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On a dit qu'il était difficile d'écrire en français au commencement et à la fin du XVIIe siècle. Expliquer ce jugement.

Publié le 13/02/2012

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Il a toujours été difficile d'écrire dans une langue quand, à un moment donné, le mouvement général des esprits, les idées dominantes, les tendances intellectuelles, morales et sociales n'ont pas trouvé dans cette langue un véhicule capable de les porter. Un tel désaccord entre les besoins de l'esprit et l'idiome en cours s'est présenté, encore que de manière différente, au début et à la fin du xviie siècle.

« ni d'ecrire avec calme.

Parmi ces troubles A.

la fois politiques et religieux, le doute et le scepticisme ont envahi les Ames.

On le sent chez Rabelais, plus encore pent-etre chez Montaigne.

Mefiants vis-à-vis de toute autorite, ils n'ont plus confiance qu'en eux-memes; Hs se refugient dans leur moi qu'ils analysent complaisamment et etalent impudemment.

Leurs heritiers ne trou- veront qu'anarchie dans la langue : Hs ne peuvent ecrire ni comme Rabelais prolixe, intemperant, fantasque, souvent obscur, ni comme Montaigne, qui se roule en lui-meme et tire ses expressions de son propre fonds, telle l'arai- gnee son fil.

Nul n'ose lui emprunter ses mots ou locutions, tant Hs sont siens.

L'ecrivain du debut du xvii' siècle n'a pas d'instrument :celui de ses devanciers est trop a eux ou a déjà vieilli; le nouveau n'est pas encore prat.

On sentit alors la necessite d'une methode qui remediat aux perpetuelles et rapides variations de I'idiome national, et qui en fit une langue logique, claire, artistique et universelle.

La mode n'etait plus a Ronsard et a son langage, tel meme que ses successeurs - Desportes, Bertaut et plus re- terms », au dire de Boileau, l'avaient epure.

Mais rien ne semble vouloir se fixer : ni le gout classique, en depit de l'effort des Renaissants pour ar- racher aux Anciens leurs secrets; ni le langage, trop peu uniforme, variant d'une province a l'autre.

Chaque ecrivain se forge son instrument; un Regnier reussit, mais tons n'y sont pas egalement habiles.

Et chacun rave d'imposer a autrui sa maniere de dire.

Les uns pronent les mots calques stir le latin et ne jurent que par l'etymologie - assez mal connue d'eux. Les autres, continuant la reaction du siècle precedent, cherchent a eman- ciper la langue francaise de la tutelle latine.

Ceux-la se laissent influencer par l'Italie et I'Espagne; ceux-ci ne veulent connaitre que l'usage souverain et les traditions seculaires.

C'est le chaos.

...Enfin Malherbe vint!...

Des 1605 it s'impose dans le monde des lettres, ii groupe autour de lui des disciples qui lui pardonnent la rudesse de son caractere en faveur de ses avis eclaires.

Il a raison, le plus souvent, mais son intransigeance et son rigorisme rebutent beaucoup de gens qui, au fond, l'approuvent.

II semble gofiter une joie mauvaise a se creer des ennemis; it les meprise avec deices, « depuis l'hysope jusqu'au cadre ».

C'est pour- quoi son influence ne s'exerce, de son vivant, que sur un petit nombre d'amis, a qui manquent le genie : un Maynard, un Racan, et meme le talent : un Co- lomby, un Yvrande, un du Monstier.

Le fameux hemistiche de Boileau : Tout reconnut ses lois... est absolument faux.

Si d'Urfe et Coeffeteau viennent a lui comme a la source de toute purete, si Gombauld lui soumet ses doutes grammaticaux, si Baizac l'avoue pour son pare intellectuel et si Vaugelas se forme a ses lecons, beaucoup protestent encore.

Entre tous la « fine d'alliance » de Montaigne, Mile Le Jars de.

Gournay, est la plus redoutable.

Seule elle dis- cute en detail les prescriptions et arrets de Malherbe.

Bien mieux que Berthelot, Garnier, Theophile, Hardy et meme Regnier, elle,plaide la cause de la liberte, defend courageusement les hommes du xvi° siecle, et denonce ceux qui les veulent « deterrer du monument ».

Mais la logique, la clairvoyance de cette laide vieille fine succombent sous les quolibets des contemporains.

Richelieu et Boisrobert se gaussent (Pelle, et dans les pamphlets litteraires de l'epoque elle joue le role gro- tesque de revenante de l'autre siècle.

Au contraire, vers 1630, Malherbe (mort en 1628) triomphe a Rambouillet.

Partout on cause grammaire.

Corneille discute avec Scudery, Balzac avec Chapelain, Voiture defend contre Gom- berville, dans une lettre a Julie d'Angennes, la conjonction car.

Et si Riche- lieu fonde, en 1635, une Academie chargee « de donner des regles certaines A notre langue, et de la rendre pure, eloquente et capable de traiter les arts et les sciences », c'est parce que ce besoin se faisait sentir, et que l'heure avait sonne chez nous de la fixation des mots et des regles.

La langue classique sera en partie l'aeuvre de l'Academie.

Notre premier code sort de la plume d'un academicien ecoute entre tous : Claude Vaugelas, qui, en 1647, publie ses Remarques.

Corneille se met a son ecole et corrige le texte de ses premieres pieces en tenant compte des Remarques.

Vers 1670, tout ce qui se flatte de s'exprimer en bon francais « parle Vaugelas ».

On peut done preciser l'expression « an commencement du xvir siècle ».

Deux dates semblent la limiter : 1610-1635 ou, si Pon prefere, 1647. ni d'écrire avec calme.

Parmi ces troubles à la fois politiques et religieux, le doute et le scepticisme ont envahi les âmes.

On le sent chez Rabelais, plus encore peut-être chez Montaigne.

Méfiants vis-à-vis de toute autorité, ils n'ont plus confiance qu'en eux-mêmes; ils se réfugient dans leur moi qu'ils analysent complaisamment et étalent impudemment.

Leurs héritiers ne trou­ veront qu'anarchie dans la langue : ils ne peuvent écrire ni comme Rabelais prolixe, intempérant, fantasque, souvent obscur, ni comme MontaigntJ, qui se roule en lui-même et tire ses expressions de son propre fonds, telle l'arai­ gnée son fil.

Nul n'ose lui emprunter ses mots ou locutions, tant ils sont siens.

L'écrivain du début du xvu• siècle n'a pas d'instrument : celui de ses devanciers est trop à eux ou a déjà vieilli; le nouveau n'est pas encore prêt.

· On sentit alors la nécessité d'une méthode qui remédiât aux perpétuelles et rapides variations de l'idiome national, et qui en fît une langue logique, claire, artistique et universelle.

La mode n'était plus à Ronsard et à son langage, tel même que ses successeurs - Desportes, Bertaut - «plus re­ tenus », au dire de Boileau, l'avaient épuré.

Mais rien ne semble vouloir se fixer : ni le goût classique, en dépit de l'effort des Renaissants pour ar­ racher aux Anciens leurs secrets; ni le langage, trop peu uniforme, variant d'une province à l'autre.

Chaque écrivain se forge son instrument; un Régnier réussit, mais tous n'y sont pas également habiles.

Et chacun rêve d'imposer à autrui sa manière de dire.

Les uns prônent les mots calqués sur le latin et ne jurent que par l'étymologie - assez mal connue d'eux.

Les autres, continuant la réaction du siècle précédent, cherchent à éman­ ciper la langue française de la tutelle latine.

Ceux-là se laissent influencer par l'Italie et l'Espagne; ceux-ci ne veulent connaître que l'usage souverain et les traditions séculaires.

C'est le chaos .

...

Enfin Malherbe vint! ...

Dès 1605 il s'impose dans le monde des lettres, il groupe autour de lui des disciples qui lui pardonnent la rudesse de son caractère en faveur de ses avis éclairés.

Il a raison, le plus souvent, mais son intransigeance et son rigorisme rebutent beaucoup de gens qui, au fond, l'approuvent.

Il semble goûter une joie mauvaise à se créer des ennemis; il les méprise avec délices, « depuis l'hysope jusqu'au cèdre ».

C'est pour­ quoi son influence ne s'exerce, de son vivant, que sur un petit nombre d'amis, à qui manquent le génie : un Maynard, un Racan, et même le talent : un Co­ lomby, un Yvrande, un du Moustier.

Le fameux hémistiche de Boileau : Tout reconnut ses lois ...

est absolument faux.

Si d'Urfé et Coeffeteau viennent à lui comme à la source de toute pureté, si Gombauld lui soumet ses doutes grammaticaux, si Balzac l'avoue pour son père intellectuel et si Vaugelas se forme à ses leçons, beaucoup protestent encore.

Entre tous la « fille d'alliance » de Montaigne, Mlle Le Jars de.

Gournay, est la plus redoutable.

Seule elle dis­ cute en détail les prescriptions et arrêts de Malherbe.

Bien mieux que Berthelot, Garnier, Théophile, Hardy et même Régnier, elle plaide la cause de la liberté, défend courageusement les hommes du XVI" siècle, et dénonce ceux qui ·les veulent « déterrer du monument ».

Mais la logique, la clairvoyance de cette laide vieille fille succombent sous les quolibets des contemporains.

Richelieu et Boisrobert se gaussent d'elle, et dans les pamphlets littéraires de l'époque elle joue le rôle gro­ tesque de revenante de l'autre siècle.

Au contraire, vers 1630, Malherbe (mort en 1628) triomphe à Rambouillet.

Partout on cause grammaire.

Corneille discute avec Scudéry, Balzac avec Chapelain, Voiture défend contre Gom­ berville, dans une lettre à Julie d'Angennes, la conjonction car.

Et si Riche­ lieu fonde, en 1635, une Académie chargée « de donner des règles certaines à notre langue, et de la rendre pure, éloquente et capable de traiter les arts et les sciences », c'est parce que ce besoin se faisait sentir, et que l'heure avait sonné chez nous de la fixation des mots et des règles.

La langue classique sera en partie l'œuvre de l'Académie.

Notre premier code sort de la plume d'un académicien écouté entre tous : Claude Vaugelas, qui, en 1647, publie ses Remarques.

Corneille se met à son école et corrige le texte de ses premières pièces en tenant compte des Remarques.

Vers 1670, tout ce qui se flatte de s'exprimer en bon français « parle Vaugelas ».

On peut donc préciser l'expression « au commencement du x vu• siècle ».

Deux dates semblent la limiter : 1610-1635 ou, si l'on préfère, 1647.. »

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