Devoir de Philosophie

« On peut considérer l'écrivain selon trois points de vue différents : on peut le considérer comme un conteur, comme un pédagogue, et comme un enchanteur. Un grand écrivain combine les trois : conteur, pédagogue, enchanteur mais chez lui, c'est l'enchanteur qui prédomine et fait de lui un grand écrivain. » Nabokov, Littérature I. Partagez-vous cette opinion ? Vous appuierez vos arguments sur des exemples précis.

Publié le 28/02/2011

Extrait du document

 

 

 

Définir l'écrivain est un problème qui préoccupe depuis longtemps les philosophes, les romanciers, les poètes, c'est-à-dire ceux qui vivent pour l'écriture - de l'écriture aussi ! -.Le critique Nabokov propose comme tant d'autres une définition. Il pense que l'« on peut considérer [l'écrivain] comme un conteur, comme un pédagogue et comme un enchanteur « ; il ajoute de plus une précision très ferme :... « chez [le grand écrivain], c'est l'enchanteur qui prédomine et fait de lui un grand écrivain. « Comment expliquer les termes de « conteur « et « pédagogue « appliqués à l'écrivain ? Comment comprendre le terme « enchanteur « et l'importance que lui accorde Nabokov, car en définitive qu'est-ce qu'un « grand écrivain « ?

 

« * * * Le terme « pédagogue » est le deuxième utilisé par Nabokov pour qualifier l'écrivain.

Littéralement le pédagogue estcelui qui instruit, éduque.

Certains auteurs assurent effectivement cette fonction.

L'instruction qu'ils dispensent nes'adresse pas aux adolescents ou aux enfants, mais à l'homme en général ; leur but est d'ouvrir les yeux del'humanité sur de vastes problèmes la concernant, ou plus particulièrement, de sensibiliser leurs contemporains auxproblèmes de leur époque.

L'écrivain-pédagogue peut d'abord s'intéresser à des problèmes métaphysique (voirVocabulaire technique).

C'est le cas de Pascal dans Les Pensées, à l'origine œuvre qui devait être une Apologie de lareligion chrétienne, visant à convertir les libres penseurs du XVIIe siècle.

Le croyant-penseur veut faire prendreconscience à son lecteur de l'aspect misérable de la condition de l'homme : perdu entre deux infinis, soumis auxpuissances trompeuses des sens, coutumes, imagination ou amour-propre, l'être humain est perpétuellementdétourné de lui-même et de l'amour de Dieu par un mouvement inutile et d'action illusoire (« divertissement »).Voltaire réagira d'ailleurs contre cette vision pessimiste.

Dans Micromégas, il montre à ses lecteurs que les questionsmétaphysiques restent sans réponse : cette idée est matérialisée par le livre aux pages blanches donné par le géantSirius aux hommes, à la fin du conte.

Il faut donc « se taire » comme le derviche de Candide et apprendre à «cultiver notre jardin » au lieu de nous perdre en discours philosophiques vains et stériles ; Voltaire nous proposefinalement - et nous conseille - un art de vivre fondé sur l'action : l'homme doit travailler, selon ses capacités, audéveloppement du progrès, afin d'améliorer sa condition.

Là l'écrivain-pédagogue se penche sur des problèmeséthiques.

C'est ce que fait aussi Montaigne dans Les Essais.

Il n'y a pas, chez cet humaniste, de souciexcessivement métaphysique.

Sa préoccupation essentielle est « de bien faire l'homme » ; il y travaille d'expériences(« essais ») en expériences.

D'abord il va réussir à se défaire du « pensement de la mort ».

Il faut parvenir à «savoir vivre cette vie ».

Certes, ce n'est pas l'épicurisme de Ronsard, mais le même bon sens préside au conseil dece dernier dans les Sonnets pour Hélène. « Cueillez, dès aujourd'hui, les roses de la vie.

» L'écrivain-pédagogue peut également se pencher sur des problèmes concernant la société.

Montesquieu, dans Leslettres persanes, sous couvert d'un récit, dans un sévère tableau critique de son époque, attaque la monarchieabsolue, ainsi que l'Église et sa puissance temporelle.

Dans L'esprit des lois, il s'élève contre l'esclavage avec unhumour féroce mêlé d'indignation.

Rousseau, lui, critique violemment une société déformante et rêve d'un retour à l'«état de nature ».

Dans le Discours sur l'origine de l'inégalité », il reconstitue en un superbe tableau lyrique unepetite société primitive vivant en cet état de nature qu'il considère comme idéal, et qui a été perdu par un « hasardfuneste » avec l'avènement de la propriété.

Flaubert, l'un des plus célèbres romanciers (-conteurs) du XIXe siècle,donne leçons et conseils à travers l'exemple néfaste de Mme Bovary, ou attaque les préjugés de son temps dans leDictionnaire des idées reçues.

Enfin au XXe siècle, des philosophes comme Sartre ont prôné la nécessité d'unengagement de l'écrivain dans son époque pour mieux montrer aux hommes qu'ils sont toujours tous concernés, quoique ce soit qui se passe sur la planète.

C'est d'ailleurs ce que prouve aussi Éluard lorsqu'il dénonce la guerred'Espagne dans La victoire de Guernica. Mais l'œuvre d'un pédagogue fait-elle forcément partie de la littérature ? Peut-on concilier pédagogue et grandécrivain ? Tous les auteurs cités précédemment sont reconnus grands écrivains ; qu'est-ce qui les différencie d'unjournaliste qui peut être aussi pédagogue ? On pourra peut-être objecter que les journalistes s'intéressentessentiellement à des faits dépendants d'une époque précise alors que les grands écrivains s'interrogent sur desproblèmes plus universels.

On pourrait alors assimiler écrivains-pédagogues et philosophes ; il existe néanmoins unedifférence.

Chez le philosophe, c'est le concept qui domine, donc dans ce cas l'aspect pédagogue ; chez l'écrivaind'autres valeurs, spécialement artistiques ne sont jamais négligées.

On peut alors dire que les pédagogues ne sontpas forcément de grands écrivains au regard de la littérature.

De même il existe de grands auteurs qui ne sont niconteurs, ni pédagogues.

Stéphane Mallarmé, qui revendique l'hermétisme de sa poésie, ne peut pour cette raisontoucher par des conseils précis un public étendu.

A-t-il placé dans ses textes un message apparent ? Ne s'est-il pascontenté de forger des « bibelots d'inanité sonore » ? Il n'est pas non plus un conteur visible : qui pourrait voir unrécit, une histoire dans l'Azur t Ni pédagogue accessible, ni conteur réel, Mallarmé n'en est-il pas moins un grandpoète, un grand écrivain ? Nous avons vu qu'être conteur ou être pédagogue ne sont des raisons ni nécessaires ni suffisantes pour être ungrand écrivain.

Celui qui se consacre à la littérature ne s'adonne-t-il pas à un autre aspect de l'écriture ? Au-delàdu conteur, au-delà du pédagogue, l'écrivain n'est-il pas, comme l'affirme Nabokov, un enchanteur ? * * * Le terme d'enchanteur est celui auquel le critique semble accorder le plus d'importance ; c'est un terme très fort.L'enchanteur est celui qui séduit, qui charme, mais aussi qui envoûte, ensorcelle.

Le mot même pose problème : parquoi est-on séduit dans un livre ? On pourrait répondre que le charme d'un livre vient de l'histoire qu'il raconte oudes idées qu'il contient et que par ce biais tout conteur et tout pédagogue peuvent être des enchanteurs.

Mais ceserait simplifier le problème ; car même si c'est de l'intérêt du récit ou de la pertinence du raisonnement que. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles