On oppose souvent le roman autobiographique où l'écrivain, se campant lui-même sous les traits d'un de ses héros, fait revivre dans d'autres personnages ses proches et ses familiers et le roman où l'auteur, prenant sa revanche sur la vie, prête à l'un de ses héros des qualités et une forme d'existence dont il n'a pas bénéficié lui-même. Connaissez-vous une oeuvre romanesque où s'associent heureusement ces deux types de roman ?
Publié le 11/09/2014
Extrait du document
Mais les éléments empruntés au réel s'accusent encore mieux dans le portrait que Stendhal trace de Julien Sorel. Déjà, dès les premières pages du roman, on s'avise qu'il le fait vivre dans le cadre familial, au sein de la même atmosphère de contrainte sévère, de méfiance et d'hostilité qu'il a connue lui-même auprès de son père et de sa tante. Il lui fait partager ses admirations littéraires : les livres de chevet de Julien sont ceux pour lesquels Stendhal professe une dilection particulière, le Mémorial de Saint-Hélène, les Confessions et la Nouvelle Héloïse que, de son propre aveu, il savait par coeur à vingt ans. Et comme on pouvait s'y attendre à partir d'un tel choix de lectures, l'un et l'autre ont un culte pour Napoléon. En commun ils ont aussi des antipathies profondes. Stendhal détestait l'abbé Raillane que son père
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186 STENDHAL
a puisé certains traits de figures peu sympathiques, le père de
Julien Sorel et Monsieur de Rênal.
Pour des personnages plus importants, en revanche, il s'inspire à la fois de plusieurs ori
ginaux.
Pour camper Mathilde de La Mole dans sa riche complexité il rassemble des éléments empruntés à deux de ses maîtresses.
L'une, Alberte de Rubempré, une cousine du peintre Delacroix
qui menait une vie libre, en marge des convenances sociales, a
légué à la jeune héroïne son anti-conformisme.
Elle aurait pu prendre pour devise une phrase que Stendhal fait prononcer à Mathilde : « Tout doit être singulier dans le destin d'une fille comme moi.
» L'autre est Giulia Rinieri, une jeune fille de
vingt ans qui offrit délibérément son amour à Stendhal et s'employa victorieusement à vaincre ses hésitations et sa résis
tance : par sa fougue, son opiniâtreté étonnante chez un être
si jeune, elle s'apparente aussi étroitement à Mademoiselle de La Mole.
Enfin !'écrivain a lui-même avoué dans une lettre à l'un de ses amis, Mareste, que lorsqu'il rédigeait la seconde
partie de son roman, il avait constamment «devant les yeux» Mary de Neuville, une jeune aristocrate qui s'était fait enlever par un jeune homme de famille bourgeoise, Édouard Grasset.
En elle il avait reconnu un être de la trempe de son héroïne et il déclarait à son propos qu'« elle eût agi comme Mathilde».
Ainsi le pouvoir créateur du romancier a librement disposé des
éléments que l'observation lui offrait.
Mais quelle que soit la manière dont il a copié, dispersé, rassemblé ces éléments, ce
qui est manifeste c'est la constance avec laquelle il a utilisé les
données de l'expérience vécue.
II.
JULIEN, IMAGE DE STENDHAL
Mais les éléments empruntés au réel s'accusent encore mieux
dans le portrait que Stendhal trace de Julien Sorel.
Déjà, dès
les premières pages du roman, on s'avise qu'il le fait vivre dans
le cadre familial, au sein de la même atmosphère de contrainte sévère, de méfiance et d'hostilité qu'il a connue luicmême auprès
de son père et de sa tante.
Il lui fait partager ses admirations
littéraires : les livres de chevet de Julien sont ceux pour lesquels
Stendhal professe une dilection particulière, le Mémorial de
Saint-Hélène, les Confessions et la Nouvelle Héloïse que, de son propre aveu, il savait par cœur à vingt ans.
Et comme on pouvait s'y attendre à partir d'un tel choix de lectures, l'un et l'autre ont un culte pour Napoléon.
En commun ils ont aussi des antipa
thies profondes.
Stendhal détestait l'abbé Raillane que son père.
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- On oppose souvent le roman autobiographique où l'écrivain, se campant lui-même sous les traits d'un de ses héros, fait revivre dans d'autres personnages ses proches et ses familiers et le roman où l'auteur, prenant sa revanche sur la vie, prête à l'un de ses héros des qualités et une forme d'existence dont il n'a pas bénéficié lui-même. Connaissez-vous une oeuvre romanesque où s'associent heureusement ces deux types de roman ?
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- Dans la préface de « Pierre et Jean », Maupassant s'en prend aux romanciers d'analyse qui s'attachent « à indiquer les moindres évolutions d'un esprit, les mobiles les plus secrets qui déterminent nos actions ». Il leur oppose la manière des « écrivains objectifs » qui « se bornent à faire passer sous nos yeux les personnages » et conclut que « la psychologie doit être cachée dans le livre comme elle est cachée en réalité sous les faits dans l'existence ». En prenant des exemples dans
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