Devoir de Philosophie

Objet d’étude : Le théâtre : texte et représentation.

Publié le 18/01/2020

Extrait du document

CORPUS

TEXTE A. Alfred de Musset (1810-1857), Lorenzaccio, acte IV, scène 9, 1834.

TEXTE B. Jean Giraudoux (1882-1944), Électre, entracte : Lamento du jardinier, 1938.

TEXTE C. Samuel Beckett (1906-1989), Oh les beaux jours, 1963.

ANNEXE AU TEXTE C. Photographie de la mise en scène de Oh les beaux jours par Roger Blin au théâtre du Rond-Point, 1981 (Madeleine Renaud dans le rôle de Winnie).

ANNEXE AU CORPUS. Antonin Artaud, Le Théâtre et son double, 1938.

-ÉCRITURE

I. Après avoir lu les textes du corpus, vous répondrez à la question suivante. Question (4 points)

Après avoir identifié la forme commune des trois textes du corpus, vous direz quelles sont les spécificités de chacun de ces extraits.

II. Vous traiterez ensuite, au choix, l’un des sujets suivants.

1. Commentaire (16 points)

Vous ferez le commentaire de l’extrait de Lorenzaccio (texte A).

2. Dissertation (16 points)

Pensez-vous que le théâtre, en Occident, soit uniquement un « théâtre de la parole » comme le déplore Antonin Artaud ?

Vous répondrez en vous appuyant sur les textes qui vous sont proposés, ceux que vous avez étudiés en classe, vos lectures personnelles ou les spectacles auxquels vous avez pu assister.

3. Invention (16 points)

Imaginez un personnage désenchanté, comme le sont ceux des extraits du corpus, en raison d’une désillusion d’ordre sentimental, professionnel, ou existentiel, à votre choix, et rédigez son monologue.

d’Électre (1938) par Jean Giraudoux, un exemple du théâtre de l’absurde, Oh les beaux jours (1963) de Samuel Beckett. Ces trois textes utilisent de manière spécifique la forme du monologue.

En effet, les trois extraits présentent une forme commune, celle du monologue. Dans le texte A, la didascalie* initiale évoque le décor puis annonce l’arrivée d’un seul personnage, Lorenzo, le personnage éponyme. Le deuxième texte met en scène un personnage devenu marginal, le jardinier; il s’agit d’un monologue situé au milieu de la pièce, à l’entracte. Dans le texte C, il est question de deux personnages, Willie et Winnie. Mais l’on peut également parler de monologue car Willie est « invisible ». [un mot du texte est glissé dans la phrase de commentaire]

La forme même du monologue, dans les trois passages, contribue à souligner la solitude du personnage : un Lorenzo incompris et méconnu (« Cela pourra les étonner »).. un jardinier exclu de la sphère tragique ( « je ne suis plus dans le jeu », « cet abandon, cette désolation » ) [il est occasionnellement possible de mettre entre parenthèses les citations; mais il ne faut pas abuser de ce procédé d'insertion trop facile], une femme « enterrée jusqu ’au cou » avec, à côté d’elle, un « Revolver bien en évidence ».

Par-delà cette forme commune - le monologue ou le lamento -, les extraits présentent des spécificités.

Le monologue de Lorenzo occupe une place particulière dans l’intrigue* puisqu’il s’agit d’une sorte de récit anticipé de la scène du meurtre. Dans un jeu de réécriture complexe, Musset reprend la règle de la bienséance classique* qui oblige à ne pas montrer la mort mais à l’évoquer. Mais la règle est détournée puisque, d’une part, le récit est prospectif et que, d’autre part, le meurtre d’Alexandre sera mis en scène ensuite.

On peut également voir, mais dans une certaine mesure seulement car la décision de Lorenzo est prise, que Musset reprend, pour mieux la détourner, la forme classique du monologue délibératif : « Emporte lejlambeau », « Je n’emporterai pas la lumière. » [les citations peuvent être introduites par les deux-points et ainsi être juxtaposées.]

Le texte A, bien qu’oralisé au théâtre (mais Lorenzaccio n’était pas nécessairement destiné à être représenté), est un monologue intérieur qui semble une sorte de rêverie. Les situations d’énonciation s’imbriquent en effet de manière complexe : « Emporte le flambeau si tu veux », « Te voilà, toi, face livide ? » Le discours est décousu et la diversité des modalités* (déclarative, exclamative, interrogative) suggère la souplesse d’une rêverie qui ne s’embarrasse pas de transitions. De même, la répétition de la proposition « Que ma mère mourût de tout cela » évoque l’aspect récurrent de la rêverie. Sans doute reconnaît-on ici le souci du naturel cher aux écrivains romantiques.

