu'il s'agisse d'un roman ou d'une œuvre théâtrale;
nous en avons une première connaissance, comme lorsqu'une
promenade en voiture nous fait parcourir une région.
Mais nous avons,
au passage, entrevu des monuments que nous aurions aimé visiter, des
hommes avec qui nous aurions voulu converser plus longuement.
Il en
est de même des livres dont nous sentons qu'une nouvelle lecture nous
révélera mieux la richesse des carac tères, la vérité des sentiments qui
nous ont touchés, la profondeur des idées qui nous ont intéressés.
Parmi les caractères des personnages d'une pièce ou d'un roman, il
en est dont le rôle nous avait paru secondaire et qui avaient moins retenu
notre at tention.
Une nouvelle lecture nous permet, chez un grand auteur, d'y
retrouver la même sûreté de trait que dans les personnages de premier
plan, comme en un tableau où l'esquisse d'un détail révèle la même
justesse d'observation que le portrait achevé qui attire d'abord nos
regards.
Si l'amour d'Hippolyte pour Aricie peut sembler sans rapport
avec celui que Phèdre a conçu pour lui, tant par son rôle dans l'action que
par sa pureté, une nouvelle lecture nous fait découvrir chez l'un et l'autre
le même effort pour échapper à un sentiment qu'ils jugent coupable,
l'inutilité de leur fuite.
« Je l'évitais partout...
Vaines précautions...
» (I,.
»
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