« On a souvent vu en Rabelais le représentant typique de la Renaissance française [...]. L'accord exceptionnel d'un tempérament et d'une époque explique sans doute en partie la réussite de Rabelais, dont la pensée et l'œuvre sont étroitement liées aux milieux très divers qu'il a connus, à ses expériences multiples tirées d'un vaste savoir et d'une vie très riche. Attentif à l'actualité, il a été sensible à tous les mouvements intellectuels de son temps. Esprit lucide et généreux, tout
Publié le 26/07/2012
Extrait du document
...
«
décisives, aboutissent à de profondes mutations économiques et culturelles.
Les innovations technologiques vont faire évoluer la littérature, l'art et la science.
Lanotion de voyage se développe.
Il ne doit plus seulement être un loisir mais avoir également un enrichissement intellectuel et spirituel.
Les géographes travaillaientpour le compte du roi.
Leurs voyages avaient un but, découvrir de nouveaux territoires et faire des cartes.
La connaissance passe par la vue, car voir c'est savoir, lavue est un gage d'authenticité.
Très tôt Rabelais et ses contemporains ont conscience de vivre un temps qui s'accélère.
Au delà, des découvertes géographiques, il y ades facteurs économiques.
Au milieu de XVIème siècle, une hausse démographique se produit et entraine la multiplication des espaces (Paris= 200,000 habitants,Lyon: 50,000 habitants).
La révolution technologique est emblématique de la Renaissance.
Nous avons vu l'imprimerie, mais il y a aussi l'artillerie.
Néanmoins, laRenaissance reste une société profondément chrétienne.
Pantagruel va à Paris pour faire ses études et acquérir des connaissances mais aussi la vertu morale.
LeXVIème se distingue par son retour aux sources antiques et à la culture occidentale.
L'étude des langues anciennes prennent de l'importance.
Ces études sontaccompagnées d'un fort désir de traduction et d'étude des œuvres antiques.
Les humanises sont ainsi d'abord des traducteurs et des érudits en matière de languecomme Guillaume Budé.
La langue grecque était restée fort peu connue au Moyen Age.
A part le latin, on ne s'intéressait pas beaucoup à l'apprentissage des langues.C'est au XVIème siècle, qu'une véritable soif de savoir linguistique apparaît.
Gargantua écrira à son fils, pour lui dire qu'il souhaite le voir étudier « les languesparfaitement ».
Le recours aux langues anciennes, permet d'étendre et d'approfondir la connaissance des textes de l'Antiquité.
En effet, comme nous l'avons vu, il y al'idée que le Moyen Age a été une période d'oubli et d'ignorance.
En s'ouvrant à l'Antiquité, l'homme de la Renaissance veut retrouver la source vive de la vieintellectuelle.
La lecture des textes grecs, hébreux et latin permettent de rejeter les commentaires traditionnels et de se faire sa propre idée.
Le but est donc depourvoir réfléchir par soi-même.
Nous allons voir, dans quelle mesure Rabelais est un « représentant typique de la Renaissance française ».Pour commencer, nous nous pencherons sur sa naissance et son milieu social.
La date de naissance de Rabelais est très incertaine, les spécialistes hésitent entre 1483et 1494.
L'écart entre ces deux dates est assez important.
Ce qui est sûr, c'est qu'il est né dans un milieu bourgeois aisé.
Rabelais appartient à la Renaissance par sesfréquentations, sa religion et ses voyages.
Il devient moine, en 1520, ce qui lui permet de se consacrer aux études: « il n'est pas croyable avec quelle contentiond'esprit il s'appliqua à l'estude des sciences et des langues qui font les sçavans, je veux dire aux langues grecque et latine, et de quelle sorte il y réussit » (Colletet).Rabelais fait un séjour à Rome, ce qui lui permet d'enrichir ses observations et ses connaissances d'humaniste dans un des berceaux de l'Antiquité.
Il y étudie lascience botanique et la topographie de la ville, élargissant ainsi sa curiosité intellectuelle d'homme de la Renaissance.Rabelais appartient également à la Renaissance par son œuvre.
Néanmoins, l'enseignement qu'il reçu est traditionnel, il vient du Moyen-Age.
Nous retrouvons ainsil'amour des lieux de la région et la connaissance, dans le Pantagruel.
Son enseignement se résumait, à ce qu'on appelait en latin, le trivium et le quadrivium.
Letrivium est composé de trois matières: la langue et le discours ( grammaire, rhétorique, dialectique).
Le quadrivium est composé de la géométrie, la musique,l'arithmétique et l'astronomie.
C'est à partir des réflexions sur ses propres études, qu'il les critiquera car elles reposent sur la mémoire et n'encouragent pas à laréflexion.
A Ligugé, il entre en contact avec des érudits et des intellectuels qui travaillent au renouveau des lettres et des sciences par la traduction et l'étude desécrivains de l'Antiquité.
Il se convertira à ce mouvement et entreprendra également des études de médecine, en 1530, à la faculté de médecine de Montpellier.
Il iramême jusqu'à l'exercer et Colletet dira de lui: « il connoisoit encore si exactement toutes les parties du corps humain qu'il passa pour un des plus renommezanatomistes de son temps ».
Cet enseignement vient parfaire son éducation et en fait un homme typique de la Renaissance.
Rabelais apparaît comme étant unpersonnage original car ses œuvres sont empreintes de Moyen-Age, où Rabelais reprend la tradition des récits populaires consacrés à des géants grotesques etcomiques.
Ce genre d'histoire était très populaire à la fin du Moyen-Age.
Mais, en tant qu'homme de science et de lettre, Rabelais met aussi beaucoup d'idéeshumanistes, de références savantes, des critiques de l'Église et de l'enseignement traditionnel, dans ses œuvres.
C'est pour cela que, le Gargantua et le Pantagruelseront censurés par le parlement à la requête des théologiens de la Sorbonne (1544).
Le livre, malgré la condamnation de la Sorbonne, obtient un très grand succèspopulaire.Après avoir vu, de façon brève, l'appartenance de Rabelais à la Renaissance, nous nous concentrerons sur son œuvre et sa pensée.
Dans cette deuxième partie, nous analyserons de plus près Rabelais et son œuvre.
De l'introduction sur son œuvre aux procédés propres à Rabelais, en passant par legenre du Pantagruel.
Dans l'introduction de son œuvre, Rabelais cache son identité et même celle du roman.
Nous allons voir dans quelle mesure il y parvient, la structure de son œuvre etson contenu.Dans le prologue, Rabelais se présente sous son pseudonyme, Alcofribas Nasier et il fait de manière comique, l'éloge du roman.
Voici un extrait du prologue del'auteur, qui nous laisse penser que l'œuvre sera comique: « Et à la mienne volunté que chascun laissast sa propre besoigne, ne se souciast de son mestier et mist sesaffaires propres en oubly pour y vacquer entierement, sans que son esperit feust de ailleurs distraict ny empesché, jusques à ce que l'on les tint par cueur, affin que sid'adventure l'art de l'Imprimerie cessoit, ou en cas que tous livres perissent, on temps advenir un chascun les peust bien au net ensegner à ses enfants, et à sessuccesseurs et survivens bailler comme de main en main, ainsy que une religieuse Caballe.
»; « Aultres sont par le monde (ce ne sont fariboles) qui estans grandementaffligez du mal des dentz, après avoir tous leurs biens despenduz en medicins sans en rien profiter, ne ont trouvé remede plus expedient que de mettre lesdictesChronicques entre deux beaulx linges bien chaulx, et les appliquer au lieu de la douleur, les sinapizand avecques un peu de pouldre d'oribus.
»; « Quod vidimustestamur » (Nous témoignons de ce que nous avons vu).
Dans ce prologue, qui est l'entrée en matière, Rabelais décide donc de masquer son identité.
Rare étaient lespersonnes qui savaient que ce livre était écrit par Rabelais.
Cette anagramme réunit diverses notions comiques, Alcofribas évoque l'alcool en arabe et Nasier, le nezmais c'est aussi le nom d'un célèbre sarrasin dans un roman de chevalerie (le Gaufrey).
Ainsi, Rabelais cache totalement son identité.
L'œuvre de Rabelais demandeune attention particulière du lecteur et une participation active: « La lecture intelligente et délectable des œuvres mères de la littérature universelle suppose unerelation vivante entre le livre, inscrit dans l'histoire, et un public toujours renouvelé»; « Nous espérons que cette édition trouvera des lecteurs pleins de pantagruélisme, c'est à dire ouverts au dialogue, d'esprit joyeux, et de bon vouloir », « Le Pantagruel fut publié à Lyon, chez Claude Nourry, éditeur spécialisé à la fois dans lesouvrages savants et dans les livres populaires.
L'auteur a pris le pseudonyme anagrammatique d'Alcofribas Nasier », « Le livret avait cependant, jusque dans satypographie, l'allure archaïque d'un roman de chevalerie; il s'agit visiblement d'une parodie », « il invente au Gargantua de la tradition un fils, Pantagruel, qui porteparadoxalement le nom d'un tout petit démon folklorique [...] Rabelais lui associe un compagnon de joyeuses mais peu recommandables manières, Panurge.
Cepersonnage complexe, sympathique vaurien, ou sophiste diabolique, ou curieux épris de nouveauté, finit par éclipser son maître », ce sont les propos de par GuyDemerson, dans la préface de l'œuvre.
Il prévient lui aussi le lecteur de ce qu'il va trouver.Le contenu du roman se dissimule, lui aussi, sous un masque aux multiples facettes.
Le roman était imprimé avec des images utilisées pour les traités savants, lepseudonyme, lui, est comique, le titre laisse transparaitre une parodie des romans de chevalerie.
Néanmoins le roman comporte également d'importantes questionsmorales, philosophiques ou théologiques.
Il s'agit en réalité, de mettre en place un univers romanesque avec des possibilités interprétatives multiples.
Le prologue lui-même se situe entre vérité et mensonge, déroutant ainsi le lecteur et le faisant entrer dans un jeu.
Il doit accepter d'entrer dans une fiction qui possède ses propres lois.La structure de l'œuvre est elle aussi particulière.
Rabelais a donné des titres à ses chapitres et suivi le schéma traditionnel en trois parties, des romans de chevalerie:la naissance, l'éducation et les exploits du héros.
Cette division n'est pas respectée de manière stricte, comme nous allons le voir.
L'œuvre comporte quatre pointsimportants: le récit axé sur des géants (conformément aux goûts du public de l'époque pour les récits folkloriques), la parodie de l'épopée (le Pantagruel est un romancomique mais aussi une parodie des épopées et des romans de chevalerie avec les batailles, les duels, les personnages possédant une force surhumaine), le romanhumaniste (le comique du roman permet de faire passer un message philosophique.
Rabelais y diffuse ses idées, notamment sur l'humanisme et l'Évangélisme) et laconstruction originale (le Pantagruel respecte le schéma traditionnel des romans de chevalerie mais elle est porteuse d'un message moral humaniste).Le roman commence donc par la naissance et l'éducation du héros ( chapitres à 1 à 9).
Rabelais nous présente la généalogie de Pantagruel, en remontant au tout débutde ses origines, quand les gens commencèrent à enfler et en traduisant son prénom « tout altéré ».
Il part ensuite faire des études, un peu partout en France.
C'est là-bas qu'il reçoit une lettre de son père qui met l'accent sur la connaissance des langues, la lecture des écrivains de l'Antiquité, la curiosité scientifique et la sagessemorale.
Et c'est au moment où Pantagruel se met au travail, qu'il rencontre Panurge.
Au début du roman, Rabelais nous amène à réfléchir sur la frontière, très maldélimité, entre le péché et la vertu.
Le bon Pantagruel a vu naître sa race après le crime de Caïn, il y a donc quelque chose de diabolique en lui.
Le thème de la vanitéressort dans cette première partie, combattu grâce au programme éducatif humaniste.
Pour Rabelais, et d'autres humanistes, une personne prétentieuse commet unpéché en voulant paraitre supérieure et en ne pensant qu'à elle-même.
Le héros découvre ensuite la vie parisienne ( chapitre 10 à 22).
Rabelais pose un regard critiquesur la société et ses lois, malgré les aspects comiques de cette partie.
Il s'intéresse au droit ( procès qui oppose Baisecul à Humevesne), dans la mesure où il permetd'établir la justice et l'harmonie dans les relations sociales.
Le voyage de Pantagruel est une quête du savoir juridique, empreinte de comique.
A travers le débat entrePanurge et Thaumaste, Rabelais dénonce ceux qui utilisent un langage impropre à la communication et à l'organisation harmonieuse d'une société.
Nous avons vu que.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Paul Valéry écrit dans Regards sur le monde actuel, (Propos sur le progrès, 1931) : « Supposé que l'immense transformation que nous vivons et qui nous meut, se développe encore, achève d'altérer ce qui subsiste des coutumes, articule tout autrement les besoins et les moyens de la vie, bientôt l'ère toute nouvelle enfantera des hommes qui ne tiendront plus au passé par aucune habitude de l'esprit. L'histoire leur offrira des récits étranges, presque incompréhensibles ; car rien dans leu
- « Si René n'existait pas, je ne l'écrirais plus : s'il m'était possible de le détruire, je le détruirais : il a infesté l'esprit d'une partie de la jeunesse, effet que je n'avais pu prévoir, car j'avais au contraire voulu la corriger », écrit Chateaubriand dans les Mémoires d'Outre-Tombe à propos ^'une de ses œuvres qui connut un succès littéraire exceptionnel mai» aux effets inattendus et souvent nocifs sur la jeunesse de son époque : l'œuvre suscita des attitudes désespérées qui allè
- «Un long avenir se préparait pour (la culture française) du XVIIe (siècle). Même encore au temps du romantisme, les œuvres classiques continuent à bénéficier d'une audience considérable ; l'époque qui les a vu naître bénéficie au premier chef du progrès des études historiques ; l'esprit qui anime ses écrivains, curiosité pour l'homme, goût d'une beauté harmonieuse et rationnelle, continue à inspirer les créatures. Avec cette esthétique une autre ne pourra véritablement entrer en concur
- Gabriel Rey écrit dans Humanisme et surhumanisme (1951): «Dire que la littérature classique est le fait d'une élite pour une élite est sans doute plus exact historiquement qu'en soi. Rien n'empêche de concevoir un classicisme de masse ; c'est une simple question d'éducation et de pensée régnante, de mode enfin. [...] Prétendre que le «peuple» - entité d'ailleurs plus mythique que réelle - est voué à jamais à sa vie intellectuelle et artistique actuelle, à la pensée (si l'on peut dire)
- On pouvait lire dans Les Lettres françaises du 25 février 1954 (Gallimard) ces lignes de Thomas Mann : «Le classicisme, ce n'est pas quelque chose d'exemplaire ; en général, et hors du temps, même s'il a beaucoup et tout à faire avec les deux idées implicites ici, celle d'une forme, et celle de la précellence de cette forme. Bien loin de là, le classicisme est plutôt cet exemple tel qu'il a été réalisé, la première création d'une forme de vie spirituelle se manifestant dans la vie indi