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ORMESSON Jean Lefèvre d' : sa vie et son oeuvre

Publié le 27/11/2018

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ORMESSON Jean Lefèvre d' (né en 1925). Jean d’Ormesson est issu d’une famille particulièrement illustre : quatre de ses membres, dont le propre père de l’écrivain, furent, en effet, ambassadeurs de France. Il a passé la plus grande partie de son enfance à l’étranger, en Allemagne, en Roumanie, puis au Brésil; de retour en France en 1938, il fit ses études au lycée Louis-le-Grand, et ensuite à l’Ecole normale supérieure où il fut reçu en 1945. Agrégé de philosophie, il commença alors, poursuivant en cela une tradition familiale, une carrière de haut fonctionnaire; il sera attaché à divers cabinets ministériels puis exercera d’importantes responsabilités à F Unesco. En 1949, il s’oriente aussi vers le journalisme et collabore notamment à Paris-Match, à Ouest-France et à Nice-Matin. Son mariage, en 1962, avec Françoise Beghin l’allie à la grande bourgeoisie d’affaires. L’année 1974 marque une consécration dans la carrière exemplaire de Jean d’Ormesson : il est élu à l’Académie française et, en février, devient directeur du journal le Figaro, alors propriété de Jean Prouvost. Il conservera cette fonction un court laps de temps : en 1976, le journal est vendu à Robert Hersant, et, après Raymond Aron, d’Ormesson quitte le célèbre quotidien. Il reviendra par la suite comme chroniqueur au Figaro-Magazine.

« prend également des ouvrages, à la fois Mémoires et essais, où l'homme Jean d'Ormesson converse avec le lecteur (Du côté de chez Jean, 1959; Au revoir et merci, 1 966; Le vagabond qui passe sous une ombrelle trouée, 1978).

Enfin, Mon dernier rêve sera pour vous, une bio­ graphie sentimentale de Chateaubriand ( 1982), marque une étape de plus dans l'évolution vers le genre historique.

Les livres de Jean d'Ormesson présentent des contras­ tes évidents de tonalité : autant l'écrivain des Mémoires paraît souvent ironique, léger, provocateur, laissant cou­ rir sa plume au gré de son inspiration, autant le romancier semble sérieux, prudent, voire méticuleux, cherchant à recréer, à force de détails précis, tout un passé.

Dans le premier cas, les pages de Jean d'Ormesson abondent en professions de foi hédonistes : « Rêver, dor­ mir, ne penser à rien, ne rien faire, m'a toujours paru autrement délicieux que de gagner de l'argent, des batail­ les, et même de la réputation » (Le vagabond qui passe sous une ombrelle trouée).

Aucune trace pourtant, dans ce discours, d'anarchisme; au contraire, il semble bien qu'il relève plutôt d'une certaine conception aristocrati­ que de l'existence.

D'avance, Jean d'Ormesson récuse - sans marquer, d'ailleurs, la moindre velléité de mili­ tantisme -les valeurs de la bourgeoisie et de la société de consommation que celle-ci a engendrées : travail, morale, vitesse, argent, ostentation, et surtout réussite : «Je n'ai rien contre les ratés ...

ils me semblent souvent plus libres, plus séduisants, et même plus profonds que toutes ces mécaniques d'horlogerie fabriquées par concours» (ibid.).

A la réussite sociale, il oppose la recherche d'un bonheur axé sur le plaisir personnel que chaque individu prend à vivre.

On retrouve ici un des fondements de l'idéologie de la noblesse du xv111e siècle.

Alexis, l'empereur, maître du monde, quittera son trône pour devenir un homme et apprendre à mourir.

Pour Jean d'Ormesson, l'acte d'écrire est une manière, parmi d'autres, pour l'être humain d'être heureux en replon­ geant dans le passé par une opération de 1' esprit à mi­ chemin entre le rêve et la curiosité intellectuelle; car le thème qui paraît occuper une place centrale, chez l'au­ teur, sous la double influence des écrivains de ce siècle et de Chateaubriand, c'est celui du temps : (le Vagabond qui passe sous une ombrelle trouée).

Ce goût a conduit Jean d'Ormesson à aborder le roman historique, et, conformément aux lois de ce genre, il a choisi comme «sujets >> des temps troublés, des époques où l'Histoire semble s'imposer par t'évidence de son évolution préci­ pitée : le haut Moyen Age, avec les invasions des Barba­ res, et le xxe siècle, avec ses bouleversements sociaux et technologiques.

«L'Histoire est un roman qui a été, le roman est de l'Histoire qui aurait pu être» : cette citation des frères Goncourt, placée en épigraphe de la Gloire de l'Empire, pose à merveille le problème de ce genre si particulier qui se situe à l'exacte frontière de la vérité et de la fiction.

Or, ici, Jean d'Ormesson rompt avec la technique traditionnelle de ce type d'ouvrage : dans la Gloire de l'Empire, il crée de toutes pièces une histoire entière­ ment fictive, avec de fausses généalogies, de fausses chronologies, de fausses bibliographies critiques, de faux documents archéologiques qui ont toutes les apparences de la vérité.

L'écriture devient une sorte de jeu littéraire où l'auteur se livre au plaisir d'inventer un réel et où le lecteur s'amuse à rechercher, à travers les noms imaginés et les faits fictifs, des noms et des faits historiques : l'empereur Alexis, comme Justinien, épouse une Théo­ dora; les philosophes qui marquent son règne se nom­ ment Herménide et Paraclite.

Les clins d'œil au lecteur cultivé capable d'éclaircir l'origine d'un nom, de démasquer la référence à un évé­ nement véritable derrière la fiction contrastent avec la solennité apparente du sujet et du discours.

Jean d'Or­ messon excelle dans le difficile exercice du pastiche érudit -qui unit une réflexion critique et l'aveu implicite d'un échec : le roman ne peut cacher son impuissance littéraire.

A sa manière, donc, l'œuvre de Jean d'Ormes­ son s'inscrit dans une tentative pour éctire « quand même» à une époque où tant d'auteurs doutent de la possibilité même d'une création littéraire.

BIBLIOGRAPHIE R.

Kanters,. »

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