On parle toujours du XVIIIe siècle comme d'un siècle de philosophie et de philosophes : L'esprit philosophique, écrit Diderot, est un esprit d'observation et de justesse qui rapporte tout à ses principes; mais ce n'est pas l'esprit seul que le philosophe cultive; c'est un honnête homme qui veut plaire et se rendre utile. Montrez comment cette définition s'applique aux écrivains du XVIIIe siècle, en prenant vos exemples parmi ceux que vous connaissez.
Publié le 08/05/2011
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Si le XVIIIe siècle est le siècle des Philosophes, il est aussi celui des salons; ce sont les Philosophes qui animent la vie de société. Diderot, l'habitué du salon de Mlle de Lespinasse, le commensal de Mme d'Epinay et l'ami du baron d'Holbach pouvait donc, en songeant à lui-même, constater cet accord entre la Philosophie et le monde : L'esprit philosophique... c'est un honnête homme qui veut plaire... La première partie de la définition : L'esprit philosophique est un esprit d'observation..., indique les qualités essentielles de tout véritable penseur.
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Premier exemple.
Un philosophe mondain : Montesquieu.
a) Observation et justesse Personne au XVIII' siècle ne possède à un aussi haut degré que Montesquieu l'esprit dejustesse et d'observation.
Les Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence(1734), et surtout l'Esprit des Lois en sont la preuve éclatante.
Non seulement il a lu tous les livres, mais encore il aobservé les hommes et les choses.
Avant de composer l'Esprit des Lois, il a parcouru L'Europe, visitant l'Autriche,l'Italie.
la Hollande, s'attardant en Angleterre.
Aussi curieux que son, compatriote Montaigne, mais doué d'un espritplus systématique, il remarque toutes les particularités de coutumes ou d'institutions, il les classe et cherchel'explication de leur diversité dans une loi supérieure : j'ai d'abord examiné les hommes et j'ai cru que, dans cetteinfinie diversité de lois et de mœurs, ils n'étaient pas uniquement conduits par leur fantaisie j'ai posé les principes etj'ai vu les cas particuliers s'y plier comme d'eux-mêmes, les histoires de toutes les nations .n'en être que les suites,et chaque loi particulière liée avec une autre loi, ou dépendre d'une autre plus générale (Préface de l'Esprit desLois).Aussi l'Esprit des Lois demeure-t-il le monument le plus solide du siècle.
b) Est-ce à dire que l'auteur est aussi sévère que le livre? II s'en faut de beaucoup.
Sa naissance et son éducationau Collège de Juilly lui ont conféré l'honnêteté.
Le monde ne tarda pas à l'attirer.
Pendant dix ans environ, il brilledans la plupart des salons parisiens ou bordelais.
Il y affine son esprit et ses dons d'observation.
Il se plaît .dans lasociété frivole, il veut plaire et il y réussit.
C'est pour les salons qu'il commence à écrire les Lettres Persanes (1721).Le succès est considérable.
Les habitués des salons retrouvent dans les lettres de ces Persans l'esprit le plus délié,les railleries les plus mordantes et les sous-entendus les plus légers, qui les enchantent dans la conversation.
C'està peine s'ils distinguent les signes annonciateurs de l'Esprit des Lois.
Montesquieu ne s'en tient pas là.
En 1725, ilpublie un roman libertin : le Temple de Cnide.
Ces deux ouvrages lui ouvrent l'Académie.
c) Mais ce goût de la société, pourtant si vif, n'écarte pas Montesquieu de sa véritable voie.
Il veut plaire, maisaussi être utile.
Il ne fréquente pas seulement les salons mondains.
Aussitôt après la publication des LettresPersanes, il est introduit au Club de l'Entresol, .cercle où des rêveurs imaginaient déjà les Etats-Unis d'Europe.
Il yrencontre l'abbé de Saint-Pierre, des hommes d'Etat, des économistes.
Désormais il veut servir ses compatriotes, leséclairer.
Cette volonté d'être utile le soutient dans les vingt années d'efforts que lui coûte l'Esprit des Lois : On netrouvera point ici ces traits saillants qui semblent caractériser les ouvrages d'aujourd'hui.
Pour peu qu'on voie leschoses avec une certaine étendue, les saillies s'évanouissent...
Si je pouvais faire en sorte que tout le monde eûtde nouvelles raisons pour aimer ses devoirs, son prince, sa patrie, ses lois ; qu'on pût mieux sentir son bonheur danschaque pays, dans chaque gouvernement, dans chaque poste où l'on se trouve, je me croirais le pus heureux desmortels si je pouvais faire que les hommes pussent se guérir de leurs préjugés...
(Préface de l'Esprit des Lois.)Montesquieu a donc abandonné le facile succès de la littérature mondaine pour se consacrer à la tâche ingrated'instruire les hommes.
Après avoir plu, il a été utile.
Deuxième exemple.
Un mondain philosophe : Voltaire.
a) Si Montesquieu s'écarta de la société parisienne pour se retirer au châteaude la Brède et composer à loisir, Voltaire, lui, n'abandonna jamais le monde.On ne peut même l'imaginer sans lui.
Lorsqu'il est éloigné de Paris et qu'il nepeut plus en fréquenter les salons, il en organise un chez lui.
Sa retraite deFerney est une véritable cour d'esprit.
Le monde même ne lui suffit pas, il luifaut le théâtre.
Il installe une scène et joue lui-même.
Toute sa longuecarrière se déroule dans les salons et dans les cours.
A peine sorti du collègeLouis-le-Grand, il prend place dans la société du Temple, où il coudoie lesVendôme, Chaulieu, les abbés Courtin et Sevrien.
A leur contact, il développeson impertinence naturelle et il imite les vices des grands seigneurs, sansacquérir leur hautaine politesse.
Aux yeux de M.
de Montesquieu, il n'estqu'un parvenu de l'esprit.
Il n'est guère « honnête homme » avant deconnaître Mme du Châtelet.
b) Néanmoins Voltaire veut plaire et il plaît.
Le succès d'OEdipe (1718) fait delui l'auteur à la mode.
Il est reçu chez la duchesse du Maine, à la cour deSceaux.
Son exil en Angleterre élargit le cercle de ses amitiés.Il aime l'esprit, l'élégance, le luxe et ne conçoit pas la solitude sans châteauet sans nombreux admirateurs.
Aussi n'est-ce pas Line opinion passagère qu'ilexprime dans le Mondain (1736), mais une conviction profonde :
J'aime le luxe, et même la mollesse,Tous les plaisirs, les arts de toute espèce,.
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