Objet d’étude : Le roman et ses personnages : visions de l’homme et du monde.
Publié le 18/01/2020
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Objet d’étude : Le roman et ses personnages : visions de l’homme et du monde.
CORPUS
TEXTE A. Stendhal, Le Rouge et le Noir, lre partie, chapitre V,
« Une négociation », 1830.
TEXTE B. Victor Hugo, Quatrevingt-treize, 1874.
TEXTE C. Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit, 1932.
TEXTE D. André Malraux, La Condition humaine, 1933.
ÉCRITURE
I. Vous répondrez d’abord à la question suivante.
Question (4 points)
Après avoir repéré dans les différents extraits les personnages qui expriment un refus ou une révolte, vous comparerez les relations qu’ils entretiennent avec leur milieu.
IL Vous traiterez ensuite, au choix, l’un des sujets suivants.
1. Commentaire (16 points)
Vous commenterez le texte de Céline (texte C).
2. Dissertation (16 points)
Dans une lettre à sa sœur Pauline Beyle, datée du 3 août 1804, Stendhal écrit : « Tu sais bien que, dans les romans, l’aventure1 ne signifie rien : elle émeut, et voilà tout; elle n’est bonne ensuite qu’à oublier. Ce qu’il faut, au contraire, se rappeler, ce sont les caractères. »
Vous commenterez cette affirmation en vous interrogeant sur l’importance des caractères dans le roman et en vous appuyant sur des exemples tirés du corpus et de vos lectures personnelles.
1. Aventure veut dire ici intrigue.
3. Invention (16 points)
Imaginez un personnage romanesque qui, dans un monologue intérieur, exprime les raisons et les moyens de sa révolte. Vous situerez ce personnage dans un contexte social ou familial précis.
Les quatre textes composant le corpus présentent des personnages en conflit avec leur milieu et exprimant une révolte contre une situation sociale ou familiale. Dans Le Rouge et le Noir, Julien Sorel est seul contre son père et ses frères, et refuse le projet du père Sorel de le placer comme précepteur chez M. de Rénal. Dans Quatrevingt treize, Cimourdain a choisi la révolution après avoir renoncé à l’état ecclésiastique et à la foi. L’extrait de La Condition humaine présente deux jeunes gens dévoués à la cause révolutionnaire, Kyo, le fils de Gisors, et Tchen. Tous deux refusent Tordre social et ses injustices. Dans Voyage au bout de la nuit, c’est le narrateur, Bardamu, mobilisé durant la Première Guerre mondiale, qui exprime sa révolte contre l’armée, et particulièrement contre un certain commandant Pinçon auquel est associé un capitaine de gendarmerie, chargé de châtier les soldats rebelles. Quelles relations les différents personnages entretiennent-ils avec leur milieu ? Expriment-ils ouvertement leur révolte ?
Dans le passage tiré de Quatrevingt treize, Hugo s’attache surtout à analyser la mentalité du prêtre défroqué, à souligner sa grande solitude. Au moment où Hugo situe l’action de son roman, Cimourdain a abandonné tout contact avec un clergé ennemi de la République naissante et solidaire des soulèvements royalistes de l’Ouest. Mais il a dû, après avoir renié son sacerdoce, remédier à une solitude extrême, se trouver d’autres personnes à qui se dévouer et avec qui combattre. L’état de prêtre a institué une solitude - le célibat forcé - que Cimourdain ne peut faire disparaître en menant une vie normale de laïc : « on lui avait ôté la famille, il avait adopté la patrie ; on lui avait refusé une femme, il avait épousé l’humanité », écrit Hugo. Le jeu d’antithèses («famille » et « patrie », «femme » et « humanité ») montre bien comment Cimourdain a trouvé dans la cause de la Révolution française des liens nouveaux de substitution. Mais ces liens sont peut-être incertains, utopiques, comme le laisse entendre la dernière phrase de l’extrait : « Cette plénitude énorme, au fond, c’est le vide. »
L’homme révolté, souvent victime d’une forme d’exclusion, doit renouer d’autres liens forts qui justifieront son combat.