Dans la tragédie* de Giraudoux, la position du lamento du jardinier, à l’entracte d’une pièce qui ne comporte que deux actes, en fait un monologue bien particulier. Dès le début, le personnage annonce clairement son statut : il n’est pas un héros tragique et l’intrigue qui vient de se nouer l’exclut définitivement. C’est à ce titre qu’il intervient : « C’est pourquoi je suis libre de venir vous dire ce que la pièce ne pourra vous dire. » Réécrivant des pièces antiques (Eschyle, Sophocle, Euripide), Giraudoux s’inspire, pour le lamento, du chœur des tragédies chargé de commenter l’action.

III Un monologue qui exprime la solitude et le désespoir de Lorenzo

III-1 Le vide autour de Lorenzo

Une mère qui ne peut comprendre et qui en mourra (c’est ce qui se produira).

Les républicains qui ne savent pas saisir l’occasion : « cela pourra les étonner. »

Un compagnon de débauche que Lorenzo va assassiner : le jeu de masque (paroles douces et geste violent ; le pouvoir de la parole : « je lui dirai que... »).

Un dieu absent ( «S’il y a quelqu ’un là-haut » ), réduit à une interjection ( « mon Dieu »).

Des absences secondaires mais significatives : la place déserte, les cabarets fermés.

III-2 La souffrance de Lorenzo

La montée de l’angoisse (traitement du temps).

Le face-à-face avec la lune.

La violence des paroles.

III-3 La parole et l'action : l'inutilité de l'acte de Lorenzo

Lorenzo est parole et action, à la différence des républicains qui n’agissent pas.

La « révolution demain dans la ville » n’aura pas lieu et l’acte de Lorenzo est voué à l’échec ; « cela est très comique ». On reconnaît le mal-être romantique.

« Le théâtre : texte et représentation TEXTE A Alfred de Musset (1810-1857), Lorenzaccio, acte IV, scène 9, 1834.

[La pièce se passe à Florence, au xvr siècle.

Lorenzo de Médicis a décidé d'assas­ siner son cousin Alexandre de Médicis, duc de Florence, qui gouverne en tyran.

Le moindre détail de ce meurtre a été prémédité : Lorenzo a volé la cotte de mailles d'Alexandre, a arrangé un faux rendez-vous galant avec sa tante Catherine Ginori pour attirer Alexandre dans sa propre maison où attend en embuscade Scoronconcolo, un ami dévoué à Lorenzo.

Lorenzo erre dans les rues, attendant l'heure du rendez­ vous fatal.] Une place; il est nuit.

Entre Lorenzo.

LORENZO -Je lui dirai que c'est un motif de pudeur, et j'emporterai la lumière cela se fait tous les jours une nouvelle mariée, par exemple, exige cela de son mari pour entrer dans la chambre nuptiale, et Catherine 1 passe pour très vertueuse.

Pauvre fille ! Qui l'est sous le ciel si elle ne l'est pas ? -Que ma mère mourut de s tout cela, voilà ce qui pourrait arriver.

Ainsi donc voilà qui est fait.

Patience ! Une heure est une heure, et l'horloge vient de sonner.

Si vous y tenez cependant -mais non pourquoi? Emporte le flambeau si tu veux; la première fois qu'une femme se donne, cela est tout simple.

-Entrez donc, chauffez-vous donc un peu, -Oh ! mon Dieu, oui, pur caprice de jeune fille ; et quel 1 o motif de croire à ce meurtre ? -Cela pourra les étonner, même Philippe 2.

Te voilà, toi, face livide? (La lune paraît.) Si les républicains étaient des hommes, quelle révolution demain dans la ville ! Mais Pierre 2 est un ambitieux ; les Ruccellai 2 seuls valent quelque chose.

-Ah ! les mots, les mots, les éternelles paroles! S'il y a quelqu'un là-haut, il doit bien 1s rire de nous tous ; cela est très comique, très comique, vraiment.

ô bavardage humain ! Ô grand tueur de corps morts ! Grand défonceur de portes ouvertes ! Ô hommes sans bras ! Non! non! Je n'emporterai pas la lumière.

J'irai droit au cœur; il se ve1rn tuer ...

Sang du Christ ! On se mettra demain aux fenêtres.

20 Pourvu qu'il n'ait pas imaginé quelque cuirasse nouvelle, quelque cotte de mailles.

Maudite invention ! Lutter avec Dieu et le diable, ce n'est rien; mais lutter avec des bouts de ferraille croisés les uns sur les autres par la main sale d'un armu­ rier! -Je passerai le second pour entrer; il posera son épée là, ou là oui, sur le canapé.

-Quant à l'affaire du baudrier à rouler autour de la garde, cela est aisé.

2s S'il pouvait lui prendre fantaisie de se coucher, voilà où serait le vrai moyen.

Couché, assis, ou debout? Assis plutôt.

Je commencerai par sortir; Scoronconcolo est enfermé dans le cabinet.

Alors nous venons, nous venons -je ne voudrais pour­ tant pas qu'il tournât le dos.

J'irai à lui tout droit.

Allons, la paix, la paix! L'heure 180. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles