On a pu définir la fable comme un petit récit en vers ou en prose destiné à illustrer un précepte. Cette définition vous paraît-elle rendre compte de ce qui fait, selon vous, l'intérêt des Fables de La Fontaine que vous avez étudiées ?

« DISSERTATIONS LITTÉRAIRES L'amplification des formes Il faut aussi souligner que la brièveté des récits dont parle la définition devient de moins en moins évidente dans le second recueil ; les fables prennent du volume.

Ainsi, on considèrera comment« Le corbeau, la gazelle, la tortue et le rat» (XII, 15) renouvelle la fable intitulée « Le lion et le rat» (Il, 11), en traitant le même sujet, mais avec une plus ample orchestration qui débouche sur une poésie toute impré­ gnée de cette amitié profonde qui lie La Fontaine à Madame de La Sablière.

La fable ou la conversation avec les Sages La fable devient une forme qui permet d'explorer divers moyens pour le poète de parler d'un thème personnel, à travers une vaste culture et des lectures variées.

Ainsi, dans« La mort et le mourant» (Livre VIII, 1 ), La Fontaine se rappelle le texte de Montaigne« Que philosopher c'est apprendre à mourir» (Essais I, 20), L' Ecclé­ siaste, Épicure ou saint Augustin (Confessions, XI).

Ill.

L'INTÉRÊT DES FABLES !:~l.l!'!i_~~l.l!~~.~2!!~!~g.~s~e P.!r~o!!~!~I~ Dans les Fables on entend aussi la voix de La Fontaine, qui parle de lui-même et de ses sentiments («Le songe d'un habitant du Mogol», «Les deux pigeons» ...

).

On découvre alors à travers les Fables ces méditations qui nous incitent à vivre en retrait, à s'engager dans les plaisirs de la vie contemplative pour mieux se connaître et trouver une forme de bonheur qui nous convienne.

La création d'un monde Les fables rendent compte à leur manière (souvent sur un mode allégorique ou métaphorique mais aussi de façon burlesque et simplifiée) du monde réel dans lequel on vit ; elles permettent ainsi de lire le monde et la société dans laquelle il s'agit d'apprendre à évoluer; de ce point de vue, elles ont l'ambition des grande «comédies humaines».

Il existe un système de miroirs et d'écho entre les fables, leurs inspirateurs, les thèmes et la variété des formes pour nous donner l'impression d'une vie qui rende compte de la diversité du monde.

La complicité avec le lecteur Enfin, la place du lecteur dans une œuvre comme les Fables est essentielle.

Il peut lire en totalité ou en choisissant quelques fables et se trouve devant sa liberté de goûter la sagesse.

Cette liberté est encore accrue par lesthétique ironique des fables qui suppose sans cesse une complicité avec le lecteur qui peut comprendre par allusion ou antiphrase.

Conclusion: La définition de la fable ne s'applique que partiellement aux Fables de La Fontaine.

Satisfaisante sous certaines conditions pour com­ prendre la « forme » des Fables, elle ne prend pas en compte la métamor­ phose que La Fontaine fait subir au genre pour le porter à un point de per­ fection qui le rapproche des genres les plus nobles.. »