C’est ce qu’on peut encore vérifier dans l’existence de Tchen et de Kyo, les deux révolutionnaires évoqués dans l’extrait de La Condition humaine. Ainsi Kyo a choisi de quitter son père Gisors, homme de culture et de méditation, pour partager « la vie des manœuvres et des coolies-pousse, pour organiser les syndicats ». Ce n’est pas son père qu’il rejette mais la société chinoise avec ses injustices et ses discriminations. Kyo souffre d’être un métis, méprisé autant par les élites locales que par les milieux d’affaires blancs. Se révolter contre le mépris et la solitude forme le but de son engagement révolutionnaire : il doit alors rejoindre d’autres hommes, encore plus humiliés : « il avait cherché les siens et les avait trouvés. » La relation à l’autre paraît moins nécessaire pour Tchen. Sans famille, sans appui, il construit seul les raisons de sa révolte et trouve dans l’action politique « un sens à sa solitude ».
Lejeune Julien Sorel, dans Le Rouge et le Noir, paraît lui aussi isolé face à son entourage familial, différent de ses frères, détesté par son père qui ne voit en lui qu’une bouche à nourrir et un être inutile. Exclu par une famille sans présence féminine, Julien est aussi révolté contre un ordre social qui le destine à des fonctions subalternes. Se voyant précepteur chez les Rénal, il s’imagine contraint de manger avec les domestiques. Rejeté par son milieu d’origine, Julien, par fierté, veut d’abord fuir le monde des notables, mais se ravise, comme l’indique la dernière phrase : « Mais alors plus d’avancement, plus d’ambition pour moi, plus de ce bel état de prêtre qui mène à tout. » L’amour-propre craignant l’humiliation est concurrencé par le désir de parvenir, de se hisser vers l’élite sociale. Ce n’est pas la révolte individuelle ou solidaire d’un groupe qui dictera à Julien sa conduite, mais plutôt l’ambition mêlée d’un étonnant sang-froid qui guidera ses pas dans la bonne société.
«
Le roman
3.
Invention (16 points)
Imaginez un personnage romanesque qui, dans un monologue intérieur, exprime
les raisons et les moyens de sa révolte.
Vous situerez ce personnage dans un contexte
social ou familial précis.
TEXTE A
Stendhal, Le Rouge et le Noir, lrc partie, chapitre V,
, 1830.
[Le jeune Julien Sorel, fils de charpentier doué pour les études, a de très mauvaises
relations avec son père.
Celui-ci, pour s'en débarrasse1; compte le placer chez
M.
de Rénal, le maire de Verrières.]
Réponds-moi sans mentir, si tu le peux, chien de lisard 1, d'où connais-tu
Mme de Rênal, quand lui as-tu parlé?
-Je ne lui ai jamais parlé, répondit Julien, je n'ai jamais vu cette dame qu'à
l'église.
s Mais tu l'auras regardée, vilain effronté?
Jamais! Vous savez qu'à l'église je ne vois que Dieu, ajouta Julien, avec un
petit air hypocrite, tout propre, selon lui, à éloigner le retour des taloches 2.
-Il y a pourtant quelque chose là-dessous, répliqua le paysan malin, et il se
tut un instant; mais je ne saurai rien de toi, maudit sournois.
Au fait, je vais être
10 délivré de toi, et ma scie n'en ira que mieux.
Tu as gagné M.
le curé ou tout
autre, qui t'a procuré une belle place.
Va faire ton paquet, et je te mènerai chez
M.
de Rênal, où tu seras précepteur des enfants.
-Qu'aurai-je pour cela?
-La nourriture, l'habillement et trois cents francs de gage.
1s -Je ne veux pas être domestique.
Animal, qui te parle d'être domestique, est-ce que je voudrais que mon fils
fût domestique?
Mais, avec qui mangerai-je ?
Cette demande déconcerta le vieux Sorel, il sentit qu'en parlant, il pourrait
20 commettre quelque imprudence; il s'emporta contre Julien, qu'il accabla d'in
jures, en l'accusant de gourmandise, et le quitta pour consulter ses autres fils.
Julien les vit bientôt après, chacun appuyé sur sa hache et tenant conseil.
Après
les avoir longtemps regardés, Julien ne pouvant rien deviner, alla se placer de
l'autre côté de la scie, pour éviter d'être surpris.
Il voulait penser mûrement à cette
25 annonce imprévue qui changeait son sort, mais il se sentit incapable de prudence ;
son imagination était tout entière à se figurer ce qu'il verrait dans la belle maison
de M.
de Rênal.
110.
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