OTON DE GRANSON : sa vie et son oeuvre

OTON DE GRANSON (1340-1397). Ce grand seigneur, homme de guerre et poète, qui fut le plus souvent au service du roi d’Angleterre, connut bien des mésaventures quand il reprit l’héritage paternel en Savoie. Conseiller d’Amédée VII, le Comte rouge (1389), il est, à la mort de celui-ci en 1391, accusé de complicité d’empoisonnement. Ses terres sont confisquées, il est exilé, puis on le réhabilite. Une nouvelle accusation l’oblige à soutenir un duel judiciaire; il est tué à Bourg par son adversaire, Gérard d’Esravayer. Sa réputation de vaillance fut grands (Froissart le cite élogieusement), mais sa gloire de poète ne le fut pas moins (Chaucer le traduit). Son œuvre, conservée par deux manuscrits, est typique du lyrisme d’après Machaut : 80 pièces subsistent, avec le Livre Messire Ode, le tout s’ordonnant autour de l’« histoire » des amours malheureuses pour « Isabelle », « la non-pareille de France », pour laquelle le poète se forge un rôle d'amant douloureux, qui le fait passer pour un modèle dans le « mestier » : « Se pour estre d’Amours martir/Doit nulz amans valoir le mielx/J’ay esperance de venir/Ou paradis des amoureux ». Certes, dit-il, « il n’est confort qui tant de bien me face/Quant je ne puis a ma dame parler/Comme d’avoir temps, loisir et espace/De longuement en sa valour penser»; mais pour lui, l’amour est «tout a rebours de ce qu’on vuelt trouver ». C'est ainsi que la Saint-Valentin va devenir la fête symbolique, la date de la joie imposée, face à laquelle il pourra définir sa différence, mettre en valeur sa tristesse : le jour de l’amour isole, dans la Complainte de saint Valentin